C’est peut-être la question la plus difficile et la plus délicate qu’un pasteur puisse recevoir. Mon bien-aimé, qui vient de mettre fin à ses jours, est-il allé au ciel?
Pour un pasteur ayant plus de trente-cinq ans de ministère, ce n’est pas une question abstraite. “J’ai été confronté de près à plusieurs suicides. J’ai nettoyé le sous-sol après que la police a enlevé le corps d’un homme qui s’était tiré une balle dans la tête. J’ai utilisé un balai pour nettoyer le sang et d’autres choses, puis j’ai tout jeté dans l’évier de la buanderie pour que sa femme n’ait pas à voir ce que nous avions trouvé. Cinq jours plus tard, j’ai organisé ses funérailles. Il était un croyant professant sa foi. J’ai également présidé les funérailles d’une jeune femme qui est morte en sautant par la fenêtre de la chambre verrouillée d’un hôpital situé à côté de chez moi. Elle était enfermée pour sa sécurité, en raison de sa détresse psychologique.”
Tout d’abord, regardons les principes bibliques. “Soyons clairs: le suicide est grave. Nous jouons avec le feu. Se donner la mort est un acte grave sur le plan spirituel et éternel. Ce n’est pas anodin. Que tous ceux qui m’écoutent et envisagent de se suicider entendent ceci: ne faites pas cela. Il existe une meilleure voie. Je vous promets, au nom de Jésus-Christ, qu’il y a une meilleure voie. Vous ne la percevez peut-être pas en ce moment, mais ce que vous ressentez n’est pas la vérité. Vos sentiments vous trompent.”
Le suicide est un meurtre, et “aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui” (1 Jean 3.15). “Voilà qui devrait effrayer quiconque envisage de mettre fin à ses jours.” L’apôtre Jean suggère-t-il donc que toute personne dont le dernier acte de vie est un meurtre soit irrémédiablement un meurtrier? C’est une question ouverte.
Deuxièmement (et c’est là que le discernement pastoral entre en jeu), la Bible est très claire sur le fait que nous devons persévérer jusqu’à la fin pour être sauvés (Mc 13.13; Hé 3.14). “Mais cela ne signifie pas que notre confiance en Dieu soit sans faille jusqu’à la fin, ni que nous ne puissions jamais retomber dans le péché, trahissant ainsi un manque de confiance en Christ. Tout péché, tout mon péché – le péché commis cet après-midi, demain, hier – est enraciné dans une forme de méfiance à l’égard de la bonté suprême de Dieu. Mais je ne passe pas du statut de chrétien à celui de non-chrétien lorsque je pèche. Ce manque de confiance se manifeste dans le péché, mais je ne cesse jamais d’être chrétien. Dire que nous devons persévérer jusqu’à la fin dans la confiance ne signifie donc pas que vous devez persévérer jusqu’à la fin sans aucun péché ou avec une confiance parfaite en Christ. Notre foi reste imparfaite.”
La réponse nécessitera donc de faire la lumière sur les derniers actes. “Si une personne a placé sa confiance en Christ comme son Sauveur, son Seigneur, son trésor – le dernier acte de sa vie suffit-il à déterminer de manière décisive son véritable statut d’enfant de Dieu? Toute sa vie est-elle définie par un unique et dernier acte suicidaire?”
John Piper a enfoncé le clou par une analogie frappante. Imaginez-le, sortant furieux de chez lui après une dispute avec sa femme. Il prend la voiture, emporté par une colère pécheresse et une rage imprudente, perd le contrôle de son véhicule qui roule à toute vitesse, heurte un poteau téléphonique et finit par mourir… “Bon, mon dernier acte est un péché. Je me suis tué par mon péché. Je n’avais pas l’intention de me tuer, mais je l’ai fait. C’est le péché qui m’a conduit à mourir. Donc, la dernière chose que j’ai faite, c’est pécher. Ce dernier péché est-il décisif pour déterminer si John Piper est né de nouveau?” Non. “Dieu regardera l’ensemble de ma vie, et les preuves de mon appartenance à Christ seront évaluées, mais pas à cause de cet échec isolé, ni d’aucun autre échec. Pourquoi le dernier serait-il décisif alors que les autres sont tout aussi graves?”
Ainsi, nous devrions être “terrifiés à l’idée d’essayer de rencontrer Jésus par le biais du meurtre”, et pourtant, disant cela, “je brandis le drapeau de l’espérance: oui, la vraie foi peut connaître une période aussi sombre que celle-ci”.1
webinaire
Droit de mourir? Une table ronde sur la fin de vie et l'euthanasie
Découvre le replay du webinaire du 27 septembre 2023 avec Thierry Le Gall, Directeur du Service pastoral du CNEF auprès des parlementaires, Vincent Rébeillé-Borgella médecin généraliste à Lyon et auteur du livre Un médecin face à la peur de la mort et Joël Favre, pasteur en région grenobloise et professeur d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles ; ainsi qu’une invitée spéciale: Justine Gruet, députée du Jura.
Orateurs
T. Le Gall, V. Rébeillé-Borgella et J. Favre