La joie de l'Éternel est votre force (Néhémie 8.10)

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Voici ma prédication récente (vidéo et transcrite) sur l'un des textes les plus percutants de l'Ancien Testament, en plein réveil spirituel du peuple d'Israël: "La joie de l'Éternel est votre force" (Néhémie 8.10).

La joie de l’Éternel est votre force (Néhémie 8.1-12)

Se sentir protégé

L’un des plus grands besoins de l’être humain, c’est de se sentir protégé.

Il est particulièrement important de se sentir protégé quand on fait face à une série de catastrophes naturelles, comme c’est le cas aux États-Unis ces dernières années, avec notamment des ouragans à répétition.

Grâce aux nouvelles technologies qui sont désormais au service de la météorologie, les spécialistes peuvent prévoir l’arrivée des ouragans, ce qui est inédit à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Dans le passé, nous ne connaissions pas par avance l’existence de tels ouragans, ni leur intensité probable, ni les dangers qu’ils représenteraient bientôt pour nous.

Aujourd’hui, les gens peuvent donc se protéger, s’abriter. Bien sûr, ils ne parviennent pas toujours à sauver leur maison. Je me souviens de l’ouragan Sandy en 2012. Certains avaient mis des pancartes sur leur porte avec les mots : « Go away, Sandy! » Sans effet…

Se sentir protégé. Dans nos pays occidentaux, on voit souvent des gens, en particulier des personnes plutôt aisées et influentes, tout faire pour se protéger contre les conséquences de leurs actes, contre les jugements qui risquent de les rattraper. « Vous avez enfreint la loi? Pas de problème: je connais un bon avocat, voici sa carte! ». Ils embauchent les meilleurs avocats (ou en tout cas les avocats qui savent gagner, et qui savent aussi facturer… le prix de la victoire!). Ils se sentent alors à l’abri.

Mais s’il est un jugement contre lequel l’être humain est absolument incapable de se protéger par ses propres moyens (ni en ayant recours à ses amis avocats), c’est bien le jugement de Dieu. Le juste jugement de Dieu qui nous rattrape quand nous enfreignons la loi divine.

Existe-t-il une protection contre le jugement divin?

Laissons un texte de l’Ancien Testament, Néhémie 8.1-12, répondre à cette question – qui nous concerne tous.

Un réveil spirituel

Avec ce texte, nous nous trouvons devant une scène très particulière. Nous assistons à un véritable réveil spirituel.

Voici comment je vais organiser cet enseignement. Premièrement, je voudrais passer quelques minutes dans le texte avec vous, relire certains versets pour comprendre ce qui s’est vraiment passé ce jour-là.

Deuxièmement, à la lumière du texte de Néhémie 8, j’aimerais tenter de répondre à la question qui nous intéresse : quelle est la protection la plus sûre contre le jugement de Dieu?

Troisièmement, nous réfléchirons à quelques implications de ce texte pour notre vie.

1. Parcours du texte

Avant de relire certains extraits, rappelons-nous le contexte historique.

Le peuple d’Israël vivait une situation à la fois encourageante et difficile à l’époque d’Esdras et de Néhémie. Il était rentré de l’exil à Babylone environ 100 ans auparavant. Les Israélites avaient rebâti le temple de Jérusalem, ce qui était une bonne chose. Ils vivaient une certaine « restauration ». C’est d’ailleurs l’un des mots-clés des livres d’Esdras et de Néhémie, qui à la base formaient un seul livre, un seul rouleau.

Mais les Israélites vivaient sous le règne de l’empereur perse, sous sa domination. Heureusement (c’était encourageant), l’empereur leur laissait une grande liberté, par exemple sur le plan religieux (contrairement à l’empereur babylonien d’une époque antérieure). Néanmoins, les Israélites étaient dominés par les Perses.

En plus, ce n’était pas toujours simple de rétablir la situation sur le terrain. Par exemple, le texte de Néhémie 1 nous parle des Israélites rentrés à Jérusalem. Néhémie est alors à Suse, la capitale de l’empire perse. Un groupe d’hommes arrivés de Juda lui fait un rapport sur ce qui se passe à Jérusalem:

Ceux qui ont survécu à la captivité et qui vivent dans le district de Juda se trouvent dans une grande misère et dans une situation très humiliante ; il y a des brèches dans la muraille de Jérusalem et ses portes ont été détruites par le feu.

Néhémie 1.3

C’était une situation humiliante: les murailles de la ville étaient encore en ruine, longtemps après la reconstruction du temple. Pourquoi est-ce si grave? Parce qu’en Néhémie 11.1, Jérusalem est appelée « la ville sainte », ce qui n’était pas le cas avant l’exil. Avant l’exil, seul le Temple était considéré comme un lieu saint. Mais certains prophètes (comme Joël [4.16-17]) avaient annoncé que la sainteté du Temple s’étendrait un jour à toute la ville. C’est ce qui est en train de se produire ici.

Heureusement, Dieu restait fidèle, plein de grâce et de patience. Il a envoyé Néhémie (qui était gouverneur) ainsi qu’Esdras (prêtre et spécialiste de la Loi [scribe]) pour aider le peuple à reconstruire son identité et à revenir à Dieu. Grâce à Néhémie, les murailles de la ville sainte ont été reconstruites. En fait, elles ont été complétées quelques jours à peine avant les événements du chapitre 8 (Néhémie 6.15). Grâce à Esdras, comme nous le voyons dans notre passage, le peuple revient à l’Écriture, au texte de la Loi.

Voilà le contexte de Néhémie 8, dont Esdras est le personnage principal.

Relisons le premier verset:

1Tout le peuple s’assembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. Ils demandèrent à Esdras, qui était spécialiste de la Loi, d’apporter le livre de la Loi de Moïse donnée par l’Eternel à Israël.

Néhémie 8.1

Le rêve de tout prédicateur: quand le peuple lui demande d’apporter le livre. Voyez-vous, Esdras, qui est un scribe (un genre de prédicateur), n’a pas besoin de convaincre qui que ce soit de la pertinence de lire la Loi. Le peuple sait qu’il en a besoin.

Les gens ont soif du livre. Le peuple veut entendre la lecture et l’enseignement de la Loi. « S’il te plaît, Esdras, apporte le Livre, apporte le Livre de la Loi de Moïse! » La Loi de Moïse (la Torah), ce sont les cinq premiers livres de la Bible, que nous appelons aujourd’hui le Pentateuque. C’est le Pentateuque (ou des extraits du Pentateuque) que le peuple voulait entendre. Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.

D’après vous, comment Esdras a-t-il réagi à cette requête? Il ne s’est pas fait prier.

2Le premier jour du septième mois, Esdras, qui était aussi prêtre, apporta la Loi devant l’assemblée composée d’hommes et de femmes et de tous ceux qui étaient en âge de comprendre ce qu’ils entendaient. 3Il leur lut dans le livre, depuis l’aube jusqu’à midi, sur la place qui est devant la porte des Eaux. Tout le peuple était attentif à la lecture du livre de la Loi : hommes, femmes et tous ceux qui étaient en âge de comprendre.

Néhémie 8.2-3

La scène est unique. C’est le premier jour du septième mois, le jour de la fête des Trompettes, le jour de l’an de l’année civile, le 8 octobre 445 av. J.-C. pour être très précis. Si le peuple était vraiment assoiffé de la Parole de Dieu, Esdras n’allait tout de même pas louper l’occasion. Alors il lit la Loi pendant six heures: depuis l’aube jusqu’à midi. Le texte nous dit que tout le peuple était attentif à la lecture du livre de la Loi. Vous vous dites peut-être : « C’est impossible! Moi, j’ai de la difficulté à me concentrer pendant dix minutes, comment ont-ils pu rester attentifs pendant six heures? »

Les versets suivants nous décrivent la scène plus en détail.

4Esdras se tenait sur une estrade de bois dressée pour la circonstance.

Néhémie 8.4a

Le reste du verset 4 nous dit qu’Esdras était accompagné de six hommes à sa droite et de sept hommes à sa gauche.

Notez bien l’émotion aux versets 5 et 6:

5Comme il était placé plus haut que tout le peuple, chacun le vit ouvrir le livre. A ce moment-là, tous se levèrent. 6Esdras bénit l’Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple s’écria : Amen ! Amen ! en levant les mains. Puis ils s’inclinèrent jusqu’à terre et se prosternèrent devant l’Eternel pour l’adorer.

Néhémie 8.5-6

Voyez-vous l’humilité du peuple et son désir de se soumettre à la Loi? Quand le livre est ouvert, tout le peuple se tient debout. C’est un moment solennel, un moment de vérité.

Esdras conduit le peuple dans l’adoration. Le peuple s’abaisse devant son Dieu, il s’incline jusqu’à terre. Enfin, après tant de rébellion, après tant d’endurcissement, le peuple se prosterne devant l’Éternel, le grand Dieu, comme pour dire: « Nous voulons repartir à zéro! Oh Dieu, tu es notre Dieu. Nous voulons t’écouter et mettre en pratique l’instruction de l’alliance. »

Les versets 7 et 8 sont déterminants pour notre compréhension de ce réveil spirituel:

7[…] les […] lévites expliquèrent la Loi au peuple qui se tenait debout. 8Ils lisaient dans la Loi de Dieu et expliquaient au fur et à mesure, de façon posée et distincte, afin que chacun puisse comprendre ce qu’ils avaient lu.

Néhémie 8.7-8

Deux remarques:

  1. Esdras n’était pas seul pour l’instruction du peuple, mais il était accompagné par des Lévites.
  2. Le défi des Lévites, c’était que les gens comprennent le sens de ce qu’ils avaient lu. Il n’était pas suffisant de lire la Loi, il fallait aussi la faire comprendre. C’est une expression qui peut vouloir dire « traduire » ou « expliquer » (ou les deux). À cette époque, les Juifs parlaient l’araméen. Or la Loi était en hébreu. Ainsi, il est peut-être question en partie de traduction. Quoi qu’il en soit, ce qui est clair, c’est que les Lévites se sont appliqués à expliquer le sens du texte qu’ils lisaient. Ils circulaient parmi la foule et donnaient des explications. Ils clarifiaient le sens de la Loi. C’est peut-être ce qui a permis que l’enseignement dure six heures: c’était interactif.

Ensuite, au verset 9, nous voyons la réaction du peuple face à la lecture de la Loi:

9Tout le peuple pleurait en entendant les paroles de la Loi. Alors Néhémie le gouverneur, Esdras le prêtre et spécialiste de la Loi, et les lévites qui donnaient les explications au peuple dirent à tous : Ce jour est un jour de fête consacré à l’Eternel votre Dieu. Ce n’est pas le moment de pleurer et de prendre le deuil !

Néhémie 8.9

Vous est-il déjà arrivé de pleurer en entendant la Parole de Dieu? En lisant votre Bible ou en écoutant une prédication biblique? Pourquoi le peuple pleurait-il? À CAUSE DE SON PÉCHÉ! Au fur et à mesure que le peuple entendait et comprenait la Loi de Dieu, il prenait aussi conscience qu’il avait péché contre cette même Loi.

Ceci est confirmé par le contexte plus large dans le livre de Néhémie. Le chapitre 9 (le suivant) décrit la confession des péchés suite à une nouvelle lecture de la Loi (moins d’un mois plus tard). Cette observation me pousse à conclure qu’en Néhémie 8, ce qui fait pleurer le peuple d’Israël, c’est certainement son péché et la conséquence tragique de son endurcissement: l’exil. En effet, même après le retour d’exil, même avec la « restauration » partielle en territoire de Juda, les Israélites étaient toujours soumis aux Perses. Même à Jérusalem, la ville sainte!

D’une certaine manière, ces pleurs étaient légitimes. C’est parce qu’ils avaient compris la Loi (verset 8) qu’ils pleuraient (verset 9). L’une des difficultés dans l’étude de Néhémie 8, c’est que nous ne savons pas trop quelles parties de la Loi (du Pentateuque) ont été mises en avant ce jour-là. Mais je vous donne une petite clé de lecture: au chapitre suivant (Néhémie 9), quand la Loi est de nouveau lue, des extraits précis sont cités cette fois. Alors le plus sûr,  c’est d’interpréter le chapitre 8 à la lumière du chapitre 9 (en partie en tout cas). En effet, les enseignants ont dû insister sur les mêmes textes fondamentaux à plusieurs reprises. Or que dit la Loi de Moïse? La Loi (le Pentateuque) affirme d’abord que les commandements de Dieu sont bons. Ceci est rappelé en Néhémie 9.13:

13Tu [Éternel] es descendu sur le mont Sinaï, tu leur as parlé du haut du ciel et tu leur as communiqué des articles de droit justes, des lois vraies, des ordonnances et des commandements excellents.

Néhémie 9.13

Les commandements de Dieu sont excellents. Dieu ne donne pas des commandements pour empêcher son peuple de profiter de la vie. Au contraire, il les donne pour que son peuple jouisse de la vie.

Un autre élément fondamental de la Torah, c’est ce que certains appellent « le principe de la Loi » ou « le régime de la Loi ». Ce régime est rappelé en Néhémie 9.29:

29Tu leur as enjoint de revenir à ta Loi ; mais eux, dans leur orgueil, ils ont refusé d’obéir à tes commandements. Ils ont transgressé tes lois qui, pourtant, font vivre ceux qui les appliquent.Ils se sont montrés rebelles, se sont obstinés dans leur révolte, et n’ont rien voulu entendre.

Néhémie 9.29

C’est une allusion à un texte de la Loi, Lévitique 18.5, qui résume le régime de la Loi:

Vous obéirez à mes ordonnances et à mes lois ; l’homme qui les appliquera vivra grâce à cela. Je suis l’Eternel.

Lévitique 18.5

Alors que Esdras et les Lévites lisaient la Loi, qu’est-ce que les auditeurs réalisaient? Qu’ils avaient échoué! Ils n’avaient pas obéi aux ordonnances de l’Éternel. Ainsi, au lieu d’obtenir une vie d’abondance dans la terre promise, ils avaient subi le jugement de Dieu et avaient été exilés. La Loi prévoyait aussi des conséquences terribles en cas de désobéissance. Cela faisait partie du « régime de la Loi », ou du « principe de la Loi ». Voilà sans doute pourquoi les Israélites pleuraient. Avec raison.

Mais les enseignants demandaient aux Israélites d’arrêter de pleurer. Après tout, c’était le grand jour de la fête des Trompettes, qui se voulait un jour de festivités, de célébration, un jour saint, consacré à l’Éternel. Lors des jours saints, lors des fêtes (décrites en Lévitique 23), les fidèles devaient se rappeler la grâce de Dieu et tout ce qu’il avait fait dans l’histoire pour délivrer son peuple.

10Puis Esdras ajouta : A présent, allez faire un bon repas, buvez d’excellentes boissons et faites porter des portions à ceux qui n’ont rien préparé, car ce jour est un jour consacré à notre Seigneur. Ne vous affligez donc pas, car la joie que donne l’Eternel est votre force.

Néhémie 8.10

J’ai des amis qui aiment beaucoup citer ce verset hors contexte, surtout la première partie: « allez faire un bon repas, buvez d’excellentes boissons ». Pour les gens qui aiment les bons vins, il est tentant de mettre une telle exhortation en fond d’écran!

De fait, le verset 10 est important – c’est même le verset clé de notre texte. Mais c’est surtout sur la fin du verset qu’il faut insister. Le milieu du verset est également intéressant: Esdras tient à ce que tous puissent participer, même ceux qui étaient plus démunis ou n’avaient pas eu l’occasion de se préparer. La Loi encourageait le partage des biens matériels.

Mais que dit la fin du verset 10?

Ne vous affligez donc pas, car la joie que donne l’Eternel est votre force.

Néhémie 8.10b

Nous y reviendrons dans un instant.

Le verset 11 répète ce qui a déjà été dit :

11De leur côté, les lévites calmaient tout le peuple en disant : Soyez tranquilles, car ce jour est consacré à Dieu, ne vous attristez donc pas !

Néhémie 8.11

Et le verset 12 nous décrit l’effet de ces paroles sur le peuple:

12Alors tous allèrent manger et boire, faire porter des parts aux pauvres et organiser de grandes réjouissances. Car ils avaient bien compris les paroles qu’on leur avait enseignées.

Néhémie 8.12

Les gens s’exécutent. Ils font la fête, en intégrant les plus pauvres. Ils se livrent à de grandes réjouissances. Pourquoi? Parce qu’ils ont compris les paroles enseignées. Encore une fois, l’importance de comprendre la Loi.

Nous avons vu tout à l’heure qu’ils avaient compris qu’ils étaient sous le régime de la Loi. « Obéis et tu vivras! » Cela n’était pas une bonne nouvelle. Ils en pleuraient, parce qu’ils avaient lamentablement échoué.

Toutefois, les Lévites leur faisaient aussi comprendre autre chose à partir du Pentateuque. Les jours de fête consacrés à l’Éternel, comme la fête des Trompettes, étaient l’occasion de célébrer la grâce de Dieu manifestée à travers l’histoire. Dans les livres de la Loi (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome), il y avait non seulement le « principe de la Loi » (Lévitique 18.5), mais aussi les récits de la grâce de Dieu et les promesses de salut. Autrement dit, à de nombreux endroits dans le Pentateuque, il est évident que Dieu choisit parfois d’agir non pas selon le régime de la Loi (bien que Dieu serait en droit de punir le peuple quand il désobéit). Très souvent, même dans les livres de la Loi, Dieu choisit plutôt d’agir selon sa grâce.

Cela aussi se voit en Néhémie 9.

Trois exemples:

  1. La double promesse à Abram, celle d’une descendance et d’un pays. C’est dans la Genèse que cela se passe. Et c’est rappelé en Néhémie 9.7-8. Or ces belles promesses ne dépendent pas de l’obéissance d’Abram. Dieu les a faites par pure grâce. Et il accomplit ses promesses, car il est juste (Néhémie 9.8).
  2. Dans le livre de l’Exode, alors même que Dieu était en train de conclure l’alliance du Sinaï avec son peuple, les Israélites se sont fabriqué un veau en métal fondu. Ils ont dit: « C’est ce dieu-là qui nous a fait sortir d’Égypte! » Heureusement que Dieu n’a pas appliqué le régime de la Loi ce jour-là! Qu’était-il en droit de faire? Dieu aurait pu légitimement détruire son peuple, qui venait de briser l’alliance qu’il était en train de mettre en place. Mais Dieu a voulu montrer qu’il est un « Dieu qui pardonne, un Dieu compatissant et qui fait grâce, […] lent à [se] mettre en colère et d’une immense bonté » (Néhémie 9.17-18). Tout cela provient de la Torah (de l’Exode).
  3. En Néhémie 9.30-31, il est rappelé que le Dieu de grâce a ramené les exilés dans le pays promis. Ce retour d’exil était annoncé en Deutéronome 30. Il montre que Dieu n’abandonne pas son peuple.

Autrement dit, la Torah contient à la fois le régime de la Loi (qui fait pleurer) et des rappels de la grâce de Dieu (qui mènent à la réjouissance). C’est comme si les Lévites disaient: « En ce jour de fête, concentrons-nous surtout sur la grâce et sur la joie. »

Voilà pour le texte lui-même.

2. Quelle est la meilleure protection contre le jugement divin?

D’abord, quelques remarques. Notre verset clé affirme: « […] car la joie que donne l’Eternel est votre force » (verset 10). Or il s’agit ici d’une force défensive plutôt que d’une force offensive. La Bible de Jérusalem traduit « forteresse ». Dans d’autres passages, le même mot hébreu est parfois traduit « refuge ». Certains exégètes traduisent ici « protection » (la joie de l’Eternel est votre protection).

Vous vous demandez peut-être: une protection contre quoi? À la lumière du contexte des livres d’Esdras et de Néhémie, je ne peux qu’être d’accord avec H.G.M. Williamson, un spécialiste de ces livres, professeur émérite à Oxford, qui a écrit: « Dans ce contexte, la “protection”est une protection contre les jugements que la Loi proclame contre ses transgresseurs (p. ex. en Lév 26 ; Deut 27-28). »

Wow, ceci est absolument incroyable, pensez-y un instant. La joie que donne l’Éternel, c’est LA protection contre les jugements prononcés par l’Éternel. Autrement dit, personne ne peut nous protéger contre Dieu à part Dieu lui-même. Ce que les Lévites avaient compris, et ce qu’ils ont fait comprendre au peuple, c’est que, d’une certaine manière, oui, dans la Torah, il y a à la fois le régime de la Loi et la grâce de Dieu. Mais lors des jours de fête, c’est la grâce de Dieu qui doit être soulignée.

Ils ont ainsi saisi quelque chose de très profond: la seule forteresse qui tienne quand on est coupable, c’est celle du pardon de Dieu. C’est ce que nous pourrions appeler une « forteresse de joie ». « Peuple d’Israël, oui, tu peux pleurer, mais aujourd’hui, arrête de pleurer et trouve refuge dans cette forteresse de joie. La fête des Trompettes, c’est une illustration du triomphe de la grâce de Dieu. Laissons la compassion prendre le dessus sur la condamnation. Laissons la joie vaincre la tristesse. »

Le verset 10 de Néhémie 8 prend tout son relief quand nous comprenons bien le contexte du livre. La première moitié du livre de Néhémie nous raconte comment, sous Néhémie, la muraille de Jérusalem est enfin réparée. Mais une muraille de pierres et de bois suffit-elle pour protéger le peuple de Dieu contre Dieu lui-même? NON:  LA VÉRITABLE FORCE D’ISRAËL, C’EST LA JOIE DE L’ÉTERNEL. Après avoir entouré Jérusalem d’une muraille de pierres et de boisDieu entoure son peuple d’une muraille de joie.

Dans notre texte, quel est le message central d’Esdras et des Lévites pour les Israélites de l’époque? Je résume: « La joie que procure le Dieu de grâce est votre refuge face au jugement que vous méritez. »

C’est un message extraordinaire!

Pourtant, je dois avouer que j’ai beaucoup de mal à me réjouir avec les Israélites. Je ne voudrais pas jouer les trouble-fête, mais nous avons un gros problème à régler avant de pouvoir refermer le Livre ce matin.

Ce jour-là, ils se sont effectivement réfugiés dans la forteresse de joie. Mais ils n’ont pas su y rester. Quand Esdras était arrivé à Jérusalem treize ans auparavant (en 458), il avait constaté l’infidélité du peuple dans plusieurs domaines (se reporter à Esdras 9-10). Par exemple, les hommes avaient épousé des femmes étrangères (ce qui était interdit par la Loi). Mais sous l’impulsion d’Esdras, le peuple s’était engagé à régler la situation. Il avait même prêté serment.

Treize ans plus tard se déroule la scène à laquelle nous assistons en Néhémie 8, le fameux « réveil spirituel ». Mais à peine quelques années après ce réveil spirituel, Néhémie (et non pas Esdras cette fois) revient à Jérusalem. Or que voit-il (en Néhémie 13)? Un éventail de compromis, y compris des mariages mixtes (avec des épouses étrangères). C’est le dernier chapitre de Néhémie. C’est la fin de l’histoire (Esdras-Néhémie)! Cela se termine en queue de poisson! L’histoire humiliante d’Israël ne cesse de se répéter. Le peuple est pris dans une spirale descendante, dans une spirale infernale. Il ne cesse d’attirer sur lui le juste jugement de Dieu.

Pourquoi? Parce que même si Dieu est plein de grâce, les Israélites vivent néanmoins sous le régime de la Loi. Et le « principe de la Loi » ne fonctionne pas, tout simplement! « Obéissez, et vous vivrez! » Cela ne marche pas. Pourquoi? Parce que les commandements sont mauvais? Non, au contraire, les commandements sont bons, excellents même. Mais cela ne marche pas parce que l’homme est incapable de tenir ses engagements. Dieu accomplit ses promesses, mais les Israélites n’accomplissent pas les leurs. Ils ont une tendance incorrigible à la rébellion. L’image utilisée dans le Deutéronome (reprise en Néhémie 9), c’est qu’ils ont la nuque raide (Néhémie 9.16), c’est-à-dire qu’ils sont rebelles, endurcis. L’alliance du Sinaï est une impasse parce qu’Israël n’est pas parvenu à faire sa part du deal.

Nous avons donc absolument besoin d’une nouvelle alliance qui, elle, va transformer les cœurs. Cela tombe bien. Quatre cent cinquante ans plus tard, un Juif partage le repas de la Pâque avec ses amis. Après le repas, il leur dit: « Ceci est la coupe de la nouvelle alliance conclue par mon sang qui va être versé pour vous. » (Luc 22.20)

Ce que j’aimerais que nous retenions de Néhémie 8, c’est que nous assistons, avec ce texte, à un début de restauration. Nous avons droit à un aperçu d’une restauration future. Mais la restauration complète, la relation rétablie avec Dieu, n’est possible qu’en Jésus-Christ.

Appliquons-nous le message central du texte, mais à la lumière de Christ cette fois: la joie que procure le Dieu de grâce est notre refuge face au jugement que nous méritons.  Seul Dieu peut nous protéger contre le jugement de Dieu.

Cette vérité, elle est bien « plus vraie » (plus forte) pour nous que pour les Israélites de l’époque d’Esdras. En effet, qu’est-ce que la croix de Christ, sinon Dieu lui-même qui nous protège contre son propre jugement en le prenant sur lui. Dieu le Fils a subi la colère de Dieu le Père. La croix, c’est Dieu qui nous protège contre Dieu. Et c’est une source de joie parce que c’est gratuit! C’est Dieu lui-même qui nous place dans un refuge pour que nous n’ayons pas à subir sa colère. Christ la subit à notre place et devient ainsi pour nous une forteresse de joie. Christ est notre forteresse de joie (d’une certaine manière)! Il nous entoure et détourne de nous le jugement de Dieu. C’est lui qui absorbe la condamnation. Contrairement aux Israélites de l’ancienne alliance, nous ne quitterons jamais la forteresse de joie, parce que nous ne quitterons jamais le Christ! Nous sommes unis à lui à jamais!

Le 8 octobre 445 av. J.-C., Dieu a donné aux Israélites un aperçu de l’avenir. Il a levé le voile sur la suite de l’histoire. Cette fête des Trompettes, c’était une illustration d’une réalité future dans l’histoire, une anticipation de l’œuvre de Christ! Si Dieu leur a permis de se réjouir temporairement ce jour-là (juste avant de retomber), c’est parce qu’il savait ce qu’il préparait: une joie inaltérable pour l’Église de Jésus-Christ. Si les Lévites ont compris que la Torah contenait à la fois le « régime de la Loi » et la grâce de Dieu, nous comprenons quelque chose de plus grand: en Jésus-Christ, c’est la grâce de Dieu qui a triomphé de manière définitive! Le triomphe de la grâce est complet et final.

Le Nouveau Testament appelle l’alliance avec Moïse l’ancienne alliance. Et dans la nouvelle alliance, Dieu ne nous dit pas: « Obéis et tu vivras », mais il nous dit: « Crois en Jésus, et tu seras sauvé! » Jésus a observé les termes de l’alliance du Sinaï, lui a obéi parfaitement. En mettant ta confiance en lui, tu reçois le pardon de tes péchés. Son obéissance parfaite est portée à ton crédit. Tu peux rester toute ta vie dans la forteresse de joie, parce que la grâce a vraiment triomphé une fois pour toutes. « Tout est accompli. »

3. Qu’est-ce que ce texte implique pour nous?

Voici deux expériences faites par les Israélites ce jour-là. Or nous pouvons les vivre beaucoup plus intensément qu’eux parce que nous nous trouvons dans une alliance supérieure, conclue par le sang de Christ.

A. Ils ont lu l’Écriture avec une attitude de soumission.

En Néhémie 8, les Israélites ont supplié Esdras d’apporter le livre de la Loi de Moïse. Quand Esdras a ouvert le livre, ils se sont levés (en signe de respect). En plus, ils se sont inclinés jusqu’à terre et se sont prosternés devant l’Éternel pour l’adorer. Pendant la lecture, ils étaient très attentifs et à un moment, ils se sont mis à pleurer. Tout cela nous montre l’attitude de soumission du peuple non seulement devant la Parole de Dieu, mais aussi devant le Dieu de la Parole. Le problème, c’est que cette soumission a été très temporaire et incomplète.

Comment se manifeste notre soumission à Dieu quand nous lisons l’Écriture? Parfois, nous pleurons aussi, parce que nous continuons de pécher et de désobéir à la Parole de Dieu. Dans ces moments-là, Dieu nous invite à confesser nos péchés. Il est fidèle et juste pour nous les pardonner (1 Jean 1.9).

Mais n’oublions pas que notre situation est très différente. Nous ne sommes pas pris dans la spirale infernale du régime de la Loi. Nous vivons exclusivement sous la grâce. Qu’est-ce que cela change?

L’auteur de l’épître aux Hébreux, au chapitre 8, cite un texte de Jérémie pour comparer l’ancienne alliance et la nouvelle. L’une des nouveautés avec la nouvelle alliance (d’après Hébreux 8.10), c’est que Dieu grave ses lois sur notre cœur, ce qui est une manière de dire que Dieu nous donne maintenant la puissance de lui obéir. Grâce au Saint-Esprit qui habite en nous, il devient possible d’aimer Dieu et d’aimer notre prochain, ce qui n’était pas le cas sous le régime de la Loi.

Voici un résumé fort ingénieux de la relation entre les deux alliances, selon John Bunyan (17ème siècle):

Cours, John, cours. La Loi te l’ordonne

Mais ni pieds ni mains elle ne donne.

L’Évangile apporte une bien meilleure nouvelle

Il m’ordonne de voler et me donne des ailes1.

Notre soumission à Dieu, nous la vivons en réalité dans le bonheur et dans la liberté de l’Esprit. Nous pouvons enfin prendre notre envol et faire ce que Dieu attend de nous! Les commandements de Dieu ne sont plus pénibles.

Voici un exemple de la forme que prend cette soumission sous la nouvelle alliance. Saint Augustin, en l’an 386, a été délivré de la convoitise et de l’immoralité sexuelle lorsqu’il a découvert la supériorité des plaisirs divins. Il a prié: « Quel bonheur pour moi d’être d’un seul coup débarrassé de ces joies stériles dont j’avais jadis peur de me séparer! […] Tu les as éloignées de moi, toi la vraie, la souveraine joie. Tu les as chassées pour prendre leur place, toi le plus délicieux de tous les plaisirs2 ».

Voilà à quoi ressemblent la soumission et l’obéissance sous la nouvelle alliance.

B. Ils ont lu l’Écriture avec une attitude de célébration.

En Néhémie 8, les Lévites ont pratiquement « obligé » les Israélites à se réjouir. Ils leur ont bien fait comprendre que la fête des Trompettes les invitait à se réjouir de la grâce de Dieu. Mais la fête a été de courte durée.

Pour nous, les choses ont bien changé. La fête est perpétuelle, parce que le texte d’Hébreux 1.1-2 nous dit qu’autrefois, Dieu a parlé aux Israélites par les prophètes (comme Moïse), mais que maintenant, dans ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par le Fils.

Quand nous lisons le Nouveau Testament, nous rencontrons le Fils, auquel rendent témoignage ses auteurs. Et quand nous lisons l’Ancien Testament, nous discernons l’annonce du Fils, la promesse du Fils. Autrement dit, les chrétiens lisent leur Bible à travers la lentille du triomphe de la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Voilà ce qu’il faut COMPRENDRE pour pouvoir se délecter de la Bible. Notre texte insiste beaucoup sur le fait de COMPRENDRE la Loi. Grâce à Jésus, nous la comprenons mieux que jamais. Nous comprenons qu’elle annonce Christ, qui est venu accomplir la Loi.

Si vous avez lu la biographie de George Müller, qui a fondé un orphelinat en Angleterre au XIXesiècle, vous savez qu’il a fait face, au cours de son ministère, à d’innombrables épreuves. Dans son journal personnel, il explique ce qui lui a permis de persévérer. Chaque matin, il méditait l’Écriture jusqu’à ce qu’il soit – et je cite : « heureux en Christ mon Sauveur ».

Voici ce qu’il a écrit:

Je supplie mes frères en Christ de bien vouloir essayer [la méditation de la Parole]. C’est par elle, avec la bénédiction de Dieu, que j’ai reçu les secours et la force nécessaires pour traverser en paix de très douloureuses épreuves qui ont dépassé tout ce que j’avais connu jusque-là. Voilà quarante ans que je procède ainsi. C’est donc en toute connaissance de cause et dans la crainte du Seigneur que je recommande cette méditation matinale de la Parole. Quelle différence lorsque l’âme s’est rafraîchie et rassasiée, lorsqu’elle a été rendue joyeuse dès le matin! Alors, elle n’est pas faible pour le service, et elle est prête pour la rencontre des épreuves et des tentations quotidiennes3.

Lisons la Bible régulièrement, jusqu’à ce que nous soyons heureux en Christ notre Sauveur. Chaque fois que nous ouvrons la Bible, individuellement ou en Église, célébrons la victoire du Christ et le triomphe de la grâce de Dieu.

La joie de la grâce est notre refuge face au jugement que nous méritons. Christ est notre forteresse de joie.

Mes autres prédications se trouvent ICI.

1. Reproduit dans le livre de Jerry Bridges, À l’école de la grâce, Charols, Excelsis, 2015, p. 112 (je l’ai légèrement modifié).
2. Cité dans John Piper, Au risque d’être heureux. Fais de l’Éternel tes délices!, Marpent, BLF, 2009, p. 15.
3. Extrait de George Müller, L’Audace de la Foi, Saint-Légier, Emmaüs, 1994.


Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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