Dieu ne peut pas être tenté

Doctrine de Dieu

Oscar Wilde est connu pour ses mots d’esprit. À première vue légers, ils se révèlent souvent d’une profondeur sinistre et inattendue. On raconte qu’avant de mourir, il aurait dit: “Soit c’est ce papier peint qui s’en va, soit c’est moi.” Une autre de ses formules a fait le tour du monde, imprimée sur des t-shirts: “Je résiste à tout sauf à la tentation.”

Voilà une phrase qui pourrait tout aussi bien être prononcée par un joyeux libertin que par un toxicomane tourmenté. Quoi qu’il en soit, elle sous-entend que la tentation nous décharge des conséquences de nos actes. Comment aurais-je pu agir différemment? La tentation était trop forte!

Dieu serait-il capable de résister à la tentation grâce à sa force de volonté exceptionnelle? En fait, il n’a même pas besoin d’en arriver là, car il n’est tout simplement jamais tenté. Et comme nous le verrons, en plus de nous aider à dormir, cette assurance peut aussi nous porter secours lorsque nous devons faire face à la tentation.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais mettre au clair ce que nous entendons par le mot "tentation". Si j’en crois les pubs à la télé, ce mot fait surtout penser à la crème glacée ou au sexe: un puissant désir dirigé vers un plaisir interdit. Toutefois, pour le lecteur de la Bible, la tentation est un concept bien plus large et complexe. Il ne renvoie pas seulement au charme enivrant d’un plaisir, il se rapporte aussi à l’épreuve de notre foi et de notre caractère.

Lorsque le peuple d’Israël a appris que des ennemis redoutables occupaient le pays promis, il a été exposé à la tentation, tout autant que Joseph lorsque la femme de Potiphar a voulu le séduire.

L’auteur des Proverbes reconnaît que la tentation peut survenir dans n’importe quelles circonstances. Voilà pourquoi il prie ainsi:

Ne me donne ni pauvreté ni richesse; accorde-moi seulement la nourriture nécessaire, car dans l’abondance, je pourrais te renier et dire: “Qui est l’Éternel?” Ou bien, pressé par la misère, je pourrais me mettre à voler et déshonorer ainsi mon Dieu.

Proverbes 30.8-9

Ces versets montrent que, tant le fait d’avoir de l’argent que celui de ne pas en avoir, peut devenir source de tentation. Chacune de ces deux situations possède son revers de la médaille. La richesse me pousse à me croire autosuffisant: Pourquoi aurais-je besoin de Dieu? J’ai tout l’argent qu’il me faut.

De même, la pauvreté m’incite à ignorer Dieu et à compter sur mes propres forces, cette fois-ci en volant. Ce qui est frappant, c’est que la vision que l’auteur des Proverbes a de lui-même rejoint celle d’Oscar Wilde: tous deux savent qu’ils sont enclins à céder à la tentation. Voilà pourquoi l’auteur des Proverbes prie pour ne pas y être exposé.

Jésus a enseigné à ses disciples à prier de la même manière: demander leur pain quotidien et demander à ne pas être exposés à la tentation (Mt 6.11-13). Nous sommes impuissants face à la tentation et notre seul espoir, c’est la fuite.

Je crois qu’il vaut la peine de se pencher sur le récit de la toute première tentation. Cela nous aidera à comprendre pourquoi nous sommes tentés et pourquoi le fait que Dieu n’est jamais tenté peut nous aider quand nous le sommes.

Dieu a placé Adam et Ève dans un monde si beau qu’on ne peut qu’en rêver. C’était un paradis qui regorgeait de nourriture riche, un monde de beauté et de merveilles. Mais c’était aussi un monde cadré par des limites: dans le jardin d’Éden se trouvait un arbre dont Adam et Ève n’avaient pas le droit de manger les fruits. Cependant, ces limites étaient, comme le reste, la manifestation de ce que ce monde avait de meilleur: c’était le monde de Dieu et les premiers êtres humains, ses créatures, y vivaient dans une parfaite harmonie avec lui.

Quand la tentation est survenue, elle s’est présentée comme une invitation à rejeter ce Dieu qui les avait créés:

Le serpent était le plus astucieux de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il demanda à la femme: Vraiment, Dieu vous a dit: “Vous n’avez pas le droit de manger du fruit de tous les arbres du jardin!”?


La femme répondit au serpent: Nous mangeons des fruits des arbres du jardin, mais celui qui est au milieu du jardin Dieu a dit de ne pas manger de son fruit et de ne pas y toucher sinon nous mourrons. Alors le serpent dit à la femme: Mais pas du tout! Vous ne mourrez pas! Seulement Dieu sait bien que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, décidant vous-mêmes ce qui est bien ou mal.


Alors la femme vit que le fruit de l’arbre était bon à manger, agréable aux yeux, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence. Elle prit donc de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea.

Genèse 3.1-6

Observez le déroulement de la conversation. Tout d’abord, le serpent, plein de ruse, pousse Ève à douter de la générosité de Dieu: “Vraiment, Dieu vous a dit: "Vous n’avez pas le droit de manger du fruit de tous les arbres du jardin"?”

La réponse à cette question devrait être un "non" clair et net, mais la réaction d’Ève montre qu’elle se laisse quand même influencer par le serpent. Quand elle rapporte les paroles de Dieu, elle ajoute qu’ils ne doivent "pas y toucher" (v. 3), ce que Dieu n’a jamais dit (Gn 2.16-17).

Alors, c’est la dégringolade.

Les débats sont ouverts: Dieu a dit ci, Dieu a dit ça. Le serpent suggère à Ève que Dieu n’a pas été tout à fait honnête avec eux quand il leur a promis la mort s’ils désobéissaient: “Mais pas du tout! Vous ne mourrez pas!” affirme-t-il. Il prétend qu’en fait, Dieu leur a imposé des limites pour assurer sa propre position de supériorité. En gros, Dieu veut vous priver de ce qu’il y a de meilleur parce qu’il veut se le garder pour lui tout seul.

Souvenez-vous de tout ce qui s’est passé jusqu’ici: Dieu a créé et a façonné l’univers par sa seule parole. Il a parlé et l’univers est apparu. Il n’y a qu’une seule de ses paroles qui ne se soit pas encore accomplie, c’est sa promesse de mort si Adam et Ève mangent du fruit défendu. Il s’agit donc là d’un moment décisif: l’homme et la femme feront-ils confiance à la parole de Dieu ou croiront-ils les théories du serpent qui remet en question la puissance de cette parole? Quand le serpent prétend que la parole de Dieu pourrait ne pas s’accomplir , il n’est pas simplement en train de pinailler sur une question de vocabulaire. Il remet en cause le statut de Créateur qui n’appartient qu’à Dieu seul, c’est- à-dire sa divinité. De plus, en suggérant que Dieu se préoccupe de lui-même et non de ses créatures, le serpent met aussi en doute sa bonté.

Le fait que le serpent remette en question à la fois la divinité et la bonté de Dieu peut nous aider à comprendre comment la tentation agit dans notre cœur. Prenons l’exemple du mensonge.

Je suis pour ma part particulièrement tenté de mentir quand je pense que la vérité donnera aux autres une mauvaise opinion de moi. Imaginons que j’arrive en retard à une réunion. Je pourrais laisser les autres penser que je suis désorganisé ou irrespectueux. Pourtant, je me retrouve à lutter désespérément contre l’envie d’inventer des embouteillages sur la route ou une urgence de dernière minute. Que se passe-t-il en moi à ce moment-là?

D’un côté, il est normal de vouloir que les autres pensent du bien de nous. L’auteur des Proverbes nous dit que “bon renom vaut mieux que grandes richesses” (Pr 22.1). Cependant, si notre désir d’avoir une bonne réputation est si fort qu’il nous pousse à enfreindre l’un des dix commandements, c’est que quelque chose ne va pas.

Tout dépend de la vision que j’ai de Dieu. Si je pense vraiment qu’il serait plus grave pour moi que les autres découvrent la vérité à mon sujet (par exemple, mon manque de respect pour la ponctualité, qui trahit un manque d’amour et de souci pour eux), plutôt que de traiter Dieu avec mépris (en enfreignant ses commandements), alors cela signifie que j’accorde plus d’importance à l’opinion des autres qu’à Dieu. Je suis donc tenté parce que je ne considère pas Dieu comme réellement souverain. Je doute de sa divinité.

Dans d’autres situations, j’ai l’impression que, pour me sentir épanoui et comblé, j’ai besoin d’une chose que la parole de Dieu m’interdit. Si je doute de la bonté de Dieu dans son choix de m’interdire cette chose, alors la tentation devient insupportable. Combien de gens se sont embarqués dans une relation extra-conjugale en se persuadant qu’elle leur donnerait l’impression de se sentir enfin "eux-mêmes"!

Toute tentation naît quand nous commençons à douter de la divinité ou de la bonté de Dieu (et bien souvent des deux). Nous comprenons donc mieux pourquoi Dieu ne peut pas être tenté.

Prenons un exemple. Avec ma femme, nous gardions parfois le chien d’un ami qui grandissait si vite que le vétérinaire avait recommandé un régime très strict. Si on le laissait manger autant que son corps en croissance le réclamait, il aurait de graves problèmes d’ossature et souffrirait constamment de luxations et de douleurs chroniques. En raison de ce régime, le pauvre animal avait toujours faim. Quand nous le promenions, nous devions être très attentifs, car il était si affamé que même la bouse de vache représentait une tentation irrésistible. Je sais ce que c’est que d’être tenté, mais ce que cette pauvre bête trouvait irrésistible n’a jamais été pour moi une tentation. Bien au contraire, c’était complètement répugnant!

Aux yeux de Dieu, tout ce qui pourrait représenter pour nous une tentation est comme de la bouse de vache. Tout ce qui va à l’encontre de sa bonté le dégoûte. Après tout, que gagnerait-il à considérer autre chose comme étant plus grand que lui-même?

Nous sommes tentés lorsque nous mettons en doute la divinité de Dieu et le remplaçons par quelqu’un ou quelque chose d’autre. Pensons-nous vraiment que Dieu pourrait douter de lui-même?

De même, Dieu pourrait-il manquer de quoi que ce soit qu’il serait tenté d’obtenir par des moyens malhonnêtes? Pour être ainsi tenté par le mal, il faudrait que Dieu rejette sa propre existence. C’est pourquoi nous devrions être tous d’accord pour affirmer que Dieu ne peut cesser d’être bon, pas plus qu’il ne peut cesser d’exister.

Vous commencez peut-être à comprendre où je veux en venir. Affirmer que Dieu ne peut pas être tenté est une autre façon de dire qu’il est et qu’il sera toujours bon. Et puisque nous sommes très souvent tentés parce que nous doutons de la bonté de Dieu, cela peut nous être très utile de réfléchir au rapport que Dieu entretient avec la tentation.

C’est justement ce qui s’est passé pour les destinataires de l’épître de Jacques, le (demi-)frère de Jésus. C’était une communauté de chrétiens en souffrance. Leur foi était mise à l’épreuve par les difficultés et la persécution, et Jacques reconnaît que cette situation représente un danger pour leur foi.

En effet, ces chrétiens pouvaient être tentés de croire un mensonge vieux comme le monde qui dit que Dieu n’aime pas son peuple. C’est pourquoi, après avoir expliqué les origines de la tentation et averti ses lecteurs de ses conséquences (Jc 1.13-15), Jacques les exhorte:

Ne vous laissez donc pas égarer sur ce point, mes chers frères et sœurs: tout cadeau de valeur, tout don parfait, nous vient d’en haut, du Père des lumières et en qui il n’y a ni changement, ni ombre due à des variations. Par un acte de sa libre volonté, il nous a engendrés par la parole de vérité pour que nous soyons comme les premiers fruits de sa nouvelle création.

Jacques 1.16-18

Les hommes ont souvent eu tendance à considérer que leur destinée était constamment soumise au changement. En associant cela aux changements qu’ils pouvaient observer dans la création, ils ont créé l’un des mythes les plus tenaces auxquels l’humanité a été confrontée: l’astrologie, c’est-à-dire l’idée que notre destin est façonné par les mouvements du soleil, de la lune, des étoiles et des planètes.

Dans une certaine mesure, c’est vrai. Le mouvement des astres provoque en effet les changements de météo et les saisons. Mais Dieu n’est pas comme les corps célestes qui peuvent se déplacer et changer (v. 17). Sa relation avec son peuple ne dépend pas des saisons et n’est pas soumise à la météo. Dieu est d’une bonté constante et d’une constance merveilleuse.

Dieu ne change pas, dit Jacques, et s’il vous a donné une vie nouvelle, ce n’est pas pour une période d’essai. Son but n’est pas de vous pousser dans vos retranchements pour voir à quel moment vous allez craquer. C’est pourquoi nous n’avons aucune raison de voir la tentation du même œil pessimiste et fataliste qu’Oscar Wilde. Contrairement à la puissance de Dieu, la tentation n’est pas irrésistible. Elle n’est pas non plus le signe que Dieu a une dent contre vous. Avoir l’assurance que Dieu est toujours de notre côté est d’une grande aide pour résister à la tentation. Pourquoi? Car la tentation repose d’une manière ou d’une autre sur le mensonge qui dit que Dieu est contre nous. Dieu m’aime et le suivre est la voie de la bénédiction.

Voilà une excellente phrase à se répéter lorsque les circonstances nous poussent à croire le contraire, que ce soit en raison de nos désirs ou de nos craintes. Dans quelle situation pourriez-vous avoir besoin de vous en souvenir?

De plus, vous pouvez dormir sereinement, "fermement persuadé" comme le dit Paul, que “celui qui a commencé en vous son œuvre bonne la poursuivra jusqu’à son achèvement au jour de Jésus-Christ” (Ph 1.6).

Dieu a toujours été et il sera toujours éternellement bon. Nous pouvons lui faire confiance. Qu’importe la météo, qu’importe la saison, qu’importent nos circonstances, Dieu n’a pas changé et ses promesses demeurent certaines.

Reposons-nous sur cette assurance.


Extraits du même livre:

Nick Tucker

Nick est pasteur de l'Église Bishop Hannington en Angleterre, où il vit avec sa femme Sam et leurs trois enfants. Avant cela, il a été pasteur à Birmingham, et a enseigné l’histoire de l’Église et la doctrine chrétienne au Oak Hill College de Londres pendant de nombreuses années. Il est également l'auteur du livre 12 choses que Dieu ne peut pas faire.

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