La chose la plus décourageante qu’on m’ait dite au cours d’une dispute, c’est: “Je ne crois pas que tu puisses vraiment changer.” Il n’y a rien de tel pour plomber le moral. Notre vision du monde devient bien sinistre quand on se met à croire que les choses ne changent pas.
Dans l’Enfer, le premier des trois poèmes de sa Divine Comédie, Dante décrit l’entrée de l’enfer comme une porte au-dessus de laquelle il est écrit: “Vous qui entrez, laissez toute espérance1.” À mon avis, il est difficile de formuler un meilleur condensé de terreur et d’angoisse à l’état pur. Croire qu’un changement est possible est bien souvent la seule chose qui rend la vie supportable.
L’affiche créée par Shepard Fairey à l’occasion de la campagne électorale de Barack Obama en 2008 est devenue emblématique de cette campagne au succès phénoménal. On peut y voir le portrait d’Obama accompagné d’un unique mot: hope ("espoir"). Ce poster véhicule la promesse d’un avenir différent, d’un candidat capable de changer les choses.
Parce que le changement est tellement important à nos yeux, nous pourrions penser qu’il n’est pas convenable de dire qu’un être aussi grand que Dieu ne peut pas changer. Après tout, le changement est presque toujours une bonne chose, n’est-ce pas? J’ai trouvé un certain nombre de diagrammes à ce sujet. Ce qu’ils disent est très clair: si quelque chose ne va pas, la solution, c’est le changement.
Au chapitre trois, nous avons vu que Dieu ne peut pas changer d’avis. Ce dont nous allons parler maintenant est légèrement différent, mais la distinction est importante. Dans ce chapitre, nous ne parlerons plus seulement des pensées et des paroles de Dieu, mais de sa nature. Certes, c’est une bonne chose que nous puissions changer; mais en y réfléchissant, nous nous rendons vite compte qu’il est bon que Dieu ne le puisse pas. Par exemple, nous lisons dans 1 Jean 4.8 que “Dieu est amour”. La seule façon pour Dieu d’être "différent" sur ce plan-là, serait qu’il ne soit pas amour. Ce ne serait pas une très bonne nouvelle, vous ne croyez pas?
Mais rassurez-vous, l’objectif de ce chapitre, c’est justement de prouver que Dieu ne peut pas changer. Dans notre introduction, nous avons vu que Dieu s’identifie lui-même par la formule “Je suis celui qui est” (Ex 3.14). Son nom contient l’idée que tout ce qui est vrai de Dieu doit obligatoirement l’être. En tant que Créateur non créé, c’est lui-même et personne d’autre qui définit qui il est.
En considérant la question à la lumière de ce dont nous avons déjà parlé, nous comprenons qu’il est fort peu probable que Dieu change. Après tout, quelles raisons aurait-il de changer? Comme précédemment, nous allons aborder cette question en faisant la distinction entre les raisons externes et internes du changement.
Je suis sûr que vous pouvez penser à au moins deux ou trois facteurs de changement extérieurs à vous-mêmes. Je vais vous donner un exemple personnel: la forme de mon nez a changé définitivement et contre mon gré un samedi pluvieux de novembre, alors que j’avais un peu plus de vingt ans. La cause de ce changement n’était autre qu’un joueur de rugby de l’équipe adverse. Ce jour-là, une force supérieure à la mienne m’a imposé un réaménagement facial auquel je n’ai pas pu m’opposer.
Un autre changement très différent, mais lui aussi d’origine externe, est survenu en moi lorsque j’étais ado. Ce jour-là, un pompier nommé Geoff est venu parler à notre classe. Il nous a expliqué que nous nous trouvions tous du mauvais côté d’un gouffre spirituel. Il a dessiné ce gouffre au tableau et a inscrit le mot "péché" juste à côté. Il nous a dit que, par nous-mêmes, nous étions incapables de franchir ce fossé qui sépare les êtres humains de Dieu. Mais lorsqu’il a dessiné un pont au-dessus du gouffre, un changement s’est opéré en moi. Ce pont avait la forme d’une croix, et Geoff a expliqué que Jésus était mort pour que nous puissions le traverser et rejoindre Dieu.
J’avais grandi dans une famille qui allait à l’église et où la foi était présente depuis longtemps. Mais j’avais beau vouloir "comprendre le truc", rien de ce qui se passait à l’Église ne m’avait jamais vraiment parlé. Je ne comprenais pas et je ne ressentais rien. C’était comme si je regardais tout cela de l’extérieur.
À Noël, par exemple, je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que l’ange qui avait annoncé “paix sur la terre et bienveillance parmi les hommes” à la naissance de Jésus avait un peu exagéré. De même, chaque Vendredi saint, même si je sentais bien que la mort de Jésus était un événement terrible, je n’arrivais pas à comprendre en quoi le dimanche de Pâques était véritablement une fin heureuse.
Mais tandis que Geoff parlait, tout a commencé à s’éclaircir. La croix n’était pas seulement une tragédie, c’était aussi un triomphe. Jésus était mort pour que je puisse vivre pour de vrai. Voilà qu’enfin, je comprenais et je ressentais! La foi chrétienne à laquelle je m’étais senti complètement étranger prenait enfin un sens. Et en priant, je ne me sentais plus étranger: il était désormais mon Jésus. Il était mort pour moi et grâce à lui, je pouvais entrer dans une toute nouvelle relation avec le Dieu qui m’avait créé.
C’était un vrai changement. Il s’était opéré non par la force, mais par les idées (sans nier bien sûr le rôle de l’Esprit dans cette transformation). À mesure que j’enregistrais ces nouvelles informations, mon esprit et mon cœur changeaient – tout autant que mon nez avait changé!
Ainsi, tout changement survient soit contre notre volonté (par la force), soit en modifiant notre volonté (par l’intermédiaire d’informations ou d’idées nouvelles). Cela fait partie des réalités merveilleuses de la vie chrétienne: il est réellement possible de changer par la puissance de l’Esprit.
Mais Dieu, lui, le peut-il? Eh bien, pas vraiment.
Comme nous l’avons vu, Dieu, en tant que Créateur non créé, est sans rival. Il n’existe rien qu’il n’ait pas lui-même créé. C’est pourquoi il n’existe rien qui possède une puissance comparable à la sienne, encore moins une puissance qui lui serait supérieure. Si Dieu avait un nez, personne ne pourrait le lui déformer contre son gré. Dieu ne peut pas être influencé par des causes extérieures.
Vous vous souviendrez aussi que Dieu ne risque pas de changer à la suite de nouvelles informations ou idées. Nous avons déjà prouvé que Dieu ne peut pas changer d’avis; il est donc impossible de changer Dieu de l’extérieur en le faisant changer d’avis. Aucune information nouvelle ni aucun argumentaire ne peut l’influencer.
Il ne reste donc qu’une seule possibilité: celle d’une raison interne. Dieu pourrait-il changer pour des raisons qui ne dépendraient que de lui-même? Nous répondrons en partie à cette question dans un prochain chapitre quand nous verrons que Dieu ne peut pas souffrir. En général, si nous changeons, c’est que quelque chose ne va pas. Mais Dieu, lui, ne nous ressemble en rien; il est parfait en toutes choses. Pour lui, aucun changement vers le mieux n’est possible. Tout changement chez Dieu serait un changement vers le pire. Dieu ne change pas car, s’il le faisait, cela serait forcément négatif. Et puisqu’il est déjà parfait, il ne possède en lui aucun défaut qui l’amènerait à rechercher un changement positif.
Bon d’accord, mais concrètement? Pourquoi devrions-nous nous préoccuper d’une telle question?
La façon dont la Bible parle de l’immuabilité de Dieu peut nous éclairer à ce sujet. Voyons le psaume 102:
Tu as jadis fondé la terre, le ciel est l’œuvre de tes mains. Ils périront, mais tu subsisteras; tous s’useront comme un habit; comme on remplace un vêtement, tu les remplaceras et ils disparaîtront. Mais toi, tu es toujours le même, tes années ne finiront pas.
Psaumes 102.26-28
Le psalmiste évoque les fondements les plus anciens et les plus immuables de la création, à savoir la terre et le ciel (v. 26), et les compare à Dieu: le second est éternel, tandis que les premiers ne le sont pas. Même les éléments naturels les plus impressionnants comme, disons, le Grand Canyon, ne dureront pas toujours. Il suffit de les observer assez longtemps pour se rendre compte qu’ils sont, eux aussi, soumis au changement. Le Grand Canyon ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si les eaux du Colorado ne participaient pas au lent processus d’érosion qui le forme. Même les corps célestes comme le Soleil, la Lune et les étoiles ne sont que des lumières temporaires qui finiront par se consumer: “Tous s’useront comme un habit” (v. 27).
Pour nous, ce n’est pas naturel de concevoir quelque chose comme étant véritablement permanent. Et pourtant, Dieu insiste pour que ce soit ainsi que nous le considérions. Il ne ressemble à rien de ce qu’il a créé, car tout change et finit par s’user comme un vêtement, mais lui, il est “toujours le même, [ses] années ne finiront pas”.
Savoir cela devrait nous inciter à nous émerveiller de la grandeur de Dieu. Il est si grand que nous ne pouvons le connaître que par la foi. Il échappe à toutes nos catégories terrestres, si bien que ce n’est que lorsqu’il se révèle à nous que nous pouvons commencer à le voir tel qu’il est. Il semblerait que nous revenions encore et toujours à la même conclusion, n’est-ce pas? Et c’est normal, car reconnaître sa grandeur qui nous dépasse est le premier pas pour apprendre à le connaître.