Les morts intercèdent-ils pour les vivants? L'homme riche par exemple (Lc 16.19-31), n'avait-il pas cherché à intercéder pour les vivants depuis le séjour des morts? Peut-on légitimement s'adresser aux défunts? Suite à l’épisode 81 qui a suscité beaucoup de réactions, Florent a souhaité expliquer sa pensée, afin de clarifier ses propos.

Les ressources mentionnées:

• L’épisode 81: “Comment annoncer l'Évangile à quelqu'un qui a perdu un proche non-croyant?”

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Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.

Tu veux poser une question?

Si tu as une question adressée à Florent Varak, commence par consulter la liste des podcasts existants ici et si le sujet n’a pas encore été traité, tu peux poser ta question à l’adresse: contact@toutpoursagloire.com.

_{[ℹ️] Cet épisode a été publié le 29 juin 2017. Nous l’avons remis en avant le 16 août 2024 pour atteindre une nouvelle génération d’auditeurs.}

Version écrite de l’épisode:

_{Le texte ci-dessous est une adaptation écrite de cet épisode et non sa transcription. Nous avons essayé de rendre la lecture un peu plus fluide et agréable tout en respectant au maximum les propos de Florent. Nldr.}

La question est posée: “Est-ce que les morts intercèdent pour les vivants?” Voilà le contexte de cette question: dans un précédent épisode (le numéro 81), j’ai tenté de répondre à la question suivante: “Comment annoncer l’Évangile à quelqu’un qui a perdu un proche non croyant?”

Dans cet épisode, j’ai fait plusieurs remarques en disant quelque chose comme: “Les personnes qui sont séparées de Dieu aujourd’hui, dans le séjour des morts, intercèdent pour ceux qui n’y sont pas encore afin qu’elles n’y aillent pas.” Cela a suscité quelques réactions […] et m’amène à considérer la question avec plus de précision. Mais avant de commencer, je voudrais vraiment exprimer ma reconnaissance.

Un mot de reconnaissance

Un grand merci d’avoir pris le temps de formuler des questions, des réserves ou même de corriger les enseignements que j’ai pu donner. Je suis très conscient qu’il n’y a que la vérité biblique qui mérite d’être considérée. La vérité, c’est la Parole, la Parole vivante, c’est-à-dire Jésus-Christ, la Parole inspirée par l’Esprit, c’est-à-dire la Bible. C’est ça qu’il faut défendre et comprendre, et il faut que nous nous exhortions les uns les autres avec attention. Aucun enseignant n’est à l’abri d’une erreur, donc je vous remercie de tout cœur d’écouter avec vigilance ce que je dis pour que l’on reste attentifs, les pieds solidement ancrés dans la Parole de Dieu.

Parfois, on restera sur une différence d’interprétation, sur des points que j’espère secondaires, mais d’autres fois, j’aurai besoin de me repentir ou de retirer un épisode maladroit ou erroné. C’est important que chacun de ses enfants écoute avec tout le discernement que l’Esprit saint peut lui donner, et que l’on s’attache toujours à comprendre ce que la Bible dit plutôt qu’un individu.

Comment aborder cette question?

Une auditrice écrit:

Pour moi, Luc 16 est juste une illustration que notre Seigneur donne mais certainement pas pour nous dire que les morts prient pour nous.

Même si elle consent plus tard:

Oui, je suis d’accord qu’une fois que nous sommes décédés nous continuons à louer, à adorer Dieu et à lui parler, d’après tout ce que l’on peut voir dans les Écritures. Mais décidément cela ne justifie pas ce que vous avez dit: “Les personnes qui sont séparées de Dieu aujourd’hui, dans le séjour des morts, intercèdent pour ceux qui n’y sont pas encore afin qu’ils n’y aillent pas.”

Un autre auditeur se demande s’il n’y a pas une contradiction entre le fait que les morts prient pour nous et le fait qu’il n’y ait qu’un seul médiateur, Christ, entre Dieu et les hommes.

En fait, la plupart s’intéressent (et c’est logique dans un contexte très catholique) non pas au fait que les morts prient, mais au fait qu’il faille solliciter leurs prières. Ça, c’est une problématique qui est un petit peu différente et peut-être à l’origine du malaise qu’a pu susciter mon propos.

Voilà où j’en suis et je vais le redire un petit peu différemment: je reste sur ce que j’ai dit mais avec une petite rectification.

1. Les morts n’ont-ils jamais cherché à intercéder pour les vivants?

Je veux souligner que le terme "prier" signifie simplement "demander": demander quelque chose à Dieu. Intercéder, c’est "intervenir auprès de…", c’est demander une audience, en quelque sorte, pour le bénéfice d’un tiers ou pour son propre bénéfice. La question doit donc être simplifiée de cette manière: est-ce que les morts n’ont jamais demandé à Dieu de sauver des vivants? N’ont-ils jamais tenté de plaider leur cause pour un vivant, et ce, qu’ils soient sauvés ou perdus…?

Voilà le cadre un petit peu plus précis de la question.

2. Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants (Marc 12.27)

Pour Dieu, tous les êtres humains sont vivants. Selon la Bible, la mort physique n’est qu’une porte sur l’éternité où chacun continuera de vivre éternellement, en enfer ou au paradis, en tant que personne sauvée ou en tant que personne perdue. Sachant par ailleurs que l’enfer ou le paradis n’ont pas encore commencé. Ils ne commenceront qu’à la résurrection, mais dans l’état intermédiaire, ils se trouvent déjà dans une situation séparée, avec des sensations, des émotions, des sentiments, et une compréhension, qui sont bien différents si l’individu est sauvé ou s’il est perdu.

À ce titre, de la même manière que Dieu connaît intimement toutes nos pensées humaines et toutes nos paroles. Le Psaumes 139 le dit (d’autres passages le suggèrent également): il connaît la pensée, les désirs, les soupirs de tous les morts, qu’ils soient sauvés ou perdus.

Alors, comment décrire la pensée d’une mère de famille décédée pour ses enfants encore vivants, sinon comme une prière? Est-ce aller trop loin? Pas du tout à mon sens, comme le montrent les points qui suivent.

3. Les martyrs implorent Dieu (Apocalypse 6.9-10)

Les martyrs qui sont devant le trône de Dieu prient pour ce qui se passe sur terre. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Apocalypse 6.10 qui l’affirme. Ils intercèdent pour ce qui se passe sur terre, et pour que la justice de Dieu soit faite, et quelle justice est supérieure à celle de l’Évangile?

Apocalypse 5.8-9 évoque la prière des saints comme une offrande. Je ne vois pas pourquoi restreindre cette offrande aux prières des saints qui sont encore vivants. Pourquoi ne pas y voir une référence à la prière de tous les saints, y compris des morts en Christ? C’est un parfum qui plaît à Dieu.

Je ne vois pas comment mon intercession future dans le séjour des morts serait moins alignée avec l’intercession missionnaire qui est chère au cœur de Dieu. Quand je serai au ciel, je serai encore plus aligné à la pensée de Dieu que je ne le suis aujourd’hui.

4. Les morts condamnés sont toujours conscients (Luc 16.19-31)

Dans le séjour des morts, les perdus restent conscients, et Dieu est toujours Dieu. Certes, il n’est pas le Sauveur des perdus puisqu’ils l’ont rejeté, mais il reste quand même leur Dieu parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu: le Dieu créateur de tous les hommes.

Lorsque Jésus rapporte cette parabole du riche et de Lazare, je crois que le cri du riche qui est perdu, éloigné de Dieu, qui souffre d’un regret puissant et profond, et qui demande que Dieu intervienne pour parler à ses frères encore vivants afin qu’ils ne viennent pas dans ce lieu –et je suis conscient que si je parle d’intercession, je vais peut-être trop loin– est quand même une prière, une demande.

Même si on réduit cette parabole à son contexte, Jésus évoque tout de même des émotions et des activités qui ont lieu dans un état intermédiaire pour les perdus, avant la résurrection finale.

5. Il y a de la joie dans le ciel pour un pécheur qui se repend (Luc 15.7)

Luc évoque la joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent. Il s’agit certainement d’une indication que le ciel se soucie du salut des vivants, non seulement parmi les anges, mais probablement aussi pour l’ensemble du paradis intermédiaire.

6. Les éléments bibliques suggèrent que les morts attendent ardemment le retour de Christ

Toutes les informations bibliques suggèrent que les morts ont une vie spirituelle, attendent la résurrection, et prient pour que la justice de Dieu soit faite sur terre.

Je ne vois aucun texte scripturaire dire le contraire. Je ne vois aucun texte qui dise que les morts ne prient pas, qu’ils ne sont pas soucieux de ce qui se passe sur terre, et qui ne maintiennent pas une relation à Dieu, même dans la situation de la perdition.

Le fardeau de la preuve biblique appartient donc à ceux qui rejettent l’idée d’une activité spirituelle ou d’une activité de prière chez les morts.

Si je trouve ces indications dans les Écritures alors, à ce moment-là, je me repentirai de cette perspective que j’évoque ici, je changerai mon fusil d’épaule, pour ainsi dire, et je supprimerai aussi ces épisodes.

Je conclus donc de la même manière mais avec, je l’ai dit, une petite modification. La voici:

Je ne veux pas donner l’idée d’une sorte d’intercession paisible des morts sans Christ, c’est-à-dire que je ne veux pas imaginer que les morts sans Christ disent: “Ah ben Seigneur, tu vois, j’aimerais vraiment que tu interviennes pour mon frère qui est autant impie que moi, qui ne se soucie pas du salut.” Là en effet, je crois que ce serait une erreur parce que nous voyons que le tourment est terrible.

Le regret de la séparation d’avec la beauté de la gloire de Christ, la communion avec tout ce qui est beau, tout ce qui est amour, est terrible! Ça ne donne pas lieu à une sorte de réunion de prières des morts; leur prière est un cri, une supplique. En cela elle est de qualité, d’un ordre différent que l’intercession des saints qui prient pour ce qui se passe et pour les gens qui sont sur terre.

Ceci dit, j’ai essayé de comprendre pourquoi cette phrase que j’avais prononcée avait eu cet effet. Probablement, le problème vient de différents facteurs.

On a, je le crois, très peu réfléchi à la notion de paradis, de paradis intermédiaire. On a, je le pense, très peu évoqué ces considérations dans nos Églises, ce qui se passe réellement après la mort.

Peut-être parce que l’on craint la mort, ou peut-être parce que l’on n’en parle pas de façon fréquente, ou que l’on essaie de l’éloigner de nos pensées. Peut-être aussi, et plus probablement, que le problème vient des implications qu’en a fait l’Église catholique.

En effet, de la compréhension que les morts prient pour nous, certains en sont venus –y compris plusieurs pères de l’Église d’ailleurs– à demander à ce que l’on prie les morts afin qu’ils prient pour nous. Là, on est en dehors du terrain biblique. C’est peut-être de là que vient cette crispation lié à cette notion.

Il ne faut pas imaginer que, parce que les morts (en Christ notamment) prient pour nous, il faut en faire une sorte de doctrine et de pratique à la fois, tout en imaginant devoir demander aux morts de prier de façon spécifique. C’est vrai que cela fait partie des données catholiques.

Je reprends le Catéchisme catholique. L’article 2683, page 662, nous dit la chose suivante:

Les témoins qui nous ont précédés dans le Royaume, spécialement ceux que l’Église reconnaît comme "saints", participent à la tradition vivante de la prière, par le modèle de leur vie, par la transmission de leurs écrits et par leur prière aujourd’hui. Ils contemplent Dieu, ils le louent et ne cessent pas de prendre soin de ceux qu’ils ont laissés sur la terre. En entrant "dans la joie" de leur Maître, ils ont été "établis sur beaucoup". Leur intercession est leur plus haut service du dessein de Dieu. Nous pouvons et devons les prier d’intercéder pour nous et pour le monde entier.

L’idée que nous devrions solliciter la prière des saints, c’est ce que nous trouvons dans l’Église catholique.

Sur un site catholique assez virulent à l’égard des protestants, un certain Totus Tuus, dit ceci:

Pour autant qu’on veuille dire qu’il soit permis et utile d’invoquer les saints comme intercesseurs pour nous obtenir, par les mérites de Jésus-Christ, ce que nous ne sommes pas dignes d’obtenir à cause de nos démérites, telle est bien, comme l’a déclaré le Concile de Trente, la doctrine de l’Église:"Il est bon et utile [d’]invoquer humblement [les saints] et, pour obtenir des bienfaits de Dieu par son Fils Notre Seigneur Jésus-Christ…, de recourir à leurs prières, à leur aide et à leur assistance." L’impie Calvin condamnait cette invocation des saints, mais de façon très arbitraire. Il est licite et profitable d’appeler à notre secours les saints vivants et de les supplier de nous assister de leurs prières. Ainsi faisait le prophète Baruch qui disait: “Priez aussi pour nous le Seigneur notre Dieu” (Baruch 1.13). Ainsi faisait aussi saint Paul: “Frères, priez, vous aussi, pour nous” (1 Thessaloniciens 5.25).

Bien entendu je m’inscris en faux avec la citation de 1 Thessaloniciens 5.25. Les "frères" sont des frères vivants, ce sont les gens à qui l’apôtre Paul adresse son épître. Ils ne sont en rien les "morts en Christ".

Comme on l’a vu, c’est peut-être de là que viennent cette gêne et ce problème, et il est effectivement hors de question d’invoquer les morts pour qu’ils intercèdent pour nous.

Pourquoi? D’abord parce que la Bible l’interdit.

La Bible interdit s’adresser à des morts ou de les solliciter, qu’ils soient saints ou malsains, qu’ils soient perdus ou qu’ils soient sauvés. Il y a un grand fossé entre les hommes et les morts, c’est de la nécromancie, c’est une pratique occulte que la Bible condamne, et on peut le comprendre.

C’est la deuxième raison pour laquelle nous devons nous interdire cette pratique. Cela nous empêcherait de considérer la plénitude de l’œuvre de Christ en notre faveur, et c’est d’ailleurs l’un des soucis qui a été relevé dans les questions que j’ai lues.

L’œuvre du Christ en tant que prêtre est suffisante. Nous avons tout pleinement en Jésus-Christ. Son sacrifice pour nos péchés nous garantit un accès à sa personne alors que nous plaçons notre confiance en lui.

Tout est accompli en Christ. Tout est suffisant dans notre relation avec Christ, et il intercède pour nous; le Saint-Esprit intercède pour nous.

Certes, les morts semblent intercéder pour nous, mais notre lien et notre relation sont centrés sur Christ. Il est l’auteur de la foi et l’amène à la perfection. Nous n’avons pas à rechercher une intercession tierce.

La Bible nous invite à prier notre Père qui est aux cieux. Nous prions le Père au nom de Jésus, c’est-à-dire par ses bénéfices obtenus à la croix et dans la puissance du Saint-Esprit, c’est-à-dire selon la volonté que l’Esprit a révélée dans sa Parole.

Nous aurions donc tort de rechercher l’intercession des saints; ce serait une très mauvaise application de ce que j’avais affirmé que de conclure qu’il faille rechercher leur intercession.

Je conclus donc ainsi: la Bible semble bien confirmer que les morts prient, mais elle interdit aux chrétiens d’invoquer les morts en Christ, les saints –y compris Marie–, ou les morts loin de Christ parce qu’une telle activité nous détourne de Christ. Il est le seul auteur de la foi et le seul qui l’amène à la perfection.

J’espère que cela aura clarifié les questions ou la gêne qu’ont pu susciter mes propos dans l’épisode 81.

Merci beaucoup!