Romains 5: La logique de la grâce

HerméneutiqueDoctrine du Salut

Le chapitre 5 de la lettre de Paul aux Romains me fait parfois penser à un frère cadet qui, malgré des qualités exceptionnelles, vit toujours un peu dans l’ombre de son aîné.

Selon cette image un peu osée, l’aîné serait le glorieux chapitre 8, largement considéré comme l’un des sommets du Nouveau Testament, par sa poignance émotionnelle, sa profondeur spirituelle, la richesse de sa théologie biblique, ou encore l’assurance magnifique qui ressort du bouquet final que représentent les v. 31 à 39.

Or le chapitre 5, qui développe déjà plusieurs des thèmes qui seront repris au ch. 8, est en lui-même un joyau. Dans la première section du chapitre, jusqu’au v. 11, l’apôtre Paul prend le temps de "s’arrêter" suite au raisonnement serré proposé depuis le début de l’épître, et de contempler la merveilleuse assurance qu’offre l’Évangile. Paul invite ses lecteurs à considérer le caractère inébranlable de l’œuvre de la grâce de Dieu. Nous y reviendrons un peu plus loin.

La seconde partie du chapitre (Rm 5.12-21) est souvent expédiée dans la catégorie des sections "compliquées" de cette épître, voire du Nouveau Testament. On a tendance, soit à vouloir décortiquer cet extrait dans les plus infimes détails, soit à passer très rapidement à la suite. Le raisonnement de l’apôtre y est certes à la fois précis et subtil, et on peut débattre de certains détails dans l’interprétation du texte.

Toutefois, lorsqu’on a saisi que l’idée principale de cette section est exposée au v. 12 suivi des v. 18 à 21, tandis que les v. 13 à 17 forment une parenthèse, il n’est pas si difficile de saisir le propos central de l’apôtre: en Jésus-Christ, Dieu ne nous considère plus comme héritiers d’Adam, de sa faute et de la mort qui en est le salaire. Non, désormais, Dieu nous considère comme héritiers de Christ, de son obéissance et de la vie qui, en lui, a triomphé de la mort. En bref, en passant d’Adam à Christ, nous sommes passés de la mort à la vie, et de la condamnation à la justification. Ainsi, la conclusion de cette section rejoint celle de la première: par la foi en Jésus, nous recevons l’assurance inébranlable de notre réconciliation avec Dieu.

Là où les v. 1 à 11 se concentrent plutôt sur l’expérience personnelle du croyant, la section des v. 12-21 "dézoome" pour mettre en évidence le "changement de régime" qui s’opère dans l’Histoire du salut.

Mais c’est sur la première moitié du chapitre que j’aimerais revenir brièvement. Cette section me paraît l’une des plus explicites du Nouveau Testament pour ce qui concerne l’assurance du salut par la foi en Jésus-Christ. Il me semble que l’objectif de l’apôtre Paul est précisément de montrer à son lecteur ce qu’il redira avec plus de lyrisme au chapitre 8:

Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie (…) ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.

Rm 8.38-39

Pour nourrir cette profonde assurance, l’apôtre a recours à deux arguments logiques, que j’aimerais mettre en évidence. Le premier de ces deux arguments est exposé aux v. 6 à 9:

Car, lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des impies. A peine mourrait-on pour un juste; quelqu’un peut-être mourrait-il pour un homme de bien. Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. À plus forte raison donc, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère.

Rm 5.6-9

Le "car" du début du v. 6 établit le lien avec ce qui précède: la conviction intérieure de l’amour de Dieu que le Saint-Esprit donne au croyant (v. 5).

Sur quoi repose cette conviction? C’est ici qu’intervient le premier argument logique: Christ est mort pour des impies, des hommes et des femmes qui ne connaissaient pas Dieu, n’adoraient pas Dieu, des pécheurs qui étaient « privés de la gloire de Dieu », comme Paul l’a déjà souligné au chapitre 3. Jésus-Christ est mort pour des personnes qui ne l’aimaient pas et ne le cherchaient pas! Il nous a aimés alors que nous étions "sans force", des "pécheurs".

Or, qu’est-ce que cela prouve? Paul nous donne la réponse au v. 9:

À plus forte raison donc, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère.

Rm 5.9

Autrement dit, alors même que nous étions entièrement tournés contre lui, des pécheurs, des impies, il nous aimait déjà au point d’envoyer son Fils à la croix! Que pourrions-nous faire aujourd’hui pour "perdre" un amour à ce point gratuit et immérité?

L’argument est déjà puissant, mais Paul va plus loin encore. Si nous étions déjà aimés alors que nous étions des impies, à plus forte raison (v. 9) nous sommes et resterons aimés maintenant que Dieu nous voit comme justes à ses yeux, grâce à l’œuvre de Christ! Ainsi, il y a dans ce simple argument une "double logique": Si Dieu nous aimait déjà alors que nous étions aussi loin de lui que possible, rien ne pourra aujourd’hui nous éloigner de lui. Et s’il nous aimait alors que nous étions rebelles, il nous aimera maintenant que nous sommes justes!

Le second argument logique que Paul met en évidence est un peu plus surprenant à première vue, mais d’une grande richesse quand on l’a bien compris:

Alors que nous étions ses ennemis, Dieu nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils; à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.

Rm 5.10

Paul met ici l’accent premier sur la nature de l’œuvre de Christ. Alors que nous étions les ennemis de Dieu, souligne l’apôtre, la mort de Jésus était suffisante pour nous réconcilier avec lui. Une mort, intervenue à un moment précis, a été suffisante pour nous réconcilier avec lui, puisque la colère est tombée sur Jésus à notre place.

Mais alors que dire de la vie éternelle du Christ ressuscité? Si la mort sacrificielle de Jésus a été suffisamment puissante pour nous faire passer d’un état d’ennemi à un état de "réconcilié", la vie triomphante et éternelle du Seigneur ne sera-t-elle pas "à plus forte raison" puissante pour nous garder dans la "paix avec Dieu"? (v. 1)

Paul redira presque exactement la même chose au chapitre 8:

Qui accusera encore les élus de Dieu? Dieu lui-même les déclare justes. Qui les condamnera? Christ est mort, bien plus: il est ressuscité! Il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous.

Rm 8.33-34

Ainsi, peut-on conclure: Celui dont la mort nous a réconciliés avec Dieu est aujourd’hui vivant pour nous garder pour toujours avec lui. Et le Dieu qui nous aimait déjà quand nous étions ses ennemis ne nous abandonnera jamais, maintenant que nous sommes ses amis!

Matthieu Sanders

Matthieu Sanders est pasteur de l’Église baptiste de Paris-Centre. Il est également professeur associé à l’Institut Biblique de Nogent et chargé de cours à la Faculté Libre de Théologie Évangélique à Vaux-sur-Seine. Matthieu est l’auteur de deux ouvrages, une Introduction à l’herméneutique biblique et un petit commentaire sur les paraboles du Royaume, La pédagogie saisissante de Jésus. Matthieu vit à Paris avec son épouse Talia et leurs trois enfants.

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Ce replay du webinaire de Frédéric Bican a été enregistré le 12 février 2019.

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F. Bican