Psaume 3 – Détresse, prière et délivrance

      Doctrine de DieuHerméneutiqueVie et le ministère de ChristPsaumes
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      Dans nos études précédentes, nous avons jeté les bases doctrinales concernant la justification que Dieu le Fils procure à ceux qui ne la trouvent pas en eux-mêmes. Nous modulerons notre étude du psaume 3 par un ton davantage pastoral. Au fur et à mesure de son développement, le psautier touche de plus en plus à des enjeux existentiels communs à tous les êtres humains, pour peu que le Saint-Esprit les ait convaincus de “péché, [de] justice et [de] jugement” (Jn 16.8).

      David a abusé de son pouvoir sur une femme mariée, qu’il a mise enceinte. Cette grossesse indésirée exposera tôt ou tard les voies criminelles du roi. Celui-ci se trouve alors soumis à un dilemme moral, écartelé entre trois axes conflictuels.

      Le premier procède de son désir d’autopréservation, car selon la loi du Lévitique, son adultère doit être “pun[i] de mort” (Lévitique 20.10).

      Le deuxième axe émane de la révérence que le psalmiste professe paradoxalement envers la justice divine:

      Combien j’aime ta loi! Elle est tout le jour l’objet de ma méditation.

      Psaumes 119.97

      Le troisième axe concerne l’amour du prochain, qui, d’après ce qu’en affirme l’apôtre Paul, constitue “l’accomplissement de la loi” (Romains 13.10).

      Incapable d’honorer ces trois nécessités simultanément, David décide d’orchestrer secrètement l’assassinat du mari de la femme qu’il s’est accaparée. Réfléchissant à court terme, le psalmiste fait un calcul pervers: en éliminant l’époux trompé, la tromperie disparaît. Pour résoudre son dilemme, David sacrifie la justice divine et l’amour du prochain sur l’autel de son autopréservation.

      Ce geste est mis au grand jour par le prophète Nathan. Même si Dieu fait grâce à David, une rafale de conséquences temporelles s’inaugure à l’encontre du coupable. Nathan annonce au psalmiste: “l’épée ne s’éloignera jamais de ta maison” (2 Samuel 12.10). Cette annonce s’accomplit en partie lorsqu’Absalom, le propre fils de David, fomente un coup d’État contre sa couronne. L’ironie tragique de cette adversité éclate jusque dans l’étymologie du nom "Absalom", dérivé de l’hébreu Av Shalom, ce qui signifie "Père de la paix". La réalité contraste cruellement avec la signification de ce nom, qui était probablement teintée des espérances messianiques promises au roi dès le psaume 2. Alors que ce deuxième psaume anoblissait la tête du roi d’une huile de consécration, les circonstances historiques du psaume suivant forcent David à s’enfuir “la tête couverte” (2 Samuel 15.30) d’un haillon marquant son humiliation publique.

      ¹ Psaume de David. À l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils. ² Ô Éternel, que mes ennemis sont nombreux! Quelle multitude se lève contre moi! ³ Combien disent à mon sujet: Plus de salut pour lui auprès de Dieu! – Pause.

      ⁴ Mais toi, ô Éternel! tu es mon bouclier, tu es ma gloire, et tu relèves ma tête. ⁵ De ma voix je crie à l’Éternel, et il me répond de sa montagne sainte. – Pause.

      ⁶ Je me couche, et je m’endors; je me réveille, car l’Éternel est mon soutien. ⁷ Je ne crains pas les milliers de personnes qui m’assiègent de toutes parts. ⁸ Lève-toi, Éternel! sauve-moi, mon Dieu! Car tu frappes à la joue tous mes ennemis, tu brises les dents des méchants. ⁹ Le salut est auprès de l’Éternel: que ta bénédiction soit sur ton peuple! – Pause.

      Psaumes 3

      Le psaume 3 révèle comment la délivrance du croyant surgit souvent à travers sa souffrance. La restauration de David n’est rendue possible que lorsqu’il renonce à sa volonté propre, au moment où il s’abandonne aux conséquences inéluctables de son péché. Cette dynamique préfigure de manière typologique la résurrection de Jésus-Christ.

      Notre exposé s’articulera autour de trois thèmes correspondant à la progression spirituelle du psalmiste: la détresse de David (vv. 1-3), sa prière à Dieu (vv. 4-5) et la délivrance qu’il espère (vv. 6-9).

      La détresse de David (vv. 1-3)


      Psaume de David. À l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils (v. 1)

      Lors de son Sermon sur la montagne, Jésus commande à ses disciples: “Aimez vos ennemis” (Matthieu 5.44). Dans les circonstances qui s’abattent sur David, ce commandement, déjà répugnant en lui-même pour la chair, prend une dimension superlativement déchirante. Le psalmiste a pour rival son propre fils, envers qui des liens d’affection paternelle se sont naturellement tissés. Lorsque l’animosité se trouve nouée aux liens du sang, il ne s’agit plus d’aimer des adversaires généralement considérés, mais d’avoir pour ennemi un proche intime. Face à ce cas de figure, deux issues s’offrent à l’intégrité émotionnelle d’un père normalement constitué: soit l’écroulement intérieur, soit l’endurcissement du cœur. Le psaume 3 chante l’écroulement intérieur du roi et père d’Absalom, écroulement à partir duquel sa foi ressurgit miraculeusement.


      Ô Éternel, que mes ennemis sont nombreux! Quelle multitude se lève contre moi! Combien disent à mon sujet: Plus de salut pour lui auprès de Dieu! – Pause (vv. 2-3)

      Comble de malheur, David n’a pas seulement pour adversaire son propre fils. Des troupes sont aussi mobilisées contre lui. Ces troupes, galvanisées par les accusations d’un certain Shiméï (cf. 2 Samuel 16.5-8), affirment d’une seule voix que celui qui est par ailleurs surnommé “l’homme selon le cœur de Dieu” (cf. 1 Samuel 13.14) n’a jamais été aimé de l’Éternel. Cette condamnation sommaire touche au point faible du roi, c’est-à-dire à sa conscience coupable. Si le détrônement du souverain d’Israël attestait effectivement de sa réprobation, David passerait outre la perte de ses privilèges terrestres pour pleurer sur ce qui importe vraiment à ses yeux: le désaveu du Seigneur.

      La réaction de David n’est pas inspirée par un esprit de révolte. Il se rend compte que la véritable menace ne réside pas dans les armes de ses ennemis, mais dans son propre péché, commis sous le regard d’un Dieu trois fois saint, qui connaît toutes ses transgressions. Jésus-Christ avertira solennellement ses disciples à ce propos:

      Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.

      Matthieu 10.28

      D’après une lecture christocentrique du psaume 3, les souffrances morales de David anticipent celles de Christ. Charles Spurgeon affirme au sujet des tourments du psalmiste:

      Il y a ici, et dans beaucoup d’autres psaumes, […] plus du Seigneur de David que de David lui-même1.

      Cette affirmation se vérifie notamment dans le fait que les moqueurs qui accablent le roi d’une dénégation quant à l’amour de Dieu à son égard anticipent un épisode de la passion du Messie, lorsque ses détracteurs le railleront de semblable manière:

      Il s’est confié à Dieu; que Dieu le délivre maintenant.

      Matthieu 27.43

      À la charnière entre le hurlement de détresse du roi déchu et la prière qui s’ensuivra, le psaume 3 marque une pause, qu’indique la notation musicale hébraïque "Sélah". Martin Luther écrit que lorsque le lecteur rencontre le Sélah, il “doit s’arrêter et méditer avec soin les paroles du psaume. Il faut que l’âme s’applique à comprendre ce que le Saint-Esprit lui présente2. Dans le silence de ces versets, David laisse agir le Seigneur dans sa souveraineté. Espérant la meilleure part de son amour, il se prépare à encaisser le pire de sa discipline paternelle.

      La prière de David (vv. 4-5)


      Mais toi, ô Éternel! tu es mon bouclier, tu es ma gloire, et tu relèves ma tête. (v. 4)

      Après avoir exprimé sa détresse, le discours du psalmiste opère un tournant. David ne se complaît pas sempiternellement dans le rôle de la personne lésée. Sa réaction demeure plutôt celle d’un individu qui, en dépit de ses souffrances, sait que celles-ci ne sont pas dépourvues de sens. En effet, qu’eût été le sort de David si, après la perpétration de ses abominations, Dieu lui eût permis de continuer à régner sans obstacles? L’apôtre Paul enseigne que les pécheurs que Dieu ne reprend pas de leur vivant sont “livrés aux convoitises de leurs cœurs” (Romains 1.24). Ces pécheurs demeurent dans une position infiniment plus périlleuse que ceux que Dieu châtie temporellement.

      Cette perspective sur le châtiment divin explique pourquoi David interprète ses souffrances comme une protection divine. Selon cette interprétation, Dieu devient son "bouclier", seul capable de l’empêcher d’apostasier. L’interprétation de la souffrance comme discipline paternelle, déjà abordée dans notre exposition du psaume 2, trouve également son fondement scripturaire dans le Nouveau Testament: “Le Seigneur châtie celui qu’il aime” (Hébreux 12.6). À la lumière de ce verset, le détrônement du roi relève de la discipline paternelle d’un Dieu aimant, plutôt que du mépris définitif que signifierait son indifférence à ses gestes iniques.


      De ma voix, je crie à l’Éternel, et il me répond de sa montagne sainte – Pause. (v. 5)

      Les circonstances historiques entourant le psaume 3 décrivent David en fuite, gravissant “la colline des Oliviers” (2 Samuel 15.30). Ce récit préfigure de manière prophétique les tourments que Jésus-Christ connaîtra au jardin de Gethsémané, situé sur cette même colline.

      Le psalmiste se trouve une fois de plus devant une impasse angoissante: il ne peut se réconcilier avec son fils qui veut sa mort, ni ne veut lever l’épée contre lui. Face à cette impasse, David fuit son palais pour s’aventurer comme un fugitif sur le mont des Oliviers. Cette fuite autopréservative diffère évidemment de sa précédente machination contre l’homme qu’il a éliminé pour des motifs à peu près semblables. Là où David avait autrefois froidement orchestré un assassinat pour préserver son trône et sa vie, il choisit maintenant de fuir son palais, renonçant à ses privilèges royaux, en évitant de verser le sang. Ce contraste entre les deux situations révèle le fruit tangible de sa repentance.

      Un millénaire plus tard, Jésus se rendit sur cette même colline pour accomplir ce que David ne faisait qu’esquisser. À Gethsémané, Christ affronte parfaitement le dilemme qui avait fait chuter David. Comment la justice de Dieu peut-elle s’accomplir sans condamner l’humanité tout entière? Comment sa miséricorde peut-elle s’exercer sans bafouer cette justice? À la croix, le sacrifice de Dieu le Fils résout ce paradoxe insoluble. L’apôtre Paul écrit à propos du renoncement parfait de Jésus:

      Existant en forme de Dieu, il n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais […] il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant […] jusqu’à la mort de la croix.

      Philippiens 2.6-8)

      Dans le contexte immédiat du verset 5, la montagne sainte désigne celle de Sion, ancien lieu du temple de Jérusalem, renfermant la présence de Dieu parmi son peuple. Même chassé de Jérusalem et privé du sanctuaire physique, David affirme avec foi que Dieu l’entend toujours. Sa véritable sécurité ne se trouve ni dans la ville sainte ni sur son trône royal, mais en position de prière à l’oreille aimante de son Créateur.

      La délivrance de David (vv. 6-9)


      Je me couche, et je m’endors; je me réveille, car l’Éternel est mon soutien. (v. 6)

      Le sommeil que trouve David au beau milieu d’un coup d’État suscite l’étonnement. Il s’agit de la paix intérieure surnaturelle que le Saint-Esprit fait fructifier chez ceux qu’il inspire. Cette scène du sommeil du psalmiste rappelle celle où Jésus est couché dans la cale d’un bateau au beau milieu d’une tempête en mer: “La barque était couverte par les vagues. Lui, cependant, dormait” (Matthieu 8.24). Cette similitude entre les deux scènes de repos montre que la vraie foi mise à l’épreuve se concrétise toujours dans un calme qui ne vient pas de ce monde. L’apôtre Paul décrit précisément cette paix surnaturelle lorsqu’il exhorte l’Église persécutée:

      Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu […] et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs.

      Philippiens 4.6-7

      La lecture du psaume 3 offre un réconfort à la personne souffrante lorsqu’elle s’identifie aux extrémités abjectes où est descendu David. Cette identification devient d’autant plus consolante lorsqu’on réalise qu’à la différence du psalmiste, Jésus a endossé cette abjection volontairement, en solidarité avec une humanité brisée par le péché.


      Je ne crains pas les milliers de personnes qui m’assiègent de toutes parts. (v. 7)

      Alors que les ennemis de David estiment que sa déchéance signifierait qu’il soit abandonné de Dieu, la réaction du roi est contre-intuitive. Plus la voix accusatrice de ses adversaires se fait bruyante, moins elle a de prise sur sa conscience. Charles Spurgeon se met dans la peau de David lorsqu’il affirme:

      [Mes ennemis] crient, mais le cri de ma voix dans la détresse perce les cieux; il est plus fort que tout leur tumulte, car il y a dans le sanctuaire quelqu’un qui m’écoute3.

      David n’accorde désormais d’autorité qu’à la manière dont l’Éternel s’est révélé à lui: un Dieu miséricordieux qui châtie pour relever.


      Lève-toi, Éternel, sauve-moi, mon Dieu! Car tu frappes à la joue tous mes ennemis, tu brises les dents des méchants. (v. 8)

      Les imprécations contre les ennemis du psalmiste demeurent souvent troublantes pour notre sensibilité moderne. Cette difficulté se pose particulièrement ici: comment devons-nous comprendre que David souhaite que Dieu brise les dents de son propre fils? En souhaitant qu’Absalom soit brisé comme lui l’a été, David espère sa conversion. La gifle divine pourrait provoquer chez son fils la même pause salutaire qu’elle a provoquée chez le père. En dernière instance, l’imprécation du psalmiste renvoie à la victoire absolue de Jésus-Christ sur le mal, ayant anéanti le diable, “qui a la puissance de la mort” (Hébreux 2.14). L’imprécation, aussi haineuse puisse-t-elle paraître aux sentiments doucereux, est la manifestation d’un amour qui tient le mal en détestation.


      Le salut est auprès de l’Éternel: que ta bénédiction soit sur ton peuple! – Pause (v. 9)

      Au point où il en est, le roi prononce ce dernier verset en s’oubliant lui-même. David ne pense même plus à son salut individuel, duquel il est désormais assuré, mais il prie pour la restauration de sa collectivité. Cela s’explique par sa position de représentant consacré du peuple. Dans le dernier verset du psaume 3, contrairement à ses gestes de pécheur ou de fuyard précédents, le roi s’abstrait de l’équation, méditant l’alliance que Dieu a faite avec la nation d’Israël. Cette disposition ministérielle anticipe celle de Christ. Le renoncement à soi du Messie devient notre mort au péché. Son exaltation devient notre régénération. Dans cette perspective, Paul déclare avec tous les croyants:

      J’ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi.

      Galates 2.20

      Conclusion

      Dans le troisième psaume, David met à notre profit le drame historique de sa fuite devant Absalom comme une leçon intemporelle sur la manière dont Dieu agit souverainement dans la détresse. Ce qui domine le texte n’est pas la faiblesse de David, mais son renoncement à lui-même: lorsqu’il abandonne sa volonté propre et se soumet à la souveraineté de Dieu, il expérimente alors la paix et la délivrance que les circonstances extérieures ne pouvaient pas lui accorder.

      David avait autrefois sacrifié la justice divine et l’amour du prochain pour sauver son trône. Dans sa fuite, il renonce temporairement à son trône pour ne pas attenter à son prochain. Ce renoncement imparfait préfigure celui, absolu, que Jésus accomplira à la croix.

      À la croix, Dieu le Fils renoncera totalement à son désir d’autopréservation pour obéir parfaitement à la loi verticale envers son Père et à la loi horizontale envers l’humanité. Jésus savait qu’il allait ressusciter. Son autopréservation n’était pas en cause, même si, lors de sa mort, il donnait l’apparence d’une perte de soi sans lendemain. La parole, “celui qui veut garder sa vie la perdra, mais celui qui la perdra la gagnera pour la vie éternelle” (Matthieu 16.25), trouve sa mise en pratique la plus achevée chez celui qui l’a prononcée. Un appel est lancé de la part de Christ à l’homme davantage soucieux de sa survie temporelle que de son éternité:

      Qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive.

      Matthieu 16.24


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      Pascal Denault

      Pascal Denault est pasteur à l’Église réformée baptiste de St-Jérôme (Québec), il est marié avec Caroline et ils sont les heureux parents de quatre enfants. Pascal a complété un baccalauréat et une maîtrise en théologie à la Faculté de théologie évangélique de Montréal. Il est également blogueur sur le site Un héraut dans le net et auteur de plusieurs livres dont Le côté obscur de la vie chrétienne et Disciple aujourd’hui.

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