L’action sociale joue un rôle déterminant dans notre témoignage

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Devrions-nous mettre l'action sociale ou l'annonce de l'Évangile en priorité?

L’action sociale fait-elle partie de notre témoignage? La réponse à cette question dépend en bonne partie de la manière dont nous définissons le « témoignage ». Mais au-delà des termes choisis, une interrogation mérite notre attention: les Églises et les chrétiens en général devraient-ils investir de l’énergie dans l’action sociale (l’aide envers les plus démunis), ou est-il préférable de concentrer leurs efforts sur l’annonce de l’Évangile?

Qu’est-ce que le témoignage?

La tendance à définir assez largement la notion de témoignage, dans nos Églises, me paraît justifiée (les deux textes que je cite plus bas vont dans ce sens). Ainsi, les chrétiens rendent témoignage de l’action de Dieu dans leur vie à la fois avec et sans les mots. Le témoignage, c’est l’ensemble des éléments que les non-chrétiens ont l’occasion d’observer parmi les chrétiens et d’entendre de leur part, et qui peuvent contribuer à convaincre des non-chrétiens de se tourner vers Christ.

Les chrétiens « parlent » aux non-chrétiens de leur expérience de salut à la fois par leurs paroles et par leurs actes, en souhaitant que d’autres puissent goûter aux privilèges dont ils jouissent. Tantôt, leur témoignage s’exprime par le récit de leur propre histoire ou par l’explication de l’œuvre de Christ; tantôt, leur témoignage est « muet ».

Deux textes forts

Les deux textes qui suivent suggèrent que l’action sociale fait effectivement partie de notre témoignage:

Que, de la même manière, votre lumière brille devant les hommes afin qu’ils voient votre belle manière d’agir et qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste.

Matthieu 5.16

Certes, la « belle manière d’agir » (littéralement les « belles œuvres » ou les « œuvres bonnes ») que perçoivent les non-chrétiens est plus vaste que l’action sociale; mais cette dernière en fait partie. Il paraît sous-entendu que, entre le temps du témoignage muet (que les hommes « voient ») et celui de la célébration de la gloire divine, une partie des hommes en question ont à leur tour embrassé la foi chrétienne.

Notre second texte:

Ayez une bonne conduite au milieu des non-croyants, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous faisiez le mal, ils remarquent votre belle manière d’agir et rendent gloire à Dieu le jour où il interviendra.

1 Pierre 2.12

Encore une fois, la « bonne conduite » et la « belle manière d’agir » incluent assurément ce que nous appelons l’action sociale. Le temps de l’intervention de Dieu (fin du verset) est sujet à débat: s’agit-il du moment de l’intervention divine dans la vie d’une personne, ou du jugement final lors du retour de Christ? La seconde option est sans doute à retenir, mais dans les deux cas, le texte semble présupposer la conversion d’une partie des non-croyants, ceux qui rendent gloire à Dieu.

Si le lien est établi entre témoignage et action sociale, tout n’est pas dit. En particulier, voici trois dangers qui appellent notre vigilance.

Écueil 1: Confondre action sociale et proclamation de l’Évangile

Si l’action sociale fait effectivement partie de notre témoignage (défini au sens large), l’ « évangélisation » est plus précise: c’est la proclamation de l’Évangile, c’est-à-dire de la Bonne Nouvelle de ce que Dieu a fait pour nous en Christ. Une telle annonce ne se fait pas sans les mots. En voyant nos « belles œuvres », les non-chrétiens peuvent certes se poser des questions et désirer en savoir davantage, mais sans proclamation explicite, ils ne « devineront » pas ce que Christ a fait pour eux (Romains 10.14-15).

Selon les définitions préconisées dans ce billet, l’action sociale et la proclamation de l’Évangile (ou « l’évangélisation ») sont deux sous-ensembles (parmi d’autres) de notre témoignage chrétien.

Concrètement, toute proclamation de l’Évangile ne s’accompagne pas d’une action sociale, et toute action sociale ne débouche pas sur une proclamation de l’Évangile. Néanmoins, un lien existe entre ces deux aspects, qui touchent à notre rapport au monde non chrétien et à notre « apport en compassion » au sein de ce monde.

J’ai eu l’occasion d’expliquer dans un billet précédent que l’Évangile et l’action sociale sont deux choses distinctes mais inter reliées (voir l’article « Aider les plus démunis, ce n’est pas l’Évangile »).

Écueil 2: Accomplir une action sociale uniquement pour gagner l’estime des non-chrétiens.

Le mot clé dans la formulation de cet écueil, c’est « uniquement ». Gagner l’estime des non-chrétiens ne devrait pas être notre seule motivation.

Il n’est pas anodin que nos deux « textes forts », Matthieu 5.16 et 1 Pierre 2.12, mettent en exergue un même objectif ultime: que les non-chrétiens touchés par le comportement des chrétiens soient amenés à glorifier Dieu. La recherche de la gloire de Dieu, voilà notre motivation ultime pour une action sociale disponible pour le regard des non-chrétiens.

Par ailleurs, l’Écriture décline une pluralité de sources de motivation pour l’obéissance: l’attachement à l’honneur de Dieu, la soif de justice, le désir d’imiter Christ, la gratitude pour la grâce reçue, l’amour du prochain, la compassion envers les gens qui souffrent, l’exemple à donner aux jeunes croyants, le témoignage, et ainsi de suite. Il ne s’agit pas de choisir un seul de ces motifs; ils doivent être réunis dans notre cœur.

Si les chrétiens pratiquaient l’action sociale uniquement pour être « vus » des non-chrétiens, on pourrait se poser de sérieuses questions sur l’état véritable de leur cœur. Les non-chrétiens auraient alors raison d’accueillir avec suspicion leur action sociale et de flairer l’hypocrisie.

Écueil 3: N’accorder aucune importance à la visibilité de notre action sociale et à la manière dont elle est perçue.

C’est pratiquement le contraire du deuxième écueil: le repli sur soi, voire l’indifférence face au regard des gens sur l’Église et son activité.

Dans le texte de Matthieu 5.16, Jésus souligne l’importance, pour les chrétiens, d’être vus par les non-chrétiens. Citons cette fois l’ensemble du texte (versets 14 à 16).

Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut pas être cachée, et on n’allume pas non plus une lampe pour la mettre sous un seau, mais on la met sur son support et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que, de la même manière, votre lumière brille devant les hommes afin qu’ils voient votre belle manière d’agir et qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste.

Matthieu 5.14-16

Chercher à être vu, quand sa lumière brille dans la noirceur du monde, c’est en réalité faire preuve d’amour: quand les ténèbres sont épaisses, la lumière est bienvenue. Ultimement, c’est travailler à la gloire du Père céleste (comme nous l’avons vu précédemment).

De façon générale, le Nouveau Testament encourage les chrétiens à prendre à cœur la manière dont leur conduite est perçue par les non-chrétiens: voir 1 Corinthiens 10.32; Colossiens 4.5; 1 Thessaloniciens 4.11-12; 1 Timothée 3.7.

Bien entendu, les chrétiens sont aussi appelés à pratiquer le bien « en secret »…

Pour aller plus loin

En conclusion, deux enjeux supplémentaires peuvent être cités en lien avec notre problématique:

  • Quel est le rapport entre l’action sociale et la mission de l’Église? Quelle est l’importance relative de l’annonce de l’Évangile et de l’action sociale dans cette mission? Pour une réponse détaillée et convaincante à ces questions, on se reportera à l’ouvrage de Kevin Deyoung et Greg Gilbert, Quelle est la mission de l’Église? Faut-il choisir entre le grand mandat et la justice sociale? (Évangile 21/BLF, 2015)
  • Quels sont les obstacles les plus courants, dans nos Églises, à l’engagement social? Daniel Hillion, le responsable des relations publiques du SEL, traite de cette question dans un article publié par la Revue réformée, disponible en ligne.

Mes autres articles sur l’action sociale

Cet article avait été publié une première fois le 11 octobre 2016. Il a été mis à jour et republié le 6 octobre 2020.

Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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Orateurs

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