Comment pouvons-nous mieux penser notre partenariat avec les missionnaires? Comment aider les chrétiens, les Églises à participer efficacement et durablement à l’effort missionnaire? Mon objectif en répondant à ces questions est d’encourager les personnes qui participent à des missions à court terme, les membres des Églises qui soutiennent les missionnaires, et les anciens de l’Église qui filtrent et valident les partenariats avec les missionnaires, à se projeter sur le long terme.
J’ai eu la joie de participer à plusieurs voyages missionnaires en Grèce (2 fois), au Népal, en Jordanie, qui m’ont encouragé. Sur les quatre voyages, deux étaient des initiatives personnelles sans lien direct avec une Église locale. Les deux autres voyages étaient en lien avec l’Église locale. Dans ces quatre projets, je faisais partie d’une équipe de 3 à une dizaine de personnes. Ces projets étaient super, ils ont contribué à nourrir le besoin de me forger des convictions bibliques profondes sur la mission. Si c’était à refaire, voici quelques convictions que j’aurais aimé avoir.
En 1959, le missionnaire écossais Stephen Neill écrivait: “Quand on baptise tout "mission", plus rien n’a le caractère d’une mission.1” Notre vision et notre pratique doivent avant tout être inspirées et encouragées par les Écritures. Le livre des Actes est une mise en pratique du grand mandat missionnaire que Jésus a laissé à la première communauté de ses disciples. On constate de façon systématique que les disciples annoncent l’Évangile, ils font des disciples et ils les établissent dans les Églises.
Dans Actes 2, l’apôtre Pierre annonce le salut en Christ, ensuite les convertis sont intégrés à l’Église de Jérusalem. Envoyés en tant que missionnaires par l’Église d’Antioche, l’apôtre Paul et Barnabas, dans Actes 14, enseignent l’Évangile, font des disciples et établissent des Églises pour les nouveaux convertis. Comme le concluent Andy Johnson2 et Kevin DeYoung3, la vision biblique de la mission s’articule autour de l’évangélisation, de l’affermissement des disciples et de l’établissement de nouvelles Églises avec des anciens pour accompagner la croissance des nouveaux disciples. Ces trois éléments, pris ensemble, pérennisent dans la durée la croissance spirituelle des disciples. L’évangélisation est une bonne chose. Mais l’évangélisation seule desservira la croissance spirituelle des personnes qui se sont tournées vers Christ.
L’objectif de Jésus dans Matthieu 28 n’est pas seulement d’évangéliser, mais bien de faire des disciples. Il demande de le faire en enseignant tout ce qu’il a prescrit. Il est vrai que le missionnaire peut avoir différents types d’activités dans le quartier ou au bureau. En Inde, William Carey a lancé de nombreuses initiatives: création d'écoles, innovations agricoles, imprimerie. Il a aussi été à l’origine de réformes sociales comme l’abolition du sati (l'immolation des veuves sur le bûcher funéraire de leur mari). Cependant, ces activités, bien qu'importantes, restaient secondaires par rapport à sa vocation première: que les Indiens soient sauvés et grandissent spirituellement dans des communautés chrétiennes.
En ce sens, l'affermissement se fait dans les Églises où l'ensemble du conseil de Dieu est enseigné, comme Paul le partage aux anciens dans Actes 20. Avec des anciens établis, la communion avec les autres membres et le suivi des convertis, c’est-à-dire le mandat de faire des disciples, se poursuivront à travers l'Église locale, même si le travail du missionnaire venait à prendre fin. Partant de cette vision biblique, une priorité serait d'aller aider les missionnaires là où ces trois éléments sont recherchés : l’évangélisation, l'affermissement des disciples et l’établissement de nouvelles Églises avec des anciens pour accompagner la croissance des nouveaux disciples.
Je ne suis jamais retourné aux endroits où je suis parti en mission. Je n’ai pas entretenu un contact dans la durée qui m’aurait permis de cultiver une relation à long terme afin de prier et, peut-être, d’y retourner. En ce sens, ces missions étaient des "one shots". En gros, j’ai multiplié des voyages de découverte de terrain missionnaire.
Bien entendu, découvrir différents terrains missionnaires est une bonne chose. En Grèce, nous venions en aide aux réfugiés syriens, une situation spécifique, limitée à la durée de la crise de l’époque. Cependant, de façon plus générale, un objectif complémentaire serait de découvrir pour viser un engagement sur le long terme auprès du missionnaire.
Plaçons-nous dans la peau du missionnaire et des personnes que nous sommes allés servir sur place. Est-ce bénéfique pour le missionnaire d’être visité une fois pour ensuite être oublié? Quel est l’impact réel si tout le monde se contentait d’une visite sans lendemain? Cultiver un projet dans la durée ne serait-il pas bénéfique pour les deux camps? À l’inverse de mes propres expériences, l’apôtre Paul, lui, s’engageait sur des périodes beaucoup plus longues, et son modèle peut nous inspirer aujourd’hui.
Quand on ouvre les Écritures, on constate que l’apôtre Paul partait longtemps: 1,5 an pour le premier voyage (Actes 13-14), 2-3 ans pour le second (Ac 15.36-18.22) et 3-4 ans pour le troisième (Ac 18.23-21.16). Lorsqu’il n’était plus sur place, il envoyait des lettres d’encouragement, priait pour les personnes sur le terrain missionnaire, envoyait d’autres ouvriers dans les champs missionnaires, comme Timothée ou Épaphras. Son engagement était sur le long terme. Puisque l’investissement des missionnaires sur le terrain s’inscrit dans la durée, ma participation, mon investissement, ainsi que celui de mon Église, gagneraient à s’inscrire également dans la durée. Cela permet de développer un partenariat profond. Voilà pourquoi, à moins que ce ne soit dans le cadre d’un projet de découverte, j’aimerais privilégier les missions là où je peux retourner et avoir un impact sur le long terme. Encore mieux, j’encouragerais et j’aiderais prioritairement les missionnaires que mon Église soutient.
Organiser et participer à des missions courtes en solo ou avec son Église locale sont deux expériences radicalement différentes. Je veux vous encourager à aller en mission avec votre Église locale. J’ai eu la joie de le constater dans deux Églises locales différentes: d’abord comme membre de l’équipe missionnaire de l’Église locale, puis en tant que membre de l’Église locale accueillant le missionnaire. Permettez-moi de partager ces expériences enrichissantes avec trois exemples concrets.
Quelle est votre image de votre Église locale dans son engagement pour la mission?
L’Église est l’institution de Dieu la plus importante au monde, dans tout l’univers et à travers tous les temps. L’Église locale est le reflet de cette grande Église que Christ voit. C’est ce que Paul dit aux chrétiens de l’Église d’Éphèse:
Ce plan, le Dieu qui a créé toutes choses, l’avait tenu caché en lui-même de toute éternité. Par cette mise en lumière, les Autorités et les Puissances dans le monde céleste peuvent connaître, par le moyen de l’Église, les aspects infiniment variés de sa sagesse.
Éphésiens 3.9-10
Dieu veut utiliser nos Églises locales pour révéler sa sagesse. Cette vision glorieuse devrait constituer une motivation à penser la mission à travers l’Église locale pour un partenariat dans la durée. C’est ce que l’on voit dans les Écritures. La mission a commencé par un groupe de disciples (Matthieu 28), qui se sont ensuite établis en tant qu’Église à Jérusalem et ailleurs. Par la suite, l’Église locale d’Antioche a envoyé Paul et Barnabas établir d’autres Églises. L’Église de Jérusalem a soutenu l’effort missionnaire de l’Église d’Antioche en soutenant Paul et Barnabas (Actes 11.19-30). À chaque fois, l’Église locale est le moyen par lequel Dieu accomplit sa mission. Cela permet de prier en Église pour un missionnaire et sa famille, de cibler et multiplier les voyages missionnaires des membres de cette même Église auprès d’un même missionnaire. Que diriez-vous d’aller visiter un missionnaire que votre Église soutient spirituellement? Des liens durables vont pouvoir se créer entre les membres de l’Église d’envoi et les personnes sur le terrain. L’Église locale pourra ensuite accueillir le missionnaire et sa famille quand ils reviendront, en organisant leur logement, un temps de présentation, de prière, et de questions/réponses avec eux. N’est-ce pas magnifique?
Et si je vous disais que cette pratique est directement inspirée des Écritures. Actes 14 se termine en ces mots:
Là, Paul et Barnabas s’embarquèrent pour Antioche d’où ils étaient partis et où on les avait confiés à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils venaient d’accomplir. À leur arrivée, ils réunirent l’Église et racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux; ils exposèrent, en particulier, comment il avait ouvert aux non-juifs la porte de la foi.
Actes 14.26-27
J’espère avoir suscité l’intérêt sur la nécessité d’avoir une vision biblique de la mission par l’Église locale.
1. Creative Tension (London: Edinburgh House Press, 1959), p. 81.
2. Missions, Andy Johnson, p61.
3. The Goal of Missions and the Work of Missionaries, Kevin DeYoung.
Voici quelques ressources en français et en anglais:
webinaire
Mission: suis-je appelé(e) à partir?
Orateur