Lorsque j'ai consacré ma vie à la mission sur le vieux port de Marseille, en France, à l'âge de 16 ans, je voulais conquérir le monde pour Christ. Les études universitaires séculières qui ont suivi peu après, au lieu d'étouffer ces rêves, n'ont fait que les nourrir. Car, par la grâce de Dieu, je ne me suis pas laissée corrompre par les philosophies de ce monde, mais je me suis enracinée dans une communauté de foi qui m'a enseigné l'importance d'une communion profonde, d'une théologie solide et d'une implication régulière dans l'évangélisation.
Lorsque j’ai finalement suivi des études à la faculté de théologie, cela a attisé davantage la flamme pour la mission. Car pour moi, la formation théologique poussée ne s’est pas déroulée uniquement dans les couloirs du monde académique. Elle était couplée au service dans une implantation d’Église en milieu urbain, qui comprenait non seulement un enseignement profond et une communauté authentique, mais aussi des efforts réguliers d’évangélisation dans notre quartier en voie d’embourgeoisement.
Presque chaque année, pendant cette longue période de préparation, j’ai eu le privilège de faire des voyages missionnaires à court terme, ce qui m’a permis de me former davantage au service transculturel. J’ai passé la plupart de mes étés à l’étranger, dans des camps de réfugiés, des villages isolés et des grandes villes, dans des pays aussi éloignés et distincts que l’Inde, l’Albanie, la France, le Ghana, et l’Éthiopie (pour n’en citer que quelques-uns). De plus, lorsque mon mari Dan et moi avons rejoint Crossworld (notre agence missionnaire), nous avons subi une évaluation psychologique approfondie et suivi une formation supplémentaire en communication interculturelle.
Ainsi, bien entendu, lorsque nous sommes partis pour le Sénégal au début de la trentaine, je pensais que nous avions la maturité, la formation et la préparation nécessaires pour servir efficacement à l’étranger. Cependant, j’ai vite découvert que toute la formation théorique et pratique du monde ne pouvait pas nous préparer correctement aux réalités du déracinement de notre famille pour une durée indéterminée à l’autre bout du monde.
En août 2021, cela faisait 14 ans que nous avions fait ce voyage vers les nations. Et depuis, j’ai appris quelques leçons qui, je l’espère, pourront être utiles à des jeunes gens tout aussi désireux de conquérir le monde pour Christ.
Tout d’abord, il y a une grande différence entre les missions à court et à long terme. En tant qu’ouvrière à court terme, j’étais entièrement prise en charge par les familles d’accueil chez lesquelles je séjournais, qu’il s’agisse de missionnaires vivant dans une maison de style occidental ou de réfugiés résidant dans une petite structure en parpaings.
Je n’avais pas à me procurer mes propres repas. Je n’ai pas eu à me soucier d’engager un plombier, un électricien ou un mécanicien pour assurer le bon entretien de ma maison ou de ma voiture. Dotée d’un fort système immunitaire, je tombais rarement malade et lorsque c’était le cas, mes hôtes veillaient à ce que je reçoive les meilleurs soins médicaux possibles. Je n’avais pas de conjoint ni d’enfants à élever, et je n’avais donc pas à m’occuper de leur éducation ni à les voir endurer de longues périodes de maladie.
J’étais paradoxalement entièrement dépendante des autres (car les autres répondaient à tous mes besoins physiques) et en même temps entièrement indépendante (car je me concentrais, sans entrave et sans distraction, sur le ministère).
Dans le même ordre d’idées, mes expériences en tant que visiteur de passage ont créé des attentes irréalistes. Au cours de voyages allant de 10 jours à 5 mois, j’ai tout fait: organiser des camps pour enfants, diriger des études bibliques pour femmes, enseigner l’anglais comme deuxième langue, évangéliser et témoigner que des maisonnées entières mettent leur foi en Christ. Et je m’attendais à ce qu’une fois mon rêve devenu réalité dix-sept ans plus tard, je connaisse un niveau similaire de fécondité et de productivité.
Ce que j’ai découvert au lieu de cela, c’est que les voyages à court terme sont conçus pour condenser le plus de ministères possibles sur une période aussi courte que possible. Mais ils ne représentent pas la vie réelle. Si je m’étais arrêtée assez longtemps pour demander, n’importe lequel des missionnaires qui m’ont accueillie auraient pu me dire ceci.
De plus, lorsque l’on s’installe dans une nouvelle culture, le processus d’adaptation ne prend pas des mois, mais des années. Tandis que lors de courts séjours, j’avais bondi dans le ministère actif dès mon arrivée. Une telle approche était déconseillée à long terme. Au lieu de cela, nous devions nous hâter lentement, avec un juste équilibre entre urgence et diligence. Car si les tâches étaient exécutées trop rapidement, des erreurs étaient commises et les bons résultats à long terme ne seraient pas atteints.
Nous savions cela en théorie avant d’aller sur le terrain, mais c’est une autre histoire lorsqu’on doit rédiger des lettres de nouvelles régulières pour rendre compte aux églises et aux partenaires individuels. Heureusement, notre équipe de collaborateurs était bienveillante et comprenait notre besoin d’apprendre la langue et la culture de notre pays d’accueil afin de communiquer l’Évangile plus efficacement.
En outre, les conditions austères dans lesquelles j’ai vécu pendant nombre de ces courts voyages faisaient partie de l’aventure, mais elles n’étaient pas viables pour une famille à long terme. Lors d’un de ces voyages, 13 femmes ont dormi dans la même pièce sur des matelas gonflables. Lors d’un autre, j’ai vécu dans une case dont le toit était infesté de grandes créatures prédatrices qui se nourrissaient des rats qui l’habitaient également. Je m’endormais au son des couinements des rongeurs qui n’avaient pas survécu à la chasse.
Pourtant, comme j’avais non seulement enduré de telles conditions, mais que je m’y étais épanouie, j’avais faussement cru que mon mode de vie serait à peu près le même lorsque je m’installerais définitivement à l’étranger. La discordance entre mes attentes et la réalité m’a fait ressentir une énorme culpabilité. Ce sentiment était aggravé par la disparité entre nos modestes revenus et ceux de la plupart des gens dans la culture qui nous accueillait.
Peu d’évangéliques nord-américains estimeraient que les missionnaires sont riches. Au contraire, notre dépendance vis-à-vis des Églises et des donateurs individuels peut parfois donner l’impression que nous sommes des paupérisés! Et pourtant, ceux qui servent dans le monde en voie de développement sont considérés comme riches par la plupart des gens de leur culture environnante. Et c’est vrai, en termes relatifs.
Nous sommes généralement des professionnels instruits qui peuvent se payer des billets d’avion, des voitures et des maisons qui sont hors de portée pour beaucoup. Nous savons d’où viendra notre prochain repas, nous pouvons nous permettre d’envoyer nos enfants à l’école et, si un membre de notre famille tombe malade, nous avons les moyens de payer ses soins médicaux.
Dan et moi nous sommes efforcés d’être généreux, mais nous nous sentions parfois paralysés par l’ampleur des besoins, et nous ne voulions pas simplement faire l’aumône, ce qui aurait privé nos amis de leur dignité.
Des livres comme Quand aider fait du tort nous avaient aidés à comprendre le danger de créer des modèles de dépendance plutôt que de rendre les gens autonomes (ce qui est particulièrement épineux pour les Occidentaux dans l’Afrique post-coloniale). Mais mettre leurs paroles en pratique était plus facile à dire qu’à faire lorsqu’un frère ou une sœur venait vers nous au milieu d’une crise. La fac de théologie ne nous avait pas préparés à ces scénarios.
Nous avons relevé ces défis en comptant sur nos amis sénégalais pour obtenir de sages conseils. Dan et moi avons appris que les missionnaires les plus efficaces étaient ceux qui s’associaient aux leaders locaux dans la mesure du possible. Se joindre à une Église locale et y servir nous a permis de développer des relations enrichissantes avec des croyants qui pouvaient nous expliquer leur propre culture bien mieux qu’une recherche sur Google. (Cela peut sembler évident, mais nous avons été surpris de voir à quel point il était courant pour les missionnaires de rester à la périphérie de la vie de l’Église).
Depuis le début de notre voyage vers les nations en 2007, Dan et moi avons appris des leçons inestimables qui ont fait de nous des ouvriers plus efficaces aujourd’hui. Car si l’expérience est effectivement le meilleur enseignant, cela est vrai dans la mesure où nous réfléchissons à ces expériences et intégrons leurs leçons dans notre vie et notre pratique. Nous n’aurions pas pu les apprendre en lisant n’importe quel livre ou article, aussi merveilleux que puissent être certains d’entre eux. Mais ils sont utiles dans le sens où ils servent de carte routière qui nous indique à quoi nous attendre sur le chemin sinueux qui s’offre à nous.
Si vous sentez que le Seigneur vous conduit vers les nations, mon espoir est que ces mots soient un panneau indicateur de ce qui s’annonce pour vous. Non pas pour vous décourager parce que la route sera cahoteuse, mais pour vous donner de l’espoir parce que vous saurez à quoi vous attendre. Lorsque vous serez confrontés à la même discordance que nous, sachez que vous ne faites pas quelque chose de mal. C’est tout à fait normal. Et surtout, que l’Évangile de notre Seigneur ressuscité remplisse votre cœur et votre esprit afin que sa grâce, et non la culpabilité, vous serve de méditation jour et nuit.
webinaire
Islam: Comment témoigner auprès des musulmans
Découvre ce replay du webinaire de Rémi Gomez enregistré le 28 octobre 2020 sur les moyens de témoigner auprès des musulmans tout en défendant notre foi chrétienne.
Orateurs
R. Gomez