Elle pèse 2 400 g, mesure 24 cm, et compte 2 700 pages. La Bible d’étude de la foi réformée sort tout juste de chez l’imprimeur: c’est l’occasion de l’examiner sous toutes les coutures! Commençons comme tout lecteur qui ouvrirait un livre pour la première fois: par la couverture et le titre.
La première de couverture étonne par sa sobriété. Pas de texte. Juste un logo. Un buisson ardent. Ce motif nous ramène des siècles en arrière, au moment où Moïse, craintif, se déchaussait et entendait pour la première fois le nom de son Dieu:
Je suis celui qui suis.
Exode 3.14
Mais quel rapport avec une Bible d’étude?
Cette Bible d’étude a donc pour ambition de s’inscrire dans la droite ligne de la Réforme et plus particulièrement des enseignements de Calvin.
À toutes les personnes qui ont franchi la porte de ma maison ces derniers jours, j’ai posé la même question: “Si je te dis "Réformé", à quoi penses-tu?” Voici leurs réponses: “L’Église réformée de France, l’Église officielle, les protestants.” Et effectivement, cette Bible est résolument protestante.
Mais le titre précise "foi réformée". En France, le premier réflexe est d’associer la Réforme aux Églises protestantes traditionnelle. Pourtant, comme le rappelle Henri Blocher:
La continuité entre la Réforme et les évangéliques est très solide. Certes le contexte sociopolitique est très différent. Mais quant à la découverte de l’Évangile, à la foi en son noyau principal, il y a identité entre la position évangélique telle qu’[il] tente de la confesser […] et ce que la Réforme a mis en évidence au XVIᵉ siècle1.
Cette Bible est résolument évangélique.
Nous voilà donc en présence d’une Bible qui nous arrive du Nouveau Monde, mais dont l’héritage est foncièrement francophone. Pour décoder ce mystère géographique, je vous emmène pour un voyage dans le temps et autour du monde.
1535, Neuchâtel, Suisse. Pierre Robert Olivétan, le cousin de Calvin, vient de finir de traduire et de publier la première Bible en français. C’est une première, car il a travaillé non pas à partir de la vulgate (texte latin), mais à partir des textes hébreux et grecs. Cette Bible sera notamment surnommée la Bible des martyrs, puisqu’elle sera interdite en France et que beaucoup de ses lecteurs seront persécutés.
1554, Angleterre: nous sommes sous le règne de Mary Tudor, plus connue sous le doux sobriquet de Bloody Mary. Les pasteurs adhérant aux idées de la Réforme sont persécutés et fuient l’île pour se réfugier en Europe et notamment à Genève. Là, Calvin les encourage à traduire la Bible en anglais.
1560, Genève: la Geneva Bible4 est publiée. La traduction en anglais, à partir des textes en langue originale, se base aussi sur la traduction du Nouveau Testament de Tyndale paru en 1926. Pour la première fois, cette Bible propose un découpage en chapitres et en versets (une idée de Robert Estienne, imprimeur français). Cette Bible est aussi inédite par le fait qu’elle offre des notes marginales écrites par certains réformateurs, des illustrations, des cartes ainsi que des références croisées. De plus, le prix de l’ouvrage a été rendu accessible aux bourses les plus modestes. L’ambition de la Geneva Bible est de rendre la Parole de Dieu accessible à tous et de permettre à la théologie de la Réforme d’avoir un public plus large. Les critiques des monarchies soutenues par l’Église catholique ne se font pas attendre.
Mais l’engouement du peuple est là. La Gevena Bible s’exporte et atteint l’Angleterre où elle connaît un succès franc pendant près d’un siècle, malgré l’interdiction du roi Jacques au début XVIIᵉ siècle. Ce sera la Bible de Shakespeare et de John Bunyan, entre autres. Toujours sous le feu de la persécution, de nombreux protestants fuient l’Angleterre pour le Nouveau Monde, emportant, à bord du Mayflower, leurs Bibles et leurs idées.
Bien des années plus tard, en 1995, l’équipe de R.C. Sproul, publie la New Geneva Bible Study. Le titre est explicite. Il s’agit d’être dans la ligne droite de la première Bible d’étude en langue anglaise. En 1998, une réédition de la New Geneva Bible Study est publiée sous le titre The reformation Bible Study.
2024: la traduction française de cette Bible d’étude est publiée aux éditions La Rochelle.
Certains francophones, pour qui la Réforme s’est avant tout déroulée en France et en Suisse, regrettent qu’il s’agisse d’un projet de traduction. La publication de cette Bible permet de se rendre compte que le mouvement de la Réforme n’est justement pas que circonscrit aux Européens et encore moins aux francophones. Il concerne l’Église mondiale et il est bon que de telles ressources puissent être traduites et rendues ainsi accessibles à beaucoup d’autres.
Le message de la Réforme est simple en apparence: “En restant fidèle à la Bible, l’Église restera également fidèle à sa mission, et l’Évangile rayonnera.” C’est dans cette optique que le projet de cette Bible a vu le jour dont voici les principales caractéristiques.
Comme beaucoup de Bibles d’étude, la Bible de la foi réformée propose des introductions aux grands ensembles de livres: au Pentateuque, aux livres historiques, aux prophètes, etc. Elle propose également une introduction à chaque livre biblique offrant des détails concernant l’auteur, les premiers lecteurs, la théologie développée dans le livre, etc.
J’aime particulièrement la section concernant les genres et les caractéristiques littéraires. Ici, pas de littéralisme: "contexte" (notamment historique et littéraire) est le maître mot pour l’interprétation des textes. La section sur la poésie hébraïque est particulièrement fournie. Les livres sont toujours replacés dans le contexte de l’histoire biblique globale, et donc mis en rapport avec le salut offert par Christ. Des cartes en couleurs, des références croisées, des schémas en noir et blanc et une concordance viennent compléter les outils. En plus de ces introductions, de nombreuses notes sont disponibles sous le texte biblique:
Pour les versets aux interprétations variées, les commentaires détaillent les différents points de vue tout en exprimant leur préférence pour l’interprétation calviniste, sans pour autant être dogmatiques, comme certains ont pu le craindre. Voici un extrait issu de la note sur Romains 11.25-32 qui te donnera un aperçu du ton adopté dans l’ensemble des commentaires:
Le raisonnement minutieux de Paul a été compris de trois manières principales:
(a) il montre comment Dieu sauve tous ses élus (le terme "tout Israël" au verset 26 étant considéré comme synonyme de l’Église, c’est-à-dire de l’Israël spirituel, composé des élus provenant de toutes les nations);
(b) il montre comment Dieu sauve tous ceux qui sont élus dans le peuple d’Israël (ethnique);
(c) il montre comment Dieu, à l’avenir, sauvera un si grand nombre de juifs que, dans un sens général évident, il est possible de dire que “tout Israël sera sauvé” (verset 26). Bien que ce dernier point de vue présente certaines difficultés, il semble être le plus probable pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, des allusions à ce sujet semblent apparaître dans les versets 11, 12, 15, 16 et 24.Deuxièmement, le verset 25 suggère la fin de l’endurcissement partielle du cœur d’Israël.
Troisièmement, il est difficile d’interpréter "Israël" au verset 26 comme signifiant une entité différente de l’Israël visé aux versets 1-24 et 28-31 où l’Israël national (et non Israël spirituel) est concerné.
Quatrièmement, le mot "mystère" — un sujet connu uniquement par révélation divine — au verset 25 semblerait inapproprié et exagéré si l’enseignement de Paul était simplement que tous les juifs élus seront sauvés.
Enfin, ce point de vue s’accorde bien avec les citations des versets 26 et 27 d’Ésaïe 27.9; 59.20, 21; Jérémie 31.33, 34 qui parlent sans doute d’un bannissement complet du péché par lequel Israël s’est éloigné de Dieu5.
En plus de ces notes en bas de page, près de 70 résumés de points de doctrines précis et chers au calvinisme sont mis en avant dans des encarts grisés. Tu y retrouveras évidemment un article sur "le péché originel" (p. 20), "le baptême des enfants" (p. 45), "la persévérance des saints" (p. 2154), "la prédestination et la réprobation" (p. 2158), "le repas du Seigneur" (p. 2196), "l’antinomisme" (p. 2461), etc.
En fin d’ouvrage, deux sections sont particulièrement intéressantes: celle qui compile les différents credo, confessions et catéchismes et celle des articles thématiques propres à la vision calviniste. La première est un fort rappel que la Réforme n’est pas hostile à la tradition comme certains ont pu le dire; simplement, elle ne la met pas sur le même pied d’égalité que la Bible. Ainsi, tu pourras retrouver les premiers credo œcuméniques (le Symbole des Apôtres, de Nicée, de Chalcédoine, etc.), mais aussi les catéchismes les plus célèbres à travers le monde protestant (le catéchisme de Heidelberg, la confession de foi des Pays-Bas, les canons de Dordrecht, ou encore la confession de Westminster). Ces textes sont particulièrement précieux parce qu’ils démontrent l’historicité de la foi réformée et en permettent la mémorisation des grandes doctrines.
13 articles thématiques retracent, sur deux doubles-pages, les grandes lignes de la position évangélique réformée sur des thèmes allant de l’apologétique à l’inerrance de la Bible, en passant par le culte, la théologie de l’alliance, l’histoire de la traduction biblique, et bien sûr la Réforme. Écrits pas différents contributeurs dans un style direct, ils donneront au lecteur de voir que l’héritage de la Réforme traverse non seulement les continents, mais aussi les époques.
Refermons cette Bible d’étude avec la prière de l’un de ces contributeurs:
Puisse-t-il y avoir à l’aube d’une nouvelle génération d’exposants bibliques qui retourneront à d’anciennes voies, ces approches de la prédication biblique qui sont dignes de confiance. Comme à l’époque, puisse-t-il en être ainsi encore, post tenebras lux — après les ténèbres, la lumière6.