Dans Luc 12.13-34 (que je t’invite à lire avant de poursuivre), Jésus donne cinq raisons pour lesquelles ses disciples ne doivent pas s’inquiéter. Ces paroles sont précieuses pour notre foi, surtout lorsque l’anxiété ou les incertitudes s’invitent dans nos vies.
Jésus commence par raconter une parabole (Lc 12.16-21) pour dénoncer l’avidité et l’illusion selon lesquelles notre sécurité dépend de ce que nous possédons. Un homme riche, dont les terres produisent abondamment, décide de construire de plus grands greniers pour tout y entreposer. Il prévoit ensuite de profiter tranquillement de ses richesses. Mais Dieu l’interpelle : “Insensé ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ?” (v. 20). Jésus conclut : “Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche pour Dieu” (v. 21).
Jésus enchaîne : “La vie ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l’abondance” (v. 15), et ajoute : “La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement” (v. 23).
Cela peut sembler surprenant. La nourriture et le vêtement sont des besoins fondamentaux ! Paul lui-même écrit : “Si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira” (1Tm 6.8).
Si la nourriture et le vêtement sont des besoins fondamentaux, pourquoi Jésus dit-il de ne pas nous en inquiéter ? Parce qu’il y a encore plus fondamental. La vie ne dépend pas ultimement de ces choses. La nourriture et le vêtement sont nécessaires pour le corps, mais pas suffisants pour la vie. En effet, l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Mt 4.4). Notre relation avec Dieu est aussi vitale, plus encore, que notre santé physique ou notre confort matériel.
Au chapitre précédent, Jésus avait enseigné à ses disciples comment prier (Lc 11.1ss).
Nous devons prier : “Donne-nous chaque jour notre pain quotidien”, parce que nous en avons besoin. Il ajoute ensuite : “Pardonne-nous nos péchés, car nous aussi, nous pardonnons à quiconque nous offense ; et ne nous laisse pas entrer en tentation.”
Nos besoins sont à la fois matériels et spirituels. Et c’est Dieu qui pourvoit à l’un comme à l’autre.
C’est l’argument central de tout cet enseignement de Jésus. Lorsque nous affirmons : “Ne soyons pas soucieux, car notre vie est entre les mains de Dieu”, nous proclamons que Dieu pourvoit réellement à nos besoins. Jésus illustre cette vérité par deux exemples tirés de la nature.
Il commence avec les corbeaux (v. 24). Ces oiseaux ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et pourtant, Dieu les nourrit. Les corbeaux étaient considérés comme des animaux impurs par les Juifs, et dans l’Antiquité, ils faisaient partie des créatures les moins estimées. Malgré cela, Dieu s’occupe d’eux. Jésus en tire cette conclusion : si Dieu prend soin de ces animaux méprisés, à combien plus forte raison prendra-t-il soin de nous !
Cela signifie-t-il que nous pouvons rester passifs, sans travailler ? Certainement pas. J’aime beaucoup la manière dont un commentaire biblique formule les choses à ce sujet : “Les corbeaux ne sont pas en train de s’inquiéter que leur réserve de vers s’épuise, mais en même temps, ils ne s’attendent pas à ce que les vers se glissent sous leurs becs.1” Cela exprime bien l’équilibre biblique : nous devons travailler, tout en gardant à l’esprit que c’est Dieu qui prend soin de nous et que tout ce que nous avons vient de lui.
Jésus donne un deuxième exemple : celui de l’herbe des champs (vv. 27-28). Cette herbe, qui pousse naturellement et semble sans importance, est destinée à être coupée et jetée au feu. Pourtant, Dieu la revêt d’une beauté éclatante, plus grande encore que celle de Salomon dans toute sa gloire. Si Dieu accorde tant d’attention à ce qui est temporaire et voué à disparaître, combien plus prendra-t-il soin de ceux qu’il a créés à son image ! Si Dieu nourrit les corbeaux et habille l’herbe des champs, nous pouvons être certains qu’il veille sur nous, ses enfants.
Troisième raison de ne pas s’inquiéter : c’est inutile (vv. 25-26). Notre inquiétude ne change pas les choses. Pourquoi s’inquiéter de ce que nous ne pouvons pas contrôler ? La providence de Dieu nous aide à nous soucier de ce que Dieu nous demande, et se décharger de ce que lui seul contrôle.
Oublier que Dieu prend soin de nous révèle un manque de foi. Jésus adresse un reproche clair à ses disciples : “gens de peu de foi” (v. 28). S’inquiéter, c’est glisser dans l’incrédulité. Il poursuit : “Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, et ne soyez pas inquiets. En effet, tout cela, ce sont les membres des autres peuples du monde qui le recherchent” (vv. 29-30). Se tourmenter de manière excessive et courir après ces choses revient à adopter l’attitude des païens : ceux qui ne connaissent pas Dieu.
Prenons une image. Imaginez que vous invitiez quelqu’un à dîner. Cette personne vous assure qu’elle apportera le dessert. Le jour venu, elle arrive et vous tend avec joie la tarte aux pommes qu’elle a préparée. Mais, au moment du dessert, vous servez non seulement sa tarte, mais aussi un dessert de secours que vous aviez préparé, "au cas où". Parce qu’on ne sait jamais. Parce que, au fond, vous doutez qu’elle tienne réellement parole.
De la même manière, lorsque nous nous inquiétons de nos besoins alors que Dieu nous a promis d’y pourvoir, nous remettons en cause sa fidélité. Nous doutons de ses promesses, comme si elles n’étaient pas dignes de confiance. Nous nous comportons alors comme ceux qui ne connaissent pas Dieu, qui s’en remettent uniquement à leurs propres forces, à leurs ressources, à leurs calculs. C’est faire abstraction du soin paternel de Dieu.
Il est toutefois important de le souligner : il existe une forme de préoccupation qui est saine et juste. Il est normal, et même bon, d’être préoccupé par ce qui relève de notre responsabilité. L’indifférence serait une faute, et la Bible condamne ceux qui se montrent insensibles à ce qui devrait les concerner. Être préoccupé, dans une certaine mesure, est une marque de sagesse et de maturité.
Mais ce n’est pas cela que Jésus vise ici. Ce que Jésus dénonce, c’est une inquiétude angoissée, une obsession centrée sur ce que seul Dieu peut nous accorder. Il décrit une attitude qui vit comme si Dieu était absent, une manière de penser et de planifier où Dieu est exclu de l’équation, à l’image de l’homme de la parabole, qui projette sa vie sans se souvenir que son souffle même dépend de Dieu.
Il y a une différence essentielle entre une préoccupation qui nous conduit à nous mettre à genoux pour confier nos besoins à Dieu dans la prière, et une inquiétude qui nous dévore intérieurement et nous fait oublier la bonté et la souveraineté de notre Père céleste.
Jésus veut nous le rappeler avec force : Dieu est bon, il donne ce qui est meilleur pour ses enfants. Dieu est souverain, il contrôle toutes choses, et son plan s’accomplit parfaitement selon sa sagesse infinie. Nous n’avons pas à vivre comme des orphelins, mais comme des enfants assurés de l’amour et du soin de leur Père.
La dernière raison donnée par Jésus pour ne pas nous inquiéter, c’est que notre Père céleste connaît nos besoins (v. 30). Lorsqu’il enseigne à ses disciples à prier, Jésus dit : “Notre Père qui es aux cieux” (Lc 11.2). Ainsi, lorsque nous nous adressons à Dieu dans la prière, nous parlons à celui qui gouverne l’univers tout entier, mais nous nous approchons aussi d’un Père. Un Père qui nous connaît parfaitement et qui nous regarde avec amour.
Dans l’Évangile selon Matthieu, Jésus illustre cette réalité par une comparaison frappante (Mt 7.9-11) :
Qui parmi vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, mauvais comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, votre Père céleste donnera d’autant plus volontiers de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.
Même les parents défaillants cherchent à donner ce qu’il y a de meilleur à leurs enfants. Combien plus notre Père parfait sait-il ce dont nous avons besoin, et combien plus est-il disposé à nous le donner !
C’est pourquoi nous pouvons nous décharger sur lui de tous nos soucis, car il prend soin de nous (1P 5.7). Nous n’avons pas besoin de vivre dans l’angoisse, car notre vie est entre les mains d’un Père qui nous aime, qui nous voit et qui pourvoit fidèlement.
L’apôtre Paul nous enjoint à vivre dans cette confiance (Ph 4.6-7) :
Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, dans une attitude de reconnaissance. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre, gardera votre cœur et vos pensées en Jésus-Christ.
La connaissance que Dieu a de nos besoins n’est pas théorique ou distante ; elle est pleine de compassion et elle nous ouvre l’accès à une paix profonde. Une paix qui ne vient pas de la maîtrise de nos circonstances, mais de la confiance dans notre Père céleste.
Face à l’anxiété, ce texte nous appelle à :
webinaire
La prière: retrouver le plaisir de parler à notre Père
Découvre le replay du webinaire de Romain T. sur la prière, enregistré le 09 juin 2022.

Orateurs
R. T.
