En ce moment, je lis un livre que j’aime beaucoup: What is the mission of the church? de Kevin DeYoung et Greg Gilbert. Le titre résume le centre du livre, qui est de définir la mission de l’Église. Tout naturellement, les auteurs ont consacré deux chapitres à la « justice sociale », l’un plutôt destiné à l’exposition de certains textes bibliques clés, l’autre chapitre étant consacré à quelques applications, déclinées en sept propositions.
J’ai décidé de traduire ici la proposition #5 qui détaille le concept de « proximité morale », tiré d’un article que l’on peut retrouver sur le blog de Kevin.
Proximité Morale = Obligation Morale
Le principe est relativement simple, mais souvent négligé : Plus la proximité morale du pauvre est proche, plus grande est l’obligation morale d’aider. La proximité morale n’est pas en rapport avec la géographie, bien que celle-ci peut entrer en jeu. La proximité morale définit la manière dont nous sommes connectés à quelqu’un en vertu de nos liens familiaux, de la parenté, de l’espace ou du temps.
Par conséquent, en termes de proximité morale, je suis plus proche de mes frères et sœurs de l’Université Baptiste située en bas de la rue, ici à East Lansing (la ville de Kevin NDLR) que je ne le suis de l’Église Baptiste de Tuscaloosa (j’imagine qu’il y a une église là-bas). Mais la distance physique n’est pas la seule considération.
En termes de proximité morale, je suis plus proche de mon beau-frère qui habite en Australie que d’un étranger que je ne connais pas, mais qui vit de l’autre côté de Lansing.
Vous voyez où je veux en venir. Plus la proximité morale est grande, plus grande est l’obligation morale. Ainsi, si une Église en Alabama est touché par la foudre et que son éclairage est grillé (ne vous inquiétez pas Tuscaloosa, je ne suis pas prophète), notre Église pourrait les aider, mais l’obligation est moins grande que si une Église se trouvant à un kilomètre part en fumée. Pareillement, si un homme de Lansing perd son travail, je pourrais lui envoyer un chèque, mais si mon beau-frère à l’autre côté de la planète est sans emploi, mon obligation de l’aider sera plus grande. Cela ne signifie pas que je suis indifférent à tout le monde excepté mes amis, mes proches ou mes voisins, mais cela veut dire que ce que je devrais faire dans une situation devient ce que je pourrais faire dans une autre.
Je crois que le principe de proximité morale se trouve dans la Bible. Dans l’Ancien Testament par exemple, comme l’ont soulevé plusieurs érudits, la plus grande responsabilité était d’abord la famille, ensuite la tribu, ensuite les Israélites et enfin les nations alentours.
Que ce soit pour les lois du Jubilé ou concernant le droit de rachat, l’idéal était que ce soit la famille qui aide en premier. Ils avaient la plus haute obligation d’aider. Après tout, dit Paul, si quelqu’un n’a pas soin des siens (et qu’il le peut), il est pire qu’un incroyant (1Tm 5.8). Si la famille ne peut pas, le cercle s’agrandit. Ceux qui sont les plus proches des personnes ou des situations devraient répondre avant qu’une personne ou une organisation extérieure ne le fasse. Leur obligation morale d’agir est plus grande.
Aider même avec des avions et Internet
Bien sûr, ce principe de proximité morale devient vite épineux. Avec la communication moderne et les voyages, nous avons sous nos yeux des millions de besoins. Sommes-nous dans l’obligation d’aider dans chaque cas? Non. Le principe devient difficile à manier à notre époque, mais reste utile. L’intensité de nos obligations morales dépend de combien nous connaissons les personnes, la manière dont nous sommes connectés et si ceux qui sont plus proches de la situation peuvent ou devraient les aider en premier.
Il n’y a pas de réponse facile même avec le principe de proximité morale, mais sans lui, l’appel de Dieu à la compassion devient une blague cruelle. On ne peut tout simplement pas répondre à tous ceux qui réclament de l’argent. On ne peut pas donner à toutes les organisations qui aident les pauvres. En résulte que beaucoup d’entre nous abandonnent l’idée de donner quoi que ce soit parce qu’il y a trop de demandes. Alors, on range juste « aider les pauvres » dans la colonne désobéissance et on commence à penser au football.
Nous devons distinguer entre un appel à être généreux et à aider ceux dans le besoin qui va au-delà de notre devoir et un appel où l’obligation d’agir transforme notre désobéissance en péché. C’est là où plusieurs des voix « pro-justice sociale » bien intentionnées peuvent causer du tort en voulant nous faire faire trop de bien.
Si nous sommes obligés d’aider les pauvres et ceux dans le besoin partout, alors nous ressentirons peu d’obligation d’aider les pauvres et les nécessiteux nulle part.
Ainsi, 1 Jean 3 perd de son pouvoir. Soutenir la lutte contre le SIDA en Afrique est merveilleux en soi, mais ne pas le faire ne fait pas d’une Église de Cedar Rapids (Iowa, USA) une Église égoïste ou moins centrée sur l’Évangile. Mais si la même Église n’a rien fait pour aider les personnes et leur communauté quand la rivière a débordé en 2008, alors ils n’ont pas compris l’amour de Christ. La proximité morale ne doit pas nous rendre arrogants envers les pauvres. Mais cela devrait nous délivrer d’une culpabilité non nécessaire et nous rendre plus attentifs envers ceux qui comptent le plus sur nous.