« Une femme sans homme est comme un poisson sans bicyclette », déclarait le slogan popularisé par la leader féministe Gloria Steinem dans les années 1970. Avec un tel cri de guerre, le mouvement a annoncé l’indépendance et la supériorité des femmes, ainsi que l’inutilité de la présence des hommes… Quels impacts le féminisme a t-il eu sur l’Église au fil des siècles?
Quand on pense au mot « féministe » aujourd’hui, c’est donc peut-être cette posture envers les hommes qui nous vient à l’esprit. Pourtant, à sa naissance, le mouvement féministe a défendu des droits que les hommes et les femmes du XXIè siècle tiennent pour acquis. Parmi ces droits, figurent le droit de vote, le droit d’accéder à l’enseignement supérieur et à de meilleures opportunités d’emploi, le droit de posséder des propriétés, le droit de divorcer et de conserver la garde de ses enfants (en particulier en cas d’abus). De plus, les féministes de la première vague considéraient l’avortement comme un meurtre et seraient horrifiées par ce que le mouvement est devenu.
Après la Seconde Guerre mondiale, les féministes de la deuxième vague ont poursuivi des causes justes telles que les perspectives d’être employée au-delà du niveau d’entrée (secrétariat), « Un salaire égal pour un travail égal » et le droit des femmes mariées à posséder leurs propres cartes de crédit ou à obtenir des prêts. Cependant, parallèlement à ces efforts, beaucoup se sont également battues pour la nomination des femmes à des postes de prêtres ou pasteurs, et beaucoup ont quitté le christianisme en faveur de spiritualités qui mettaient l’accent sur le féminin. Concernant l’éthique sexuelle, le mouvement féministe a milité (entre autres) pour le droit à l’avortement légal, pour la pénalisation du viol conjugal dans la loi, ainsi que pour l’abolition de la prostitution et de la pornographie. Par conséquent, si le mouvement féministe et l’Église peuvent se rejoindre sur certains points, ils s’opposent sur d’autres comme par exemple au sujet de l’avortement.
C’est dans le sillage de la révolution sexuelle, du féminisme de la deuxième vague et du changement culturel titanesque qui les a accompagnés que le complémentarisme est né. Face à ces menaces croissantes, un groupe de leaders évangéliques a voulu répondre à ces maux. Leur solution consistait à revenir à des définitions claires de la féminité ainsi que de la masculinité et d’appliquer ces principes dans le mariage, l’Église et la société.
Au départ, le complémentarisme a revendiqué trois principes fondamentaux :
À ces principes, un grand nombre d’Églises de différentes traditions ont adhéré sans hésiter. Chez TPSG, nous sommes nous-mêmes issus de plusieurs familles d’Églises et nous partageons ces convictions, car nous pensons qu’elles constituent l’interprétation la plus cohérente de ce que l’Écriture enseigne sur l’homme et la femme. Nous ne considérons pas ces affirmations comme oppressantes, ni comme une conséquence de la chute. Elles font plutôt partie du bon dessein de Dieu pour l’humanité en général, et pour son Église en particulier.
Il est donc important pour nous de comprendre le spectre d’interprétation sur la question du genre dans l’Église. D’un côté, nous trouvons le féminisme chrétien, qui dans sa forme extrême nie l’inerrance et l’autorité de l’Écriture et qui, à bien des égards, reflète la culture contemporaine dans sa façon d’aborder ce sujet. Au-delà de la recherche d’une égalité complète (et même d’une prééminence) pour les femmes dans toutes les sphères de la société, dans sa forme extrême ce mouvement épouse des points de vue non bibliques sur la nature de la divinité (en utilisant des termes neutres sur le plan du genre), le mouvement transgenre, l’avortement, etc. (Si certains utilisent indifféremment les termes « féministe chrétien » et « égalitarien », d’autres réservent le premier terme au mouvement dans ses formes extrêmes. Afin de les distinguer, je le fais également dans cet article).
À l’autre extrémité se trouve le patriarcat chrétien, qui, à bien des égards, reflète également la culture – cependant pas la nôtre, mais plutôt la vision aristotélicienne et victorienne des femmes. Le mouvement enseigne également que l’homme est le prophète, le prêtre et le roi de sa maison, et donc le représentant de sa famille devant Dieu. Les femmes ne doivent pas travailler en dehors du foyer et doivent éduquer leurs enfants à la maison. Les filles sont les aides de leurs pères jusqu’à leur mariage et ne doivent pas chercher à faire des études supérieures ou à travailler en dehors de la maison.
Ces deux extrêmes placent les femmes et les hommes en opposition et font violence à l’Écriture, au détriment de l’Église et du bon dessein de Dieu pour l’humanité.
Au milieu du spectre, on trouve les égalitariens et les complémentaristes. Tous deux gardent une haute vision de l’Écriture, mais arrivent à des conclusions différentes concernant les fonctions des genres au foyer, à l’Église et dans la société. Les égalitariens croient que Dieu a créé les hommes et les femmes égaux en tout point, et que la hiérarchie des sexes est le résultat de la chute. L’œuvre de rédemption de Christ a donc été conçue par Dieu pour inverser ces effets et rétablir l’égalité prévue entre les hommes et les femmes.
Les complémentaristes croient également que Dieu a créé les hommes et les femmes comme des égaux, mais dans l’aspect où l’un est complémentaire à l’autre. Ils croient que les distinctions de genre précèdent la chute, car l’homme a été créé le premier, et la femme a été donnée à l’homme en tant qu’aide. Comme mentionné plus haut, les différences essentielles de l’homme concernent le leadership masculin au sein du foyer et la direction des anciens dans l’Église. Au-delà de ça, ces différentes fonctions varient selon l’endroit où l’on se trouve dans le spectre du complémentarisme.
Au sein même du complémentarisme, deux camps distincts se sont développés: les complémentaristes souples et les complémentaristes stricts. Les partisans du complémentarisme strict croient que les rôles conflictuels entre hommes et femmes sont le résultat de la chute, de sorte que les hommes cherchent à dominer les femmes et que les femmes cherchent à usurper l’autorité des hommes donnée par Dieu. La rédemption rétablit les hommes et les femmes dans leurs rôles respectifs. Elle affirme également que les hommes doivent occuper la plupart (sinon la totalité) des postes de leadership dans l’Église, et que les femmes ne doivent pas enseigner à des groupes mixtes.
Le complémentarisme souple enseigne que la chute a semé la discorde dans les relations entre hommes et femmes, mais que l’avènement du royaume du Christ donne aux hommes et aux femmes le pouvoir d’entretenir des relations d’égal à égal, tout en maintenant certaines distinctions au sein du foyer et de l’Église. Selon cette perspective, on estime qu’une femme peut exercer n’importe quel rôle ministériel ouvert à un homme non ordonné, y compris l’enseignement à des groupes mixtes.
Pourquoi ces questions sont-elles si importantes? Parce que la façon dont nous comprenons le genre dans l’Église déterminera la façon dont nous ferons des disciples et établirons des communautés de foi. Cet article peut soulever plus de questions que de réponses. Dans une série d’articles que celui-ci présente, j’ai l’intention d’explorer ces questions. La semaine prochaine, je vais examiner la question du plan de Dieu pour ses fils et filles de la Genèse et de l’Apocalypse. Si quelque chose que j’ai écrit vous trouble, je vous encourage à garder l’esprit ouvert: « Examinez toute chose; retenez ce qui est bon ». (1Th 5.21).