Dans cet article, je vous offre en exclusivité un extrait du premier chapitre de Noël dans les yeux de Joseph.
— Joseph, il faut vraiment que tu descendes. S’il te plaît.
Ça avait l’air très sérieux, tout ça. Marie ne pleure pas pour un rien. J’ai glissé le long de l’échelle et nous nous sommes assis tous les deux à l’ombre, sous le figuier de la cour. Le silence s’est installé, je n’osais pas le briser. De grosses gouttes tombaient çà et là, sur les énormes feuilles de l’arbre.
— Joseph... m’a-t-elle dit, la voix pleine de larmes.
Elle s’est arrêtée et a sangloté. J’ai senti qu’elle allait accoucher d’une sacrée nouvelle. Un mauvais pressentiment grandissait en moi. Puis, elle a murmuré quelque chose d’incompréhensible.
— Tu peux répéter s’il te plaît?
— Joseph... je suis enceinte! a-t-elle lâché.
— Haha, très drôle! ai-je dit, incrédule.
Il commençait à pleuvoir des cordes.
— Je ne plaisante pas Joseph, je suis enceinte.
Mes oreilles se sont mises à bourdonner, un étau comprimait mon thorax. Je n’ai pas entendu la suite. Un gouffre venait de s’ouvrir sous mes pieds et m’engloutir tout entier. Mon cœur et mes rêves venaient d’être brisés. Comment avait-elle pu me faire ça?
Les quelques personnes encore à l’extérieur se réfugiaient à l’abri des maisons. Nous étions les seuls dehors, désormais.
Dans mon esprit, les conséquences de ses paroles défilaient plus violemment que l’orage qui venait d’éclater: avec qui m’avait-elle trahi? Comment avait-elle pu? Qu’allaient dire nos parents? Qu’allaient dire le village et les anciens de la synagogue? Marie allait se faire lapider ou boire les eaux amères? Et moi, je serai déshonoré à jamais. Et Dieu, quelle punition allait-il nous infliger? Pourquoi s’acharnait-il ainsi sur moi?
Marie continuait de parler, mais j’étais déjà bien loin, perdu dans des ténèbres intérieures. Comment avait-elle pu me faire une chose pareille? Elle qui disait m’aimer piétinait mon cœur. Comment avais-je pu me tromper à ce point sur son compte?
De grosses gouttes glacées tombaient des feuilles et nous étions trempés.
— Joseph, Joseph, tu m’écoutes? Je ne t’ai pas trompé, m’a-t-elle dit. Je te le promets devant l’Éternel.
— Quoi? Mais qu’est-ce que...
Mais quel idiot! Bien sûr qu’elle ne m’avait pas trahi! Comment avais-je pu penser ça d’elle? Marie, c’est une fille bien. Jamais elle ne serait allée voir un autre homme, jamais elle n’aurait osé. Mais, mais alors... Je n’osais pas la regarder, de peur de tomber dans les pommes. J’ai bondi et réajusté ma ceinture de travail.
— Marie, qui est l’homme qui t’a fait violence? Dis-le-moi vite!
Ma main avait déjà empoigné mon marteau et mes phalanges commençaient à blanchir. La rage m’envahissait. Je devais être fort. Ce que David avait fait à Goliath était un câlin comparé à ce qu’allait subir le lâche qui lui avait fait ça. Que ce soit un Romain n’y changerait rien. De toute façon, notre mariage était fichu. Je n’avais plus rien à perdre.
— Joseph, écoute-moi...
Elle s’est levée et a pris mon visage entre ses mains. Je tentais de m’en dégager.
— Joseph, regarde-moi, s’il te plaît, a-t-elle insisté.
Les larmes coulaient toujours sur ses joues. En levant les yeux, j’ai vu quelque chose qui me troublait encore un peu plus. Son regard. J’y percevais d’autres émotions que la peur ou la honte: la paix, et même la joie... Je crois même que je ne l’avais jamais vue aussi paisible.
Ça y est, on l’a perdue, la Marie, me suis-je dit. Et je n’allais pas tarder à la rejoindre si elle continuait à jouer avec mes nerfs.
Alors que je prenais mon inspiration pour lui redemander qui l’avait violée, elle m’a pris de court.
— Joseph, le bébé que je porte en moi, eh bien... c’est Dieu qui me l’a donné.
Je n’en pouvais plus, elle allait me rendre dingue à jouer comme ça avec moi.
— Mais tu es devenue complètement folle! Ô Marie, si tu savais, tout le mal que...
— Joseph, tais-toi et écoute!
Elle a continué en me racontant qu’un ange lui avait rendu visite, la veille au matin, quand elle allait puiser de l’eau.
— L’ange m’a dit: “N’aie pas peur, Marie, car Dieu t’a accordé sa faveur. Voici: bientôt, tu seras enceinte et tu mettras au monde un fils; tu le nommeras Jésus. Il sera grand. Il sera appelé "Fils du Très-Haut", et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son ancêtre. Il régnera éternellement sur le peuple issu de Jacob, et son règne n’aura pas de fin.” (Luc 1.30-33).
J’ai posé la paume de ma main sur son front. Elle a fait un mouvement de recul.
— Que fais-tu?
— Je vérifie, je crois que tu as de la fièvre.
— Ce n’est pas drôle, Joseph!
— Marie, tu réalises ce que tu me dis? lui ai-je répondu, en levant les bras au ciel. Tu te rends compte que ce que tu me dis n’a aucun sens? Si tu veux m’expliquer qu’en fait, tu n’es pas vierge, il y a d’autres moyens.
— Je suis vierge, Joseph. C’est un miracle qui s’est produit. L’ange m’a expliqué: “Le Saint-Esprit descendra sur toi, et la puissance du Dieu Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu” (Luc 1.35). Il m’a aussi parlé de ma cousine et il a conclu en me lançant: “Rien n’est impossible à Dieu” (Luc 1.37).
J’étais totalement perdu.
— Au risque de me répéter, Marie, te rends-tu compte de ce que tu dis?
Si vous désirez savoir pourquoi j’ai écrit ce livre, j’en parle ici.