J’ai récemment terminé une biographie du pasteur Martin Lloyd Jones (CROSSWAY) qui porte bien son nom His life and relevance for the 21st century. Si, comme moi, les biographies sont les derniers livres que vous lisez habituellement, celle-ci risque d’être le début d’une longue série.
Je dois avouer que je n’ai pas trouvé le classement du matériel qui constitue le livre très efficace, c’est pourquoi je ne le présente pas. L’auteur, qui n’est autre qu’un des petits-fils du pasteur Lloyd Jones (Christopher Catherwood), a tendance à se répéter.
Mais cela ajoute à l’effet de proximité avec ses lecteurs. Comme Mark Dever le dit, « on a l’impression d’être en conversation avec un vieux pote ». On est si proche du pasteur qu’on peut ressentir son humour, ses états d’âme et son caractère.
Je suis sorti de cette conversation avec quelques idées à propos de ma propre vie chrétienne, mes objectifs et mes motivations au ministère que je livre ici. On peut dire que c’est un livre mal rangé, mais sacrément efficace qui présente la vie du pasteur et son intérêt pour notre siècle. Cet article sera aussi personnel qu’est l’ouvrage.
Dr. Martin Lloyd Jones fut docteur (littéralement) avant d’être pasteur. Dans la lignée des extra-terrestres comme Calvin, il était un élève brillant et fut diplômé en médecine à l’âge de 21 ans. Il n’a jamais atteint de degré d’étude en théologie, mais cela ne l’a pas empêché de devenir le plus grand prédicateur du XXe siècle et un des exemples les plus efficaces d’une vie et d’un ministère basés sur l’affirmation de la Réforme « Sola Scriptura ».
Né en en 1899 et mort en 1981, l’épitaphe de sa pierre tombale en témoigne encore : 1 Co 2.2.
Malgré des convictions fortes et assumées en matière de théologie, il était toujours prêt à tout remettre en question, Bible en main. Il aimait beaucoup les discussions. J’ai redécouvert les bienfaits de ces conversations informelles en lisant en parallèle les 6 moyens listés par Tim Keller pour faire « comprendre l’Évangile, sa puissance et ses implications »[1].
Les réveils personnels qui se produisent dans le cœur de ces individus se transmettent de manière informelle aux autres par des conversations et des relations.
Dr. Martin Lloyd Jones avait pris l’habitude de commencer ses prédications en exposant clairement à son auditoire pourquoi il fallait absolument l’écouter. Il gagnait leur écoute et leur attention sans autre artifice qu’un appel à leur cœur.
John Piper utilise constamment l’exemple de Martin Lloyd Jones pour illustrer ce que les puritains appelaient « l’onction » du prédicateur. Lloyd Jones définissait la prédication comme « logic on fire »; comprenez une théologie dispensée par un homme en feu. Je ne sais pas si la traduction est idéale, mais l’idée est assez claire pour rendre témoignage de ses convictions et l’étendue de sa pertinence pour chrétiens de tous bords. Il s’appliquait à ce que ses sermons touchent le cœur (les émotions), l’intellect et la volonté (l’application). Il partait du principe que tous ceux qui l’écoutaient n’étaient pas forcément chrétiens, même si officiellement il prêchait pour les chrétiens le matin et les non-croyants le soir.
Ian H. Murray raconte qu’à la fin d’une prédication, la présence de Dieu au travers de la prédication de sa Parole était tellement forte que les présents, abasourdis, mettaient une dizaine de minutes avant de trouver assez de force pour se lever et quitter le bâtiment dans un silence total.
Dr. Martin Lloyd Jones et ses méthodes sont à prendre très au sérieux parce qu’il était capable de tenir en haleine 2000 personnes pendant un sermon de 75 minutes, dans un culte sans chorale. Parce qu’il croyait que la qualité et la fidélité étaient suffisantes pour une prédication.
Il se faisait un point d’honneur à choisir lui-même les hymnes parce qu’il considérait le moment des chants comme un enseignement au service du message. Pour lui, c’était au prédicateur de choisir les chants. Il croyait au chant communautaire, pas au spectacle. Des hymnes édifiants et conduits par le texte avant tout, accompagnés d’une musique qui le sublime.
J’ai l’impression que peu connaissent le rapport de la théologie réformée à l’évangélisation (à ce sujet, lisez James I. Packer, L’évangélisation et la souveraineté de Dieu). Dans cette biographie, on découvre le lien avec les cultes attractifs. Tim Keller en parle également dans son propre livre déjà cité plus haut [2]:
Pour toucher de jeunes adultes postmodernes qui ne fréquentent pas d’Église, beaucoup de pasteurs prêchent dans des bâtiments neutres, s’habillent de façon décontractée, s’assoient sur des tabourets, montrent des extraits de vidéo et passent de la musique rock indé. À Redeemer nous ne faisons rien de tout cela, et pourtant nous touchons des milliers de jeunes qui sont précisément de ces adultes sécularisés et éduqués que les Églises ne parviennent pas à atteindre.
Lloyd Jones a vécu son ministère selon un impératif: si la prédication a une vraie onction, les gens viendront, et c’est Dieu qui les enverra. Et c’est la preuve vivante que « croire aux doctrines de la grâce, l’enseignement biblique sur la manière dont le Saint-Esprit convainc de péché et du besoin de se repentir, fait vraiment une différence autant théologique que pratique » (p. 70).
Pour les convaincus de la théorie, Lloyd Jones allait encore plus loin, il posait le problème comme tel: « Nous sommes peut-être réformés de nom, mais arminiens en pratique ».
Dr. Martin Lloyd Jones était théologiquement convaincu et en même temps incroyablement respectueux et aimant. Ceux qui veulent en savoir plus sur ses positions se régaleront dans cette biographie. Il ne se considérait par exemple ni cessationniste, ni pentecôtiste. Loin de vouloir gagner les lecteurs à ses conclusions, son petit-fils invite les passionnés, comme Lloyd Jones : « Vous n’avez pas besoin d’atteindre ses conclusions, mais vous devriez utiliser ses méthodes ».
Dr. Martin Lloyd Jones n’était pas qu’un modèle de pasteur, de méthodologie et de prédication, il était aussi un modèle de vie chrétienne et de mari. La biographie décrit un homme profondément amoureux et respectueux de son épouse Bethan. Il a d’abord attendu pendant plusieurs années que ses sentiments pour elle soient réciproques. C’est pourquoi, par la suite, il refusait systématiquement les invitations auxquelles sa femme n’était pas, elle aussi, invitée.
De son côté, Bethan avait pour objectif principal de le maintenir en chaire. Elle se passionnait pour son rôle d’aide. Sans mettre de mot précis sur cette vision du couple, on ressent un encouragement magnifique à embrasser le bonheur qu’il y a à respecter le rôle que le Seigneur a assigné à l’un et à l’autre dans le couple.
Contrairement à beaucoup d’accros du travail, Lloyd Jones croyait fermement qu’on ne pouvait pas prétexter d’être trop occupé pour outrepasser nos devoirs familiaux.
À propos de l’évangélisation, le docteur était prudent en ce qui concerne les « nouvelles méthodes d’évangélisation » promues par Charles Finney. Il remettait judicieusement en cause l'accent mis sur la "décision" en matière de foi et sur l'acte physique qui l'accompagne. Il croyait plutôt à une action puissante de l’Esprit de Dieu. Pour se faire une idée plus claire, il n’aurait certainement pas été d’accord avec les méthodes de Billy Graham. Mais ça, c’est un sujet qui mérite un autre article.
Lloyd Jones se considérait comme un « calviniste biblique », en opposition à un « system calvinist »; précision qui a son importance puisqu’elle montre que, guidé par son principe de vie (sola scriptura), il avait épousé les doctrines de la grâce.
Et c’est sur ce point, personnellement, que je trouve le livre intéressant: en abordant ce sujet des doctrines de la grâce, le livre pousse vraiment les lecteurs à grandir dans la connaissance et la compréhension de l’Évangile. À mon sens, il s’adresse à des chrétiens expérimentés et régalera ceux qui sont allergiques au mot « calvinisme ».
Passionné par les réveils et l’histoire de l’Église, il lisait et étudiait aussi beaucoup de biographies. Ce qui a contribué à faire de lui l’homme qu’il a été. Raison de plus pour nous de lire son histoire et d’autres…
« Dieu est en train de lever une génération de prédicateurs qui visent la prédication fidèle de sa Parole dans une perspective réformée, qui sont passionnés par l’évangélisation, qui parlent justification et sanctification, qui désirent implanter des Églises dans des milieux difficiles. Ils cherchent et ont besoin de modèles, non pas qu’ils voudraient devenir de simples clones irréfléchis, mais parce que la Bible elle-même nous interpelle sur l’apprentissage par imitation.
L’un des modèles les plus importants du XXe siècle fut Martyn Lloyd-Jones. Il nous a quittés en 1981, assez récemment pour qu’une nouvelle génération de jeunes prédicateurs ne le connaisse même pas. Puisse cette brève biographie personnelle de Lloyd-Jones, écrite par un de ses petits-fils, redonner goût à l’étude, l’écoute ou la lecture de ses sermons, et augmenter ainsi le cercle de ceux que nous devrions imiter dans leur fidélité à l’Évangile » (Donald .A. Carson)
Le net regorge de ressources pour aller plus loin. En voici quelques unes pour continuer la découverte de Martin Lloyd Jones :
[1] Une Église Centrée sur l’Évangile, p.104-108
[2] Ibid, p.5