Dans l'étude de tout sujet qui concerne Dieu, nous pouvons être coupables de ces deux erreurs. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'élection.
Dans son introduction à la doctrine de l'élection, Calvin met en garde contre deux mauvaises attitudes concernant l'étude de ce sujet. La première attitude est celle qui cherche à sonder ce que Dieu n'a pas révélé. La deuxième attitude est celle qui ne sonde pas ce que Dieu a révélé.
En premier lieu, Calvin met en garde contre la curiosité des hommes qui rend la doctrine de la prédestination "encore plus obscure". En étudiant ce sujet, nous entrons dans le "sanctuaire de la sagesse divine". Calvin met donc en garde:
Si quelqu'un y pénètre et s'avance avec une confiance insouciante, il n'arrivera jamais à satisfaire sa curiosité et il entrera dans un labyrinthe dont il ne trouvera pas l'issue. Il n'est pas légitime, en effet, que les choses que Dieu a voulu cacher et dont il s'est réservé la connaissance soient ainsi décortiquées par les êtres humains et que la profondeur de sa sagesse — qu'il a voulu être plutôt adorée par nous que comprise, afin de se rendre admirable en elle — soit soumise à la compréhension humaine pour qu'elle soit sondée jusque dans son éternité.
Nous retrouvons ici la modestie théologique qui anime Calvin à bien des reprises. Il y a une distinction entre les choses secrètes, que Dieu n'a pas choisi de révéler, et les choses que Dieu a choisi de révéler aux hommes dans sa Parole (cf. Dt 29.29). Notre but est de sonder les choses révélées, et pas les choses cachées, car elles appartiennent à l'Éternel.
Cette distinction est particulièrement importante en ce qui concerne la doctrine de l'élection. Nous devons avancer dans les limites que l'Écriture donne, étant prêts à affirmer notre ignorance quand ces limites sont atteintes. Calvin l'exprime ainsi:
Désirer une autre connaissance de la prédestination que celle qui nous est donnée par la Parole de Dieu est aussi insensé que la folie de quelqu'un qui voudrait cheminer sur des rochers inaccessibles ou voir dans les ténèbres. N'ayons pas honte d'ignorer quelque chose à ce sujet, car il y a des ignorances plus savantes que le savoir.
L'ignorance n'est pas mauvaise quand il s'agit d'un domaine qui nous dépasse et qui fait partie du conseil secret de Dieu. En étudiant ce sujet, avançons donc en tâtonnant à la lumière que l'Écriture donne, résolus à ne pas nous en écarter. Dire "je ne sais pas" est parfois une confession théologique profonde…
Calvin continue en mettant en avant une deuxième erreur dans l'étude de cette doctrine: celle de la négligence. C'est l'autre extrême, et peut-être une sur-réaction au danger de la curiosité. Parce que le sujet nous dépasse, nous refusons de nous y intéresser, par crainte que cela soit dangereux pour nous.
Cette attitude est tout aussi mauvaise, car il n'est pas bon de se priver de quelque chose que Dieu a révélé. La doctrine de l'élection fait partie de l'Écriture, de ce que Dieu a voulu faire connaître sur lui-même: ce n'est pas une chose sage d'interdire aux croyants de s'y intéresser. Cela reviendrait à priver les croyants "du bien que Dieu leur a communiqué, ou de vouloir accuser le Saint-Esprit, comme s'il avait publié des choses qu'il aurait été bon de censurer" (p. 857). Si Dieu a révélé quelque chose dans sa Parole, c'est pour notre bien: ce n'est pas sage de s'en priver.
Quelle est donc la solution? Voici comment Calvin l'exprime:
Pour trouver un bon équilibre, il faut revenir à la Parole de Dieu, où se trouve ce qui est nécessaire pour éclairer notre compréhension. L'Écriture est l'école du Saint-Esprit, dans laquelle il n'y a rien d'omis qui soit salutaire et utile à connaître, de même qu'il n'y a rien d'enseigné qu'il ne soit pas expédient de savoir.
Nous avons ici un magnifique résumé de la suffisance de l'Écriture. Dans la Bible, Dieu nous a donné tout ce dont nous avons besoin. Il n'a rien laissé de côté qui nous soit nécessaire, et il n'a rien révélé qui ne serve au bien de notre âme. Avançons donc dans l'étude de Dieu, guidés par sa Parole.