Est-ce biblique de parler de croissance numérique d'Églises?

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Un ami pasteur est dépité. Il vient d’être limogé comme un malpropre. Le motif? Il n’est pas assez rentable. En trois ans, il n’a pas réussi à faire décoller son Église. Il n’a pas atteint les objectifs de sa mission: la croissance numérique de l’Église. Ce n’est pas une blague. C’est ce qui est réellement arrivé à ce collègue.

Il y a quelques années, en France, des missionnaires anglo-saxons ont été rapatriés plus tôt que prévu parce que leur ministère ne portait pas assez de fruits. La mission leur réclamait une liste avec le nombre de baptêmes effectués, des sortes de « quota ». Vous ne rêvez pas, il s’agit bien de missions évangéliques. Je suis horrifié devant cette considération du ministère. J’y suis d’autant plus sensible dans un contexte francophone où l’on galère pour voir les fruits de notre investissement.

Néanmoins, si l’expression de ce souci de croître numériquement peut être maladroit, il y a néanmoins une réalité biblique derrière.

Bien sûr, le Seigneur désire avant tout notre croissance spirituelle. Il veut que nous portions des fruits spirituels (Jn 12.24; Ro 6.22; Gal 5.22). Il n’y a aucun doute là-dessus.

Attention toutefois de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La croissance numérique de l’Église n’est-elle pas une préoccupation des apôtres? Le but de l’évangélisation n’était-il pas de gagner le plus grand nombre?

Dans l’Évangile de Luc, au chapitre 15, nous trouvons trois paraboles qui soulignent la joie du Seigneur lorsque des hommes perdus se tournent vers lui. Les anges dans le ciel font la fête lorsqu’un seul homme se détourne de son péché pour suivre Jésus (Lc 15.10). Imaginez les liesses célestes lorsque des milliers d’hommes viennent à lui…

Lorsque Paul évoque son ministère d’évangéliste en 1 Co 9.19, il évoque la croissance numérique. Il s’est fait serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre. La locution prépositionnelle « afin de » marque l’intention, le but qui est de gagner le plus grand nombre.

De même, dans sa lettre adressée aux chrétiens de Rome, Paul s’exprime par des termes très forts lorsqu’il songe au salut de ses compatriotes juifs:

Oui, je demanderais à Dieu d’être maudit et séparé du Christ pour le bien de mes frères, nés du même peuple que moi.

Romains 9.3

Il préfère être « damné » personnellement afin de permettre à ses frères de sang d’entrer dans le Royaume de Dieu. Une fois encore il désire qu’un maximum soit sauvé.

Lorsqu’il s’adresse à son disciple Timothée, Paul déclare l’intention suprême de Dieu à l’égard des non-croyants:

Cela est bon et agréable devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.

1 Timothée 2.3-4

Enfin, l’apôtre Pierre montre que la patience du Seigneur est le reflet de son désir ardent qui est de ne pas voir un seul homme périr:

Le Seigneur n’est pas en retard dans l’accomplissement de sa promesse, comme certains se l’imaginent, il fait simplement preuve de patience à votre égard, car il ne veut pas qu’un seul périsse. Il voudrait, au contraire, que tous parviennent à se convertir.

2 Pierre 3.9

Tous ces textes expriment le désir profond de Dieu et n’éludent pas la croissance numérique. Dieu aime profondément tous les humains et désire tous les voir entrer dans son Royaume. Il est mort pour cela. Par conséquent, désirer que le plus grand nombre d’humains se convertissent est une bonne chose. C’est le désir de Dieu et cela devrait aussi être le nôtre.

Dans un article sur la croissance de l’Église, Jacques Buchhold fait une analyse pertinente à ce sujet:

Les Actes des Apôtres reprennent cet enseignement et soulignent son accomplissement. En fait, le thème de la propagation de la Parole et de la croissance de l’Église y revient tel un refrain: Ac 2.47; 4.4; 5.42; 6.1, 17; 9.31; 11.21, 24; 12.24; 16.5; 19.10, 20. Luc ponctue son livre par l’expression significative: « La Parole croissait (auxanô) », c’est-à-dire « se répandait » (Ac 6.7; 12.24; 19.20). Il utilise aussi le verbe plènthunô, « augmenter, se multiplier »: « L’Église augmentait par l’assistance de l’Esprit » (Ac 9.31), « la Parole se multipliait » (Ac 12.24), « les disciples augmentaient » (Ac 6.1). Et Luc ne craint pas de noter que le nombre des croyants progressait (arithmos, Ac 4.4; 11.21; 16.5), donnant parfois une estimation chiffrée: « environ 3000 » (Ac 2.41), « environ 5000 » (Ac 4.4), « tu vois, frère, combien de dizaines de milliers de Juifs ont cru » (Ac 21.20).

Il conclut ainsi son article:

Ce n’est pas faire preuve d’un déficit de spiritualité que de se soucier de la croissance numérique de l’Église ou de s’interroger sur sa stagnation ou sa régression numérique.[1]

Pourquoi une Église qui grandit paraîtrait moins spirituelle qu’une Église qui décroit? Personnellement, je suis plus inquiet lorsque des gens quittent notre Église que lorsque nous en accueillons de nouveaux. La décroissance n’est pas une vertu. N’ayons donc pas peur de parler de multiplication. Si la Bible le mentionne si souvent, c’est notre devoir de l’enseigner. Certes, parlons-en avec mesure pour ne pas tomber dans les ornières que nous avons soulignées, et laissons le Seigneur ajouter de nouvelles personnes à son Église.

Ils louaient Dieu et obtenaient la faveur de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient sauvés.

Actes 2.47


[1] Jacques Buchhold, La croissance de l’Église selon le NT, Fac Réflexion N°45 

Franck Segonne

Franck SEGONNE a étudié à l’Institut Biblique de Genève. Il a été pasteur d’une Église évangélique (EPEDE) pendant 20 ans. Il dirige un café collaboratif qu’il a créé en 2009. Avec Sandrine son épouse, ils ont 3 enfants.

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