CHARLIE HEBDO: comment le chrétien peut détruire son témoignage sur Facebook

ÉvangélisationTechnologie et médias

Difficile de réagir de façon chrétienne à l’actualité. Le massacre du 7 janvier à Charlie Hebdo est clairement une telle situation. On veut tous réagir, mais comment? Je constate qu’il faut peu pour faire beaucoup de dégâts à son témoignage chrétien sur Facebook. Parlons-en donc.

Si vous n’êtes pas chrétien, vous avez certainement été choqués par des statuts et des articles postés par des amis qui se disent chrétiens. Par contre, si vous êtes chrétien, les débats sur Facebook témoignent qu’on n’est pas tous d’accord comment réagir à l’actualité. Mon but dans cet article est d’appeler à faire moins d’erreurs dans notre témoignage chrétien sur la toile en comprenant mieux la situation. On terminera l’article en se demandant: « Le chrétien peut-il dire #jesuischarlie? »

Un 11 septembre français

Prendre le pouls de la nation est facile. Deux minutes sur les réseaux sociaux et 2-3 journaux suffisent pour comprendre qu’on ne parle de rien d’autre. Des veillées s’organisent. Des centaines de milliers de personnes sont dans la rue. Le massacre de Charlie Hebdo est perçu comme un 11 septembre français. Quelques caricatures en hommage aux victimes confirment ce ressenti:

charlie-hebdo-geluck

Philippe Geluck

charlie-hebdo-tours

Ruben L. Oppenheimer

Que le massacre de Charlie Hebdo soit vécu comme un 11 septembre à la française va avoir des conséquences sur comment le chrétien réagit à l’événement. On ne parle pas de la mort de la même façon si on discute de façon abstraite avec un ami, ou si on est avec lui devant le cercueil de son fils.

Réfléchir avant de réagir

Dans ce contexte, le chrétien doit donc être extrêmement sage et attentif. Les émotions sont à vif. Les tensions sont fortes. La moindre parole de travers peut déraper.

Face au massacre le chrétien est comme tous les autres français: il veut s’exprimer. Il veut réagir. Et il le fait. Mais il y a des réactions maladroites. Des commentaires navrants, qui auraient pu être évités si le chrétien avait réfléchi à trois choses avant de réagir.

  1. Le massacre de Charlie est vécu comme une tragédie nationale. Les élèves de toute la France ont observé une minute de silence. Des milliers de français ont quitté leur poste de télé, pour braver le froid et battre du pavé. Trois jours de deuil national sont prononcés.

    Dans ce contexte, toute parole qui semble relativiser l’événement sera perçu comme de l’anti-patriotisme.

  2. Le massacre est vécu comme une attaque contre une de nos valeurs fondamentales: la liberté d’expression.

    Remettre en question la portée et la gravité de l’événement nous rangerait dans la même catégorie que les islamistes et autres ennemis des libertés fondamentales.

  3. Notre réaction doit prendre en compte la plateforme sur laquelle on réagit. Un changement de photo de profil ou un statut Facebook est un moyen de communication ultra-inefficace: 99% des personnes qui voient quelque chose qui leur déplait sur le profile d’un chrétien, ne diront rien, mais n’en penseront pas moins. Ils ne seront que confortés dans leurs clichés sur les disciples de Jésus.

    Pour les sujets chauds, privilégions les vraies conversations en face à face. C’est la meilleure forme de communication. On peut prendre le temps qui faut, on perçoit quand on a été compris ou pas et on a l’occasion de clarifier ses convictions.

    Note: pour aller plus loin, cf. 3 questions à se poser avant de poster un commentaire.

Le chrétien peut-il dire #jesuischarlie?

Beaucoup de chrétiens se posent la question. D’ailleurs, on a vu sur Facebook des #jenesuispascharlie et des #jesuisjesus apparaître très rapidement, preuve que certains sont gênés de s’identifier avec le journal.

Mais réalisons que sur les réseaux cette semaine, soit #jesuischarlie, soit je me tais. Voici pourquoi:

Les émotions des français sont trop vives pour être autre chose que #jesuischarlie. Résistons aux tentations qui guettent le chrétien. La tentation d’instrumentaliser “pour l’Évangile” le drame de Charlie Hebdo est réelle. Mais ce n’est pas le temps de parler de la lignée éditoriale de Charlie Hebdo, d’ouvrir le débat sur l’Islam ou de parler de l’Église persécutée dans le monde.

Le chrétien peut dire #jesuischarlie sans état d’âme.

Quand je dis “#jesuischarlie”, je ne suis pas en train de dire que je suis d’accord avec tout ce que croyait Charlie Hebdo, mais je dis qu’ils avaient le droit de le dire (lisez cet article de Al Mohler pour une perspective chrétienne sur le blasphème). Dire #jesuischarlie, c’est dire que ça aurait très bien pu être moi qui me faisais tuer. Certes pour d’autres raisons, mais l’histoire montre (et l’année dernière n’est pas une exception), que les gens n’ont jamais été à court d’imagination pour trouver des raisons de tuer les chrétiens. Que le hashtag #jesuischrétien n’existe pas, c’est donc hors sujet.

Le chrétien n’hésite pas à défendre le droit pour les autres de s’exprimer et de croire ce qu’ils veulent. Si le chrétien n’est pas prêt à dire #jesuischarlie, je crains qu’on se retrouve un jour en train d’écrire un poème comme celui de Niemöller:

Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes,

je n’ai rien dit,

je n’étais pas communiste.


Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates,

je n’ai rien dit,

je n’étais pas social-démocrate.


Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes,

je n’ai rien dit,

je n’étais pas syndicaliste.


Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs,

je n’ai rien dit,

je n’étais pas juif.


Lorsqu’ils sont venus me chercher,

il ne restait plus personnepour protester.


Martin Niemöller

Conclusion

Face à la tragédie, n’oublions pas comment nos amis vivent l’événement. L’heure n’est pas à la récupération de la situation « pour témoigner. » Cette semaine, “nous voulons pleurer avec ceux qui pleurent”, comme l’a dit Matthieu hier. Cette semaine, soyons pleinement humains. Soutenons nos amis, nos proches, dans leur deuil. Roland Frauli l’a très bien dit:

Les plus humains des humains devraient être les chrétiens.

Vivons-le. Aujourd’hui. Même sur Facebook.

Ndlr: les deux premières phrases de la conclusion ont été ajoutées le 9/01 à 23h30.

Màj du 11 janvier à 18:02: suite à un bug non identifié, les commentaires sur cet article sont cassés. Désolé à ceux qui attendaient des réponses. Si vous souhaitez encore réagir, faites-le sur notre page Facebook.

Stéphane Kapitaniuk

Pécheur et disciple sauvé par la mort de Jésus à ma place. Mari de Hanna, papa de Noah (8 ans), Théa (3 ans), Marie (1 an). Pasteur de formation et directeur général de BLF Éditions depuis 2021. J’aime bien lancer de nouvelles initiatives. Découvrez BLFKids.com, un projet spécial parents, ainsi que BLFAudio.com, la première librairie chrétienne de livres audio. Avec Hanna, nous avons aussi fondé ChezCarpus.com, la première librairie chrétienne de livres d’occasion. Je propose également plusieurs formations créées pour le logiciel biblique Logos.

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