Nous arrivions tôt à l’église ce dimanche glacial de février. Pasteur Nick nous a accueillis en souriant, tout en pelletant de la neige sur le trottoir pour protéger ses brebis des chutes. Bien qu’il soit le pasteur d’une des grandes Églises évangéliques francophones du Québec, il demeure un humble serviteur, qui dirige son troupeau en donnant l’exemple. « Tout pasteur devrait savoir où est le plongeur des toilettes. » C’est certainement le cas de Nick Cotnoir.
La triste histoire de James MacDonald est un grand contraste, celle d’un célèbre pasteur dont la renommée, la richesse et le pouvoir l’ont mené à la chute. Il était auparavant membre du conseil de la Gospel Coalition et fondateur et pasteur principal de Harvest Bible Fellowship (HBF), une famille d’Églises qui a connu une croissance phénoménale dans les années 1990 et 2000. Loin d’adhérer à l’Évangile de la Prospérité, HBF était bien ancrée dans le camp réformé. MacDonald prenait la parole lors de conférences nationales, dont l’une qui se tenait chaque année à ma faculté de théologie, où je l’ai entendu prêcher. Pendant des années, j’ai été bénie par son ministère radiophonique « Walk in the Word » et je me souviens toujours de certaines des leçons qu’il m’y a enseignées.
Pourtant, derrière son puissant ministère d’enseignement public se cache une histoire d’avidité et de soif de pouvoir. Son salaire était tellement secret que, selon trois de ses anciens, MacDonald a déclaré en 2013 qu’il préférerait « perdre 1000 moutons » que d’en révéler le montant. Le 12 février 2019, HBF a congédié MacDonald. C’est à ce moment que fut révélé que son Église lui avait versé, en 2018, un salaire annuel de 960 000 $, ainsi que des fonds discrétionnaires entre 800 000 $ et 1,2 M$.[i] En outre, bien que quelques hommes détenaient le titre d’ancien, il semble que ceux-ci permettaient plutôt à leur pasteur d’exercer une autorité absolue. Plutôt que de protéger MacDonald de lui-même et du danger qui vient avec le succès et le pouvoir, ils auraient nourri ses inclinations humaines et charnelles, lui permettant de gouverner son Église avec peu de redevabilité, et aux frais des membres. Sa défaite est un exemple de l’adage: « Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. »
Ce genre de vedettariat est rare dans les petites Églises très répandues dans le monde francophone. Et pourtant, l’ascension et la chute de James MacDonald offre une leçon à tous les croyants, et surtout aux pasteurs, quelle que soit la taille de leurs assemblées.
Il est vrai que la plupart de nos Églises ne seront jamais en mesure d’offrir à leurs bergers l’accès aux importantes sommes d’argent que la HBC versait en toute liberté à MacDonald. Pourtant, même une petite assemblée dans une région rurale peut faire de son pasteur un dictateur et un demi-dieu si elle ne respecte pas les balises de la définition biblique d’ancien pour garder son pouvoir sous contrôle. Les hommes et les femmes qui servent dans le leadership de l’Église ont la responsabilité d’aider un pasteur à voir ses angles morts et de le diriger vers Christ et l’espérance de l’Évangile, tout comme il doit le faire pour eux.
Je ne considère pas la fin tragique de James MacDonald comme une occasion de condamner un homme pour ses mauvais choix. C’est à Christ qu’il répond, pas à moi. Je la considère plutôt comme un rappel qui fait réfléchir. « Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber! » (1 Co10:12). De crainte que je ne me glorifie de ma propre position devant Dieu, je me répète à moi-même et à nos lecteurs que « C’est moi qui serais là, n’était-ce la grâce de Dieu. »
Puissions-nous, enfin, nous rappeler à quel point nos pasteurs et nos dirigeants spirituels ont besoin de nos prières, de notre soutien et de notre encouragement. Ils ont des pieds d’argile, tout comme nous. Puissions-nous nous efforcer d’en faire non pas des héros sur des piédestaux, qui ne manqueront pas de tomber, mais plutôt des co-pèlerins sur ce chemin vers la cité céleste.
[i] Julie Roy, http://www.julieroys.com/james-macdonald-took-millions-harvest-now-demands-broadcast-ministry