Parole, prière et personnes: voilà les trois priorités du ministère pastoral d'après la Bible.
En milieu protestant évangélique, chacun se fait sa propre idée du rôle du pasteur: il peut s’agir d’abord et avant tout d’un leader, d’un prédicateur-enseignant, d’un formateur, d’un coach, d’un conseiller, d’un thérapeute, d’un berger, d’un père spirituel, d’un coordinateur, d’un animateur, d’un rassembleur, d’un organisateur, d’un évangéliste, d’un administrateur, et ainsi de suite.
De fait, vu la grande diversité de dons spirituels et de talents naturels que l’on retrouve parmi les pasteurs, le ministère pastoral revêt un caractère unique chez chaque individu qui en assume la charge. Cette grande diversité n’est pas mauvaise en soi; au contraire, elle enrichit l’Église du Seigneur.
Cependant, le large éventail de « tâches principales » régulièrement accomplies par les pasteurs peut donner aux chrétiens l’illusion trompeuse que chaque pasteur est totalement libre de définir les cadres de son ministère à sa guise, qu’il peut, pour ainsi dire, utiliser son temps comme il l’entend et jouer le rôle qu’il veut bien jouer.
Pourtant, l’Écriture elle-même dicte des priorités pastorales universelles. Quelles sont ces priorités?
L’une des meilleures synthèses que j’ai entendues (de diverses sources) en réponse à cette question se résume commodément par trois mots qui commencent par la lettre « p ».
En Actes 6.1-7, on apprend l’existence et l’origine d’une tension au sein de l’Église de Jérusalem. En effet, « les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient négligées lors des distributions quotidiennes » (verset 1). En réponse à cet incident, les douze apôtres convoquent la multitude et déclarent:
Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables.
Actes 6.2
Les apôtres font alors une proposition:
Choisissez parmi vous sept hommes de qui l’on rende un bon témoignage, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de ce travail. Quant à nous, nous continuerons à nous consacrer à la prière et au ministère de la parole.
Actes 6.3-4
Les deux premières priorités du ministère des apôtres apparaissent: la prière et le ministère de la Parole. Les deux vont d’ailleurs de pair.
De toute évidence, les apôtres n’ont aucune intention de dénigrer le service aux tables. Au contraire, ce ministère est d’une grande importance à leurs yeux et il nécessite des volontaires hautement qualifiés. Néanmoins, les apôtres ne sont pas prêts à délaisser leurs responsabilités prioritaires pour s’acquitter de ce service pratique. Au contraire, ils choisissent résolument de se consacrer à la prière et au ministère de la Parole. Les résultats sont impressionnants:
La parole de Dieu se propageait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem et une grande foule de prêtres obéissaient à la foi.
Actes 6.7
Reconnaissons que ce texte concerne premièrement les douze apôtres, et non pas les pasteurs d’aujourd’hui. Mais ce passage ne met-il pas en avant des priorités (la prière et le ministère de la Parole) qui doivent être adoptées également par les conducteurs spirituels établis dans l’Église après l’ère apostolique, c’est-à-dire par les pasteurs en général (aussi appelés « anciens » et « épiscopes/évêques » dans le Nouveau Testament)?
D’autres textes du Nouveau Testament indiquent que les priorités apostoliques susmentionnées ne se limitent pas au cercle des apôtres. Dans l’Église primitive, elles deviennent des priorités pastorales universelles. Sur la primauté du ministère de la Parole (qui se doit d’être accompagné par la prière), on relira avec profit des textes comme Éphésiens 4.11, 1 Timothée 3.2, 2 Timothée 4.1-2 et Tite 1.9.
Un troisième « p » doit pourtant être évoqué. En effet, sans ce complément indispensable, des pasteurs bien intentionnés, mais quelque peu détachés de la réalité, pourraient facilement « se cacher derrière » les deux premiers « p » et négliger une grande partie de leur vocation. Les pasteurs raffolant de l’étude de la Bible se retrouveraient alors dans une tour d’ivoire (c’est-à-dire enfermés dans leur bureau); ceux qui sont particulièrement enclins à consacrer de longues heures à la prière trouveraient refuge, pour leur part, dans quelque monastère (concrètement: dans la nature, dans leur bureau ou ailleurs).
Le ministère pastoral gravite non seulement autour de la prière et de la Parole; il concerne directement les personnes. Ce troisième « p » est d’une nature quelque peu différente des deux premiers: il trace les contours de la vie de prière et du ministère de la Parole du pasteur. Il fournit le contexte dans lequel se vivent les deux premières priorités – un contexte profondément relationnel.
Les pasteurs prient pour les personnes qu’ils servent, en particulier pour leur croissance spirituelle. En fait, leurs prières se situent dans l’axe des grandes doctrines qui découlent de l’Évangile. Prière, Parole et personnes sont ici réunies dans une vie de prière qui prend pour modèle celle de l’apôtre Paul. Le livre La prière renouvelée nous oriente dans la bonne direction sur ce point.
Quant au ministère de la Parole, on ne peut le dissocier d’un attachement aux personnes et d’un amour inlassable envers elles. D’après Éphésiens 4.11, le ministère d’enseignant et celui de berger sont étroitement associés; d’après 1 Timothée 5.17, les anciens qui « travaillent à la prédication et à l’enseignement » font partie de ceux qui « dirigent bien » l’Église; d’après 2 Timothée 4.1-2, « prêcher la parole » implique d’insister en toute occasion, de réfuter, de reprendre, d’encourager et d’être patient; d’après Tite 1.9, les anciens doivent être capables « à la fois d’enseigner les autres par la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs ». Ainsi, tout ministère de la Parole digne de ce nom est un ministère relationnel. Il ne se limite pas aux prédications hebdomadaires; il imprègne également les diverses rencontres avec les membres de l’Église.
Innombrables sont les occasions, au cours d’une semaine pastorale typique, de « semer des graines » de vérité biblique dans l’esprit des gens et de prier pour eux et avec eux pour des besoins précis.
Prière – Parole – personnes. Voilà les priorités pastorales bibliques. Pasteurs, ces trois « p » sont-ils au cœur de votre ministère? Vous qui aspirez à devenir un jour pasteur, êtes-vous attiré par une vie qui met au premier plan l’intercession, la méditation de l’Écriture et l’amour du prochain? Membres d’Églises, attendez-vous de votre pasteur qu’il se consacre à ces priorités bibliques, et l’encouragez-vous à le faire?
Sur un thème semblable, j’ai écrit “Que demander en priorité à Dieu pour nos pasteurs et anciens?”
J’avais publié ce billet le 30 octobre 2018. Je l’ai republié pour de nouveaux lecteurs le 15 novembre 2021.