Dans nos Églises francophones, il est courant de distinguer entre les anciens et le pasteur: ils ont différents dons et différents rôles. Et si la différence n'était pas si nette que ça dans la Bible?
Dans cet article, j’aimerais montrer pourquoi, bibliquement, les anciens sont des pasteurs, et les pasteurs sont des anciens. Nous verrons également en quoi comprendre cela aura un impact bénéfique pour la vie de nos Églises locales.
Le Nouveau Testament utilise différents mots pour parler des responsables de l’Église. Il y en a principalement trois:
Ce qui est intéressant, c’est que lorsque l’on s’intéresse à l’utilisation de ces mots, on remarque qu’ils sont utilisés de manière interchangeable pour parler du même rôle.
On voit cela, par exemple, dans Actes 20. Il nous est dit que Paul envoie « chercher à Éphèse les anciens de l’Église » (v.17). Ensuite, lorsque Paul s’adresse à ces anciens, voici ce qu’il leur dit:
Prenez donc garde à vous-mêmes et à tout le troupeau au sein duquel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour faire paître l’Église de Dieu qu’il s’est acquise par son propre sang. – Ac 20.28
Les trois concepts se retrouvent dans ce passage, liés aux mêmes personnes: les anciens ont été établis évêques (ou responsables) sur le troupeau qu’est l’Église locale, et ils sont appelés à faire paître ce troupeau (c’est le sens du mot « pasteur », ou « berger »). Il s’agit donc bien du même rôle.
Voilà pourquoi nous pouvons dire, Bible en main, qu’un pasteur est un ancien, et un ancien est un pasteur.
(C’est d’ailleurs pour cela que nous ne trouvons pas dans le Nouveau Testament deux listes différentes qui parlent des conditions pour être ancien et des conditions pour être pasteur. Il y a essentiellement deux listes, l’une en 1 Timothée 3 et l’autre en Tite 1, mais qui parlent des conditions pour le même rôle: celui d’ancien, ou de pasteur.)
Il est vrai qu’il y a une différence à relever. La Bible donne une place à certains anciens pour être rémunérés pour leur travail en tant qu’ancien. Voici par exemple ce que Paul dit à Timothée:
« Que les anciens qui président bien, soient jugés dignes d’un double honneur, surtout ceux qui prennent de la peine à la prédication et à l’enseignement. Car l’Écriture dit: Tu n’emmuselleras pas le bœuf qui foule le grain, et: L’ouvrier mérite son salaire. » (1 Tm 5.17-18)
Le double honneur, ici, fait référence à un avantage financier (cf. le lien avec le v.18). Comme Paul le dit ailleurs, il est normal pour « ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile » (1 Co 9.14). Il est donc normal pour une Église de payer l’un des anciens (ou plusieurs) afin qu’ils puissent consacrer plus de temps à leur tâche d’ancien, et notamment à l’enseignement.
Ce sont de telles personnes que, dans le langage d’aujourd’hui, nous appelons généralement « pasteurs ». Cette appellation n’est pas mauvaise, pourvu que l’on garde en tête que ces pasteurs sont des anciens, au même titre que les autres, et que les autres anciens ont également un rôle pastoral.
Réaliser qu’anciens et pasteurs partagent le même rôle me semble avoir plusieurs implications importantes pour nos Églises locales. J’en mentionne trois.
Il est facile de penser que les anciens sont là simplement pour soutenir de manière pratique le pasteur, qui lui est « à plein temps ». Le pasteur est chargé de tout ce qui est spirituel et enseignement, et les anciens aident la logistique pour que cela ait lieu. Cependant, lorsque nous réalisons que les anciens sont des pasteurs, alors nous comprenons que l’aspect pastoral est un élément essentiel du rôle d’un ancien – c’est même ce qui définit ce rôle. Un ancien est un berger, qui est appelé à prendre soin du troupeau et à le nourrir. Jeramie Rinne, dans son livre Les anciens, écrit:
Néanmoins, le seul fait qu’un pasteur rémunéré ait plus de disponibilité, d’études ou de dons n’implique pas, logiquement ou bibliquement, qu’un ancien non rémunéré est un pasteur de second rang. Les pompiers volontaires luttent contre les mêmes flammes que les pompiers rémunérés, tout comme les anciens non rémunérés affrontent les mêmes défis que les pasteurs qui sont employés par l’Église. – p.47-48
Si nous distinguons le rôle d’ancien de celui de pasteur, alors nous courons le danger de réduire les conditions bibliques pour servir dans ce rôle. On peut penser, par exemple, que quelqu’un qui a du succès dans le monde du travail et qui a un bon sens de l’organisation ferait un parfait ancien. Alors que pour être pasteur, il faut avoir un caractère qui honore Dieu, de bonnes convictions théologiques, et une capacité d’enseignement. Cependant, cette distinction ne tient pas la route. Les qualifications pour être ancien ne sont pas substantiellement différentes de celles pour être pasteur. Elles nous sont décrites clairement dans la Bible dans des passages comme 1 Timothée 3 et Tite 1.
Je ne suis pas en train de dire que tous les anciens devraient avoir fait des études théologiques poussées pour servir en tant qu’ancien. Il est normal de demander plus dans les connaissances théologiques et la capacité d’enseignement à celui que l’on va payer pour accomplir cette tâche. Cependant, l’essentiel est de réaliser qu’être ancien est un rôle profondément spirituel qui demande des capacités spirituelles.
Si les anciens sont des pasteurs et que les pasteurs sont des anciens, alors il n’y a pas de hiérarchie dans la direction spirituelle de l’assemblée: tous les anciens sont au même niveau, qu’ils soient rémunérés par l’Église ou pas. Il est vrai que l’ancien qui prêchera le plus régulièrement aura naturellement plus « d’autorité visible » devant l’assemblée, car l’enseignement du haut de la chaire est ce qui définit la direction spirituelle de l’assemblée.
Mais en ce qui concerne les décisions de la vie de l’Église et le fait de prendre soin du troupeau, les anciens sont au même niveau. Les membres de l’Église devraient donc se sentir libre d’aller voir l’un des anciens, et pas uniquement le pasteur principal, lorsqu’ils sont à la recherche d’un conseil, d’un encouragement, ou d’une relation d’aide. Cela fait partie de leur rôle et de leurs capacités. Bien entendu, ayant un emploi à temps plein à côté, ils n’auront pas la même disponibilité que l’ancien qui sera rémunéré par l’Église. L’engagement ne sera donc pas le même en termes de temps, mais il sera le même en termes de la nature de la fonction.
Une telle structure sera saine pour la vie de l’Église, car la bonne santé de l’Église ne reposera pas sur une seule personne – le « pasteur » – mais sur chacun des anciens, qui seront reçus comme des cadeaux de Dieu pour le bien de l’assemblée.
Pour aller plus loin sur le sujet, je vous recommande le petit livre Les anciens de Jeramie Rinne (180 pages en petit format, 11.90€). Il ne s’adresse pas qu’aux anciens, mais à chaque chrétien qui souhaite mieux comprendre ce que la Bible enseigne sur le sujet!