Torben - Retour aux Actes ou à l'Évangile?

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Vous êtes plusieurs à nous demander conseil à propos d’un « nouveau » mouvement qui fait parler de lui actuellement. Les chiffres ne sont pas faramineux, mais Torben Sondergaard et son projet de « dernière grande réforme » s’offrent une bonne promo avec la sortie du 1er de 3 volets « The Last Reformation« . Décryptage précoce.

Torben Sondergaard

Les bons côtés du phénomène Torben

Si on prend le phénomène dans sa globalité, il faut avouer que la volonté de prêcher l’Évangile, de se réformer, de multiplier les disciples, d’enseigner le peuple de Dieu et de mettre l’accent sur la mission est vraiment encourageant. L’utilisation des nouvelles technologies, le soin apporté à la communication et la création d’une vraie émulation sont aussi à saluer. Dans la forme, nous avons très certainement besoin de plus d’initiatives de ce genre.

De plus, d’un point de vue tout à fait subjectif, après avoir visionné plusieurs centaines de minutes de vidéos, un sentiment de sincérité et une certaine humilité se dégagent, ce qui explique la forme de ce billet.

Autre bénéfice, à mon sens, de cette discussion que nous ouvrons, c’est la possibilité d’apprendre à ne pas se fier à n’importe quel esprit (1Jn 4.1) et à nous habituer au fait que les « miracles » ne sont pas automatiquement signes d’authenticité, bien au contraire (Ex 7.11,22; 8.3; Mt 7.22,23; Ap 13.13,14).

Dans l’ensemble, vous comprendrez que je ne pense pas que The Last Reformation soit un énorme danger pour ceux qui s’y intéressent. Néanmoins, il sera dans doute à l’origine de grandes déceptions parce qu’il faut reconnaître qu’une partie du projet, basée sur une mauvaise lecture de la Bible, peut être contre-productive. Tirons sur ce petit bout de fil qui dépasse du beau tableau et voyons où ça nous mène.

Le souci de la contextualisation

Torben Sondergaard, converti depuis 1995, raconte lui-même qu’il est issu des Églises luthériennes danoises. Sans être spécialiste du protestantisme au Danemark, on comprend rapidement pourquoi il prend autant de distance avec les institutions et pourquoi il rêve d’une Église plus organique. Lui, comme ses collaborateurs, ont clairement une dent contre « l’Église ». L’initiative est peut-être louable dans leur propre contexte, mais il y a un problème quand le mouvement saute les frontières de leur expérience. Le voyage culturel Danemark-France ne fonctionne pas bien.

De plus, si on continue à tirer sur ce fil qui a d’abord la couleur d’un problème de contextualisation, on se rend compte qu’il se transforme rapidement en un gros problème d’interprétation biblique.

Balayez un peu trop rapidement de la main l’Église et son Histoire, et vous finirez par refaire les mêmes erreurs que dans le passé.

Le souci de l’herméneutique

En regardant de plus près, le projet de The Last Reformation n’est pas si innovant que ça, d’abord parce que la réforme, c’est le principe même de définition de nos Églises évangéliques. Nous connaissons ce principe sous la formule « Ecclesia Semper Reformanda »; l’Église se réforme constamment à la lumière de l’Écriture[1].

Mais aussi parce que sa vision du livre des Actes, sur lequel il insiste tellement, et sur laquelle tout le système semble basé, n’a rien de neuf non plus. Ce n’est en fait qu’une sorte de « restaurationisme »; une résurgence de ce que nous connaissons sous le nom de « Pentecôtisme ». Torben témoigne des débuts de son mouvement de la même manière que Charles Parham a donné naissance à l’herméneutique pentecôtiste au début du XXe siècle aux US.

Charles Parham, pasteur d’origine méthodiste, est enseignant dans l’école biblique de Topeka au Kansas à partir de 1901. Ce qui le caractérise est sa théologie sur le Saint-Esprit. Il affirme que les manifestations spectaculaires attribuées au Saint-Esprit dans le livre des Actes sont encore à vivre dans le présent. Son enseignement est attentivement suivi par un pasteur noir d’origine baptiste, William J. Seymour (1870-1922) qui écoute ses conférences derrière une porte entrebâillée.

(Article « Pentecotisme, charismatismes, néo-pentecotismes » in La Foi chrétienne et les défis du monde contemporain (XL6) p.491)

Voir The Last Reformation comme un simple pentecôtisme explique bien sa propension à promouvoir et rechercher des « miracles » ou des « guérisons » systématiques ainsi que la compréhension, tout autant différente de la nôtre, du « baptême de l’Esprit » et du don des langues. En insistant sur cette « deuxième expérience » qui séparerait naturellement les « vrais » des « autres » chrétiens (ceux qui seraient, au mieux, seulement sauvés) The Last Reformation ne propose pas un retour à la véritable Église, mais un simple retour au pentecôtisme que certains ne défendraient même plus de l’intérieur.

Ne faites pas les mêmes erreurs, c’est gratuit!

Nous croyons que l’herméneutique, l’interprétation de la Bible, est une des composantes essentielles du discipulat. Les chrétiens, pour mûrir dans la foi, doivent absolument apprendre à lire et comprendre la Bible correctement. C’est dans ce sens que le premier cours du Christ ressuscité n’était ni une formation à l’exorcisme, ni à la guérison, mais un cours d’herméneutique (Lc 24.25-27; 44-48). Ne ratez pas l’occasion que TPSG vous proposera dans les semaines à venir avec sa formation gratuite. Donnez-vous les moyens de comprendre le livre des Actes pour ne pas faire le même genre d’erreurs.

Un retour aux Actes?! Non merci. Un retour à l’Évangile? Ça OUI!

Le terme peut paraître fort, mais pas si exagéré: The Last Reformation est, pour le moment, une simple publicité mensongère. Si les leaders du mouvement ne continuent pas à marcher sur ce terrain présumé de l’humilité et de l’auto-réforme constante, le mouvement risque de se solder par une énième tentative de vivre dans un âge qui n’est pas encore le nôtre (1Co 4.8-14), tout simplement parce que Dieu lui-même en a décidé ainsi.

Le choix est devant Torben: continuer à développer et défendre son herméneutique et aller chercher les (vrais) malades où ils sont vraiment (hôpitaux, centres de dialyses et cimetières qui doivent aussi exister au Danemark) pour continuer à démontrer qu’il a raison; ou abandonner cet ajout maladroit et  retourner à l’Évangile.

Plus que d’être « kickstartés », ou de retourner à l’époque où l’Église était encore en recherche et en apprentissage (Ac 11.18), nous sommes convaincus que c’est d’un retour à l’Évangile dont nous avons tous besoin (Gal1.7). Ni un évangile religieux et moralisateur qui écraserait les hommes, ni un évangile anti-religieux et anthropocentique qui les élèverait au-dessus de ce qu’ils sont réellement. Mais l’Évangile de Jésus-Christ qui déclare les hommes à la fois pêcheurs et justifiés par la foi en son nom.

Ce billet, plus qu’une critique infondée, est un appel sincère et personnel adressé à Torben, une invitation à détricoter ce fil qui dépasse et sur lequel nous venons de tirer: Dieu lui-même nous a donné un canevas que nous devrions respecter pour construire son Royaume.

Partagez vos interrogations, vos doutes; si vous avez besoin de précisions, n’hésitez pas à en faire profiter les autre lecteurs en engageant la discussion dans l’encart ci-dessous.

PS. On est plusieurs à s’être sincèrement posés la question « est ce que ça vaut le coup de faire une pub gratuite au mouvement? ». S’il faut choisir entre créer un univers aseptisés ou équiper les personnes pour lire et vivre dans un univers qui ne le sera jamais, le choix est fait.

PPS. Affaire à suivre..?

PPS. L’article de Matthieu qui synthétise le sens de « porter du fruit » semble plus qu’opportun

[1]Merci à Timothée

Franck Godin

Disciple de Jésus, Franck le sert à l’Église Protestante Les Deux Rives, à Toulouse. Il est marié à Flavie, ils ont 5 enfants.

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Orateurs

R. Charrier