Ta houlette et ton bâton me rassurent (Psaumes 23.4)

HerméneutiquePsaumesMinistère pastoral

Il n’est pas rare d’entendre, lors des prédications sur le Psaume 23, que la houlette conduit et le bâton corrige. Erreur, ce n’est pas ce que vous pensez!

Comme tout pasteur qui se respecte, il m’est arrivé de prêcher sur Psaumes 23 (message à partir de la 37e minute). Dans l’auditoire virtuel se trouvait un cher ami, dont les parents éleveurs lui avait transmis les rudiments du noble métier de pasteur – du vrai pasteur, celui qui s’occupe de véritables troupeaux. Jean Picq, cet ami et frère de notre Église à Trévoux, m’a donc repris pour me dire que je ne comprenais pas grand-chose des outils de la profession. Le bâton n’est pas fait pour l’usage que j’avais évoqué. Hélas, j’aurais dû lui demander par avance. Je me suis dit que cette malencontreuse expérience pouvait servir aux autres pauvres prédicateurs urbains qui n’ont de rapport à l’agneau que celui de l’acheteur de côtelettes en magasin.

Je vous laisse en compagnie de Jean, qui vous expliquera mieux que moi ce qu’il convient de comprendre de l’expérience d’un homme qui conduit un troupeau.


Quand on évoque les Psaumes, le plus connu, le préféré, c’est sans conteste le psaume 23. L’Éternel est mon berger… Combien de prédications, j’ai entendu sur ce psaume? Je ne peux les compter! Par contre, combien de fois ai-je entendu parler du Bon Berger qui conduit ses brebis en utilisant son bâton pour les châtier?

Effectivement, c’est bien connu, Dieu est présenté comme un père aimant qui doit, de temps en temps, nous corriger pour nous remettre dans le droit chemin. Il doit aller jusqu’au bâton si besoin. Naturellement, les prédicateurs associent le bâton du berger à la correction des brebis récalcitrantes… C’est effectivement tentant, mais je ne pense pas que ce soit une bonne interprétation.

Les brebis et la peur

Avant même de parler de l’image du berger, qu’y a-t-il de rassurant, à savoir que la personne qui nous guide a sans cesse sur lui un instrument pour nous châtier à la moindre incartade? Pour moi j’éprouverais de la crainte, peut-être du respect, mais plus vraisemblablement de la peur.

Connaissez-vous le caractère des brebis? Ce sont des animaux peureux qui ne connaissent que la fuite face au danger. Ils fuient le danger dès qu’il se présente, sans retenue. Leur instinct grégaire les pousse à se regrouper et s’ensuit un mouvement de panique généralisé. Un troupeau entier peut se précipiter dans un ravin! Un Bon Berger va tout faire pour éviter de provoquer une telle situation.

Alors à quoi lui servent la houlette et le bâton? Qu’ont-ils de rassurant? Quel est leur office?

La houlette pour conduire et soigner

La houlette. C’est un long bâton au bout recourbé. Il a essentiellement deux rôles. Un rôle de conduite du troupeau et un rôle de soin. Sa forme incurvée au bout permet de ramasser au sol un caillou ou une motte de terre et de l’envoyer loin et de manière précise à côté d’une brebis qui s’égare. L’impact au sol va l’effrayer et la ramener vers le troupeau.

Quand une brebis est malade ou blessée, le berger va pouvoir l’approcher puis, quand il est encore suffisamment loin pour ne pas l’effrayer et créer un mouvement de panique, il va pouvoir lui crocheter la patte arrière et l’immobiliser pour la soigner. Elle permettra de ramasser un agneau et de le ramener vers sa mère… Un bon berger n’aura aucun mouvement brusque, pas de violence à l’encontre du troupeau, mais au contraire des gestes posés, mesurés, rassurants. Il ne leur fera aucun mal avec sa houlette, mais il l’utilisera au contraire à bon escient, pour diriger et soigner. Et c’est seulement dans le cas du soin qu’on va pouvoir trouver de la souffrance.

Comme souvent, le soin d’une blessure fait plus mal que la blessure elle-même (on oublie l’anesthésie ici). Le berger qui enlève un caillou coincé dans un sabot ou une épine dans la patte fera ponctuellement mal à la brebis, mais c’est la seule condition pour qu’une guérison ait lieu. De la même façon, notre Bon Berger peut nous faire passer par des moments douloureux pour nous guérir d’un mal qui nous atteint.

Le bâton pour s’appuyer et défendre

Le bâton. C’est un long morceau de bois, solide et souvent ferré au bout, qui a, lui aussi, deux fonctions. Il sert d’abord au quotidien pour aider le berger dans sa marche. Il va lui permettre de prendre appui dans les passages difficiles pour ne pas tomber, de sonder les terrains et éviter les endroits instables, de s’appuyer dessus pour se reposer tout en veillant sur le troupeau (assis par terre, on ne voit pas loin!). Dans l’image de la brebis perdue du Nouveau Testament (Lc 15), on imagine aisément le berger s’aider de son bâton pour descendre dans un ravin, écarter les buissons d’épines…

Mais il sert aussi de manière plus ponctuelle comme une arme défensive. Quand un ours ou un lion attaquait le troupeau de David, il n’avait pas de fusil pour s’en débarrasser, mais sa fronde et son bâton (1S 17)!

Quand on prend conscience que le bâton de David lui permettait de terrasser un ours ou un lion, on se rend mieux compte de quoi il en retourne. C’est une arme à part entière. À aucun moment un berger n’utiliserait une telle arme contre ses brebis (à moins de vouloir en achever une?). On est loin du bâton qu’un père pourrait utiliser pour corriger ses enfants et qu’on retrouve dans d’autres métaphores bibliques (2S 7.14, Pr 23.13…).

L’attention du berger

On peut aussi apprendre des attitudes du berger: il étudie minutieusement le terrain avant d’y faire passer son troupeau pour éviter les endroits dangereux puis conduit son troupeau avec douceur pour l’amener vers un point d’eau ou un pâturage. Quand le troupeau arrive, le berger ne fait pas une sieste!

Bien au contraire, il est la plupart du temps debout, sur un point haut si possible, et il veille sur le troupeau. Il guette tout signe de danger extérieur (prédateur, voleurs) et il évalue chaque brebis pour déceler celle qui s’est foulé une patte lors du dernier trajet. À ce moment, il va s’approcher calmement d’elle, l’attraper avec sa houlette puis la soigner. Il est toujours en veille jusqu’à ce que le troupeau soit en sécurité dans son enclos. Il utilise d’ailleurs son bâton et sa houlette pour laisser les brebis entrer une par une dans l’enclos pour qu’il puisse les compter et détecter la moindre blessure qu’il soignera aussitôt.

Ses brebis (qu’elles lui appartiennent en propre ou non) sont sa plus grande richesse! Dans l’histoire de Jacob, pendant qu’il était berger pour Laban, il allait même jusqu’à rembourser une brebis perdue (Gn 31.39). Le berger est responsable du troupeau et redevable de la vie de chacune des brebis.

Jésus le bon berger

Je pense qu’on comprend mieux maintenant ce qui peut rassurer de voir le berger avec sa houlette et son bâton. Il est à la fois une assurance de protection vis-à-vis des éléments extérieurs et aussi une assurance de soins contre les ‘bobos’ de la route. Le Bon Berger prend soin de nous de bien des manières, mais à aucun moment il ne nous frappe pour nous faire rentrer dans le droit chemin. Cette idée (de correction) n’a aucun sens en rapport avec la métaphore du berger. Seul le chien pourrait avoir ce rôle (bien qu’un bon chien ne blesse jamais) mais il n’en est pas question dans ce psaume.

Confions-nous donc sereinement dans notre Bon Berger qui est pleinement équipé pour nous diriger, nous soigner, nous secourir et nous protéger. Rassurons-nous de le savoir à l’œuvre pour assurer notre protection. Il veille sur chacun d’entre nous et attendra que nous soyons tous à bon port pour pouvoir enfin se reposer.


À propos de l’auteur. J’ai grandi dans une ferme où j’ai eu l’habitude des animaux. Plutôt des vaches, mais il y a souvent eu quelques moutons et il y en avait toujours chez ma grand-mère. Ma famille est chrétienne et j’ai eu la joie de découvrir très tôt les récits de la Bible. Les nombreux récits utilisant des métaphores rurales m’ont toujours parlé. Impliqué dans une implantation d’église en milieu urbain, j’ai rapidement constaté que de nombreuses images bibliques n’étaient pas complètement comprises du fait du manque de connaissances rurales de beaucoup! J’ai donc pris ma plume pour éclairer ce bout de verset et essayer de le replacer dans son contexte original.

Jean PICQ

Article publié le 23/11/2020, republié le 19/02/2022.

Pour aller plus loin:

Florent Varak

Florent Varak est pasteur, auteur de plusieurs livres dont le Manuel du prédicateur, L’Évangile et le citoyen et la ressource d’évangélisation produite en co-édition avec TPSG: La grande histoire de la Bible. Florent est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux Églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes et mariés, ainsi que cinq petits-enfants. Il détient un M. Div de Master’s Seminary (Californie, USA) et un Master de recherche de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine.

Ressources similaires

webinaire

Pourquoi avoir une vision biblique de l'Histoire?

Ce replay du webinaire de Frédéric Bican a été enregistré le 12 février 2019.

Orateurs

F. Bican