Si Dieu est souverain, l’homme est-il responsable ?

La Bible ne présente pas de contradiction entre la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme. Au contraire, elle présente les deux comme étant compatibles. Même si Dieu a tout décrété (décidé d’avance ce qui allait arriver), l’homme est responsable de sa volonté et de ses actes. Deux épisodes bibliques nous aident à comprendre cela.

À la fin du livre de la Genèse, les frères de Joseph, ayant peur de représailles, lui demandent de leur pardonner pour tout le mal qu’ils lui ont fait (Gn 50.15-17). Et Joseph leur répond :

Ne craignez point ; car suis-je à la place de Dieu ? Vous, vous aviez pensé du mal contre moi : Dieu l’a pensé en bien, pour faire comme il en est aujourd’hui, afin de conserver la vie à un grand peuple.

_{Genèse 50.19-20 – DRB}

Est-ce que les frères ont mal agi ? Certainement. Il suffit de relire le chapitre 37 pour s’en convaincre. En même temps, dans le mystère de la providence divine, ont-ils malgré eux accompli le dessein de Dieu ? Absolument.

L’autre exemple concerne l’évènement le plus triste et le plus glorieux de l’histoire : la crucifixion de Jésus. Après la résurrection de Jésus, les disciples annoncent le message de l’Évangile aux Juifs (Ac 2-5). Dans cette proclamation de la Bonne Nouvelle, ils doivent surmonter un obstacle : expliquer que Jésus est bien le Messie promis, même s’il est mort crucifié. En effet, il était inconcevable que le Messie meure, lui qui devait venir pour rétablir Israël en détruisant ses ennemis. Dans l’un des discours, Pierre explique que ce qui est arrivé accomplit réellement les prophéties de l’Écriture (Ac 4.27 ; cf. Ps 2.1-2). Il ajoute :

Il est bien vrai qu’Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et les peuples d’Israël contre ton saint serviteur Jésus, que tu as consacré par onction ; ils ont accompli tout ce que ta main et ta volonté avaient décidé d’avance.

_{Actes 4.27-28}

La mort de Jésus est-elle le fruit d’un péché ? Oui, Jésus l’innocent est mort à l’issue d’un faux procès. En même temps, la mort de Jésus accomplit-elle ce que Dieu avait déterminé d’avance et qu’il avait annoncé (Ps 2.2) ? Oui, et cela avant même la fondation du monde (1P 1.19-20).

J’aime résumer l’articulation entre la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme avec cette phrase : l’homme fait volontairement ce que Dieu a décrété souverainement. Dans le mystère de sa providence, Dieu se sert de notre responsabilité pour accomplir ce qu’il a décidé.

Il faut reconnaître que cela reste un mystère. Cela nous dépasse. Mais la Bible est claire : Dieu est vraiment souverain, et nous sommes vraiment responsables. Même si Dieu accomplit sa volonté (ce qu’il a décidé d’accomplir) en utilisant la désobéissance des hommes (ce qui est contraire à ce qui est bon), Dieu reste toujours bon et l’homme reste toujours responsable.

Le prophète Ésaïe nous décrit un épisode qui nous aide à comprendre cela. Dieu se sert de la méchanceté des Assyriens pour punir son peuple (És 10.5-6). Pour autant, Dieu annonce qu’il va punir les Assyriens pour le mal qu’ils ont fait (És 10.12-13). Dans sa souveraineté, Dieu utilise la méchanceté volontaire des Assyriens pour accomplir sa volonté souveraine.

Cela est difficile à comprendre ? C’est normal. Nous n’avons pas à comprendre exactement comment cela fonctionne. Ce que Dieu nous révèle dans sa Parole est clair, mais ce qu’il ne nous révèle pas reste entouré de mystère (Dt 29.28 ou 29 dans certaines versions). Nous ne devons donc pas chercher à percer les mystères de la volonté secrète de Dieu. Il nous suffit de lui faire confiance : tout ce que Dieu veut s’accomplit, et tout s’accomplit comme Dieu le veut. Rien, dans notre vie ou dans le monde, n’est le fruit du hasard.

Lorsque nous traversons des périodes difficiles, ou que nous sommes victimes d’une injustice, nous devons nous rappeler que rien n’échappe à Dieu. Il règne sur toute la création, et pose son regard sur nous (Ps 33.13-15).

Comme le décrit bien Calvin :

Quand de gros nuages noirs brouillent le ciel et qu’une tempête se met à souffler, et qu’il n’y a qu’obscurité devant nos yeux et le bruit du tonnerre dans nos oreilles au point de nous terrasser de frayeur, il nous semble que tout est bouleversé et confus ; mais, au ciel, tout est calme et paisible. Soyons donc certains, lorsque les choses sont troublées dans le monde au point de nous faire perdre raison, que Dieu, qui est loin de nous dans la clarté de sa justice et de sa sagesse, sait bien diriger de telles confusions et les conduire à une bonne fin.