Notre tendance à voir la foi comme quelque chose de privé influence notre compréhension de la sainte cène. Un survol de quelques versets en 1 Corinthiens nous aide à voir en quoi la cène pointe vers l’unité de l’Église locale.
Deux erreurs me semblent assez courantes dans la compréhension évangélique moderne de la sainte cène.
La première erreur est de voir la cène comme un acte individuel: c’est juste “entre moi et le Seigneur”. Comme Bobby Jamieson le souligne, nous pensons souvent que la cène, c’est simplement quelques dizaines de personnes qui ont un temps de recueillement particulier avec le Seigneur, et il se trouve par hasard qu’ils sont ensemble dans la même pièce1. En faisant cela, nous délaissons l’aspect communautaire qui est essentiel à notre compréhension de la cène.
La deuxième erreur est de penser que le but de la cène est de manifester l’unité de tous les chrétiens autour de l’Évangile. Le contexte dans lequel on prend la cène importe donc peu. Il est vrai que la cène est profondément liée à l’Évangile, et que la cène a pour but de mettre en avant l’unité. Cependant, l’unité que la cène met en avant est l’unité des chrétiens au sein de l’Église locale.
Un rapide survol de quelques versets dans 1 Corinthiens permet de corriger ces deux erreurs. Voilà ce que Paul met en avant dans 1 Corinthiens 10:
La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps; car nous participons tous à un même pain.
1 Corinthiens 10.17
De manière évidente, Paul fait ici référence à la sainte cène. Lors de la cène, il y a non seulement une communion avec Christ (v.16), mais aussi une communion les uns avec les autres (v.17). Le partage du pain met en avant le fait que nous sommes un seul corps. C’est là l’un des buts de la cène: manifester l’unité que nous avons les uns avec les autres.
La cène n’est pas un repas individuel. Cela explique les reproches de Paul aux Corinthiens en 1 Corinthiens 11.17-34. Le repas qui devait manifester leur unité mettait plutôt en avant leurs divisions et leur individualisme (v.21-22).2
Cependant, il est important de saisir que Paul ne fait pas référence ici à l’unité de tous les chrétiens entre eux, mais à l’unité des chrétiens au sein d’une Église locale. Dans 1 Corinthiens 10.17, il est question d’être "un seul corps". Quel est ce corps? Paul revient sur cette question au chapitre 12 de la même lettre. Il affirme ceci aux Corinthiens:
Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.
1 Corinthiens 12.27
Paul s’adresse ici à l’Église de Corinthe, en affirmant qu’ils sont le corps de Christ. Ils ne sont pas une partie du corps de Christ, mais le corps de Christ dans son ensemble. Chaque Église locale est le corps de Christ.
Nous pouvons ainsi corriger les deux erreurs mentionnées au début de cet article.
Premièrement, la cène n’est pas quelque chose qu’un chrétien individuel fait avec son Église, mais c’est quelque chose que l’Église fait en tant qu’Église. C’est parce que nous sommes unis les uns aux autres dans le contexte de l'Église locale que nous partageons la cène. En dehors de ce contexte, la cène n'a pas lieu d'être.
C’est pour cela qu’il me semble inapproprié de prendre la cène dans un contexte "hors Église" (lors d’un camp, chez soi avec des amis, etc.). Dans 1 Corinthiens 11, chapitre bien connu sur la cène, Paul répète à de nombreuses reprises “quand vous vous réunissez” (ou “quand vous vous assemblez” - v.17, v.18, v.20, v.33, v.34). Ici, il s'agit du rassemblement de l'Église locale. Nous le voyons avec le verset 18 qui précise "en tant qu'Église", et avec le verset 22 qui nous apprend que le "vous" est "l'Église de Dieu", ce qui est une référence à l'Église locale de Corinthe (cf. 1Co 1.2). La cène est donc un repas destiné à l'Église locale, qui se prend dans le contexte du rassemblement de cette Église locale.3
Deuxièmement, la cène n’a pas pour but de représenter l’unité de tous les chrétiens entre eux (même si cette unité est une chose merveilleuse), mais a pour but de manifester l’unité des chrétiens au sein d’une Église locale (l’unité du corps de Christ dont il est question en 1 Corinthiens 10.17 et 12.27).
C’est là l’un des fondements qui amène à affirmer la nécessité du baptême pour pouvoir prendre la cène. Il me semble qu’ouvrir la cène à ceux qui ne sont pas baptisés, c’est mal comprendre cette réalité vers laquelle la cène pointe.
1. Bobby Jamieson, Understanding the Lord’s Supper, p.27.
2. À l’époque, la cène était prise dans le contexte d’un vrai repas, comme un repas fraternel. À cette occasion, "ceux qui n’ont rien", c’est-à-dire ceux qui étaient plus pauvres parmi les Corinthiens, étaient couverts de honte face à l’abondance que les riches avaient (v.22). Les plus aisés parmi eux avaient tellement à manger qu’ils étaient rassasiés et ivres (v.21)!
3. Un rassemblement doit se comprendre de manière physique. Une réunion zoom, même une réunion d’Église, n’est pas vraiment un rassemblement. C’est bien pour cela que nous distinguons, depuis la covid, des réunions "en présentiel" et "en distanciel". La technologie est un outil précieux pour nous servir et nous permettre, malgré tout, de nous édifier les uns les autres dans des temps exceptionnels (comme la covid). Cependant, cela ne justifie pas pour autant de prendre la cène dans ce contexte "distanciel".
Un article plus long sur la nécessité du baptême pour prendre la sainte cène est en cours et devrait être publié bientôt.