Avec la sexualité, le combat spirituel est certainement un des sujets qui génère le plus de nos clics. Du coup, les ressources sur le sujet sont devenues innombrables. Le problème, c’est que la plupart des auteurs abordent la thématique du même point de vue (avec quelques légères nuances).
Sur cet énorme marché du combat spirituel, il existe un ouvrage, très peu visible -à vrai dire, ça ne m’étonne pas vraiment, mais ça n’en est pas moins dommageable pour nous, chrétiens francophones- un ouvrage qui mérite un article. C’est le livre de David Powlison (CCEF): Combattre le bon combat.
Là où certains de nos frères ont, étonnamment, entrepris d’étoffer l’offre de l’approche de N. Anderson, La Maison de la Bible a gardé dans ses greniers une traduction de Power Encounters: Reclaiming spiritual warfare imprimée « à la demande » (je ne savais même pas que cela existait). C’est cet article de Justin Taylor et notre cher traducteur David qui m’ont mis sur la voie.
Si vous êtes vous-même (sous-)berger du peuple de Dieu, ce livre est un must. Il a des implications pastorales énormes en matière d’accompagnement (relation d’aide). Et même si vous avez déjà souscrit à une « pastorale de délivrance », en bon enseignant, et en bon chrétien, vous vous devez de frotter vos convictions actuelles aux thèses bibliques de cet auteur.
Je recommande Combattre le bon combat de D. Powlison, avant tout parce qu’il a été un grand encouragement dans mon propre ministère et ma foi ces derniers mois. Mais aussi parce que la vision pastorale qu’il décrit rend gloire à Dieu et à son œuvre de salut.
J’avais déjà écrit il y a quelque temps sur le sujet, à la lumière de l’Écriture. Ce livre a mis des grands titres sur des découvertes personnelles.
Je souhaite que ce travail entrepris par D. Powlison soit critiqué, corrigé, pour que les chrétiens francophones soient de plus en plus crédibles et efficaces dans leur lutte contre Satan et ses manœuvres.
Dans ce livre, D. Powlison est remarquablement animé par l’envie de gagner ceux qui pensent différemment. Il nomme et définit fidèlement les pratiquants du "modèle ekbalistique" (du grec "ekballô" = "chasser"). Exit les dénonciations et les accusations sans fondement; mais pas aux dépens de la vérité. L’ouvrage est le fruit d’études et de prières sérieuses d’un homme qui met en pratique la sagesse qu’il enseigne.
J’espère que ce livre, en tant que voie extérieure, contribuera à développer une auto-critique constructive au sein du mouvement.
p.40.
Par ce livre, j’espère contribuer à un affinement de la sagesse de l’Église dans la guerre contre le mal.
p.53
Au chapitre 3 notamment, D. Powlison se fait l’avocat d’une méthode herméneutique qui fait défaut, d’après lui, au modèle ekbalistique: replacer les textes clé sur le sujet du combat spirituel et de l’accompagnement pastoral dans leur contexte littéraire. Autrement dit, prendre en compte le flot du récit ou de l’argumentaire; ce qui est dit avant et après le verset.
En plus d’en être l’avocat, il en est un bon exemple. Il traite bon nombre de ces passages de manière convaincante. Cette (re)découverte a fait mouche pour moi au moment où, dans mon étude personnelle, j’étais en recherche du lien entre Ép 6.10ss et les 2 chapitres précédents.
Saluons aussi la belle démonstration du rapport vital entre ce que nous lisons, ce que nous comprenons (croire) et ce que nous faisons (action). Ce qui fait de Combattre le bon combat un livre qui ravira les « praticiens ». Le livre se finit, d’ailleurs, avec un chapitre qui contient 2 études de cas, dont l’une ayant rapport avec la question qui se pose peut-être le plus actuellement en matière d’accompagnement: comment aider un porno-dépendant?
L’impression de couvrir toute la Bible est forte. La liste n’est certainement pas exhaustive, mais pour l’Ancien Testament: Gn 3.1-15 (l’identité de Satan et la nature du combat spirituel), 1S 16.13-23 (le pouvoir de Dieu sur les esprits mauvais) – ici on aurait pu espérer la mention du parallèle criant entre 2S 24.1 et 1Ch 21.1. 1Sm 28.3-25; 1R 22.6-28; Jb 1.6-2.10; És 38; Za 3.
D. Powlison identifie aussi le mode général du combat spirituel dans cette période de la révélation. Il fait des observations pertinentes sur le rôle, le pouvoir et les buts de Dieu et de son Satan.
Et dans le Nouveau Testament: les Évangiles (Mc 5.1-20 le démoniaque de Gadara, Mc 8.33, la finale longue de Mc 16, Jn 9, …), en fait, l’étude couvre et mentionne la quasi totalité des œuvres du Seigneur et de ses disciples. La servante de Philippes dans Ac 16; 26.18; Ép 4.27; 6.10-20; Gal 5.13-6.10; Ja 5; Ap 9.20ss.
Vous aurez compris que tout y passe.
D. Powlison résume la tâche de l’interprète de la Bible à 3 actions: écouter (observer le texte), saisir son contexte (littéraire) et enfin poser des questions. On ne devrait jamais sauter les étapes sous peine de fausser le processus. Mais voilà un avant-goût des questions auxquelles son étude minutieuse l’a rendu capable de répondre dans l’ouvrage :
D. Powlison propose de (re)découvrir la voix médiane entre les ornières du « modernisme séculier » (nier le monde spirituel) et du « modèle ekbalistique » (chasser des démons). Il l’appelle le « mode classique » de combat spirituel.
Plus que de proposer des arguments scripturaires, les pratiquants du modèle ekbalistique affirment que si Satan est actif (thèse que les modernes ont abandonné), alors leur modèle est à la fois justifié et nécessaire. Ils taxeraient sûrement toute autre proposition de « libérale ». Mais Powlison réussit à reprendre les erreurs sous-jacentes du modèle ekbalistique (comme un certain manichéisme) sans nier l’existence et le pouvoir des forces du mal.
La force de sa réflexion, c’est peut-être sa distinction entre les maux moraux et circonstanciels. D’après lui, et il le soutient bien, la Bible dépeint constamment les esprits résidents comme des maux circonstanciels et jamais moraux. C’est ici que le modèle ekbalistique montre ses faiblesses: il n’y a plus aucune raison de chasser des démons soit disant responsables de quelconques péchés parce qu’il n’y a pas de soutien scripturaire.
En bon spécialiste de l’accompagnement pastoral, D. Powlison propose de revenir à l’enseignement biblique et à l’âge d’or de la « relation d’aide ». Il invoque les puritains qui peuvent difficilement être taxés de sceptiques modernes libéraux. Le but de l’ouvrage est clair: puisque le modèle ekbalistique ne fait pas le poids, il faut redéfinir contre qui et comment lutter dans le combat spirituel.
La solution: le mode classique foi, repentance, prière et marche dans la sainteté.
Peut-être penserez-vous au mieux que la proposition n’est pas très enthousiasmante. Au pire que c’est une régression. Le chapitre 8 vous convaincra sans doute. Il m’a encouragé. Dans un développement qui fait preuve de sagesse et d’expertise, Powlison arrive à synthétiser l’enseignement néotestamentaire en matière de lutte spirituelle en 1 mot et 3 images. Le mot, c’est « résistez », le seul impératif observable dans 3 passages clés:
J’évoquais son nom dans l’introduction, je ne pouvais pas conclure sans y revenir. On m’a déjà demandé si je le recommandais (pour l’avoir déjà cité). Les livres de N. Anderson ont le mérite d’être des sortes de « pionniers modernes » sur le sujet (du moins en francophonie). Surtout en matière de retour à l’enseignement biblique en ce qui concerne les discussions avec les démons. Dans le prisme ekballô, Anderson est sûrement le plus proche du modèle classique.
Mais ses livres sont toujours empreints de ce problème de la démonisation morale. D. Powlison regrette également le « stéréotype » de ses célèbres « étapes vers la liberté » (p172).
Plusieurs auteurs populaires du mode ekbalistique ont écrit que “ceux qui remettaient en question la validité de leur vision du combat spirituel étaient trompés par des démons voire habités par des démons¹”.
Rassurez-vous, je vais très bien. Lisez, étudiez ce livre, boostez ses ventes, et on en reparle dans les commentaires.
1. Dickason, Demon possession and the christian, pp.191,211 et Pat Brooks, Out! In the name of Jesus
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Orateurs
N. Frei