Certains pensent que la doctrine de la souveraineté de Dieu décourage l'évangélisation. Mon témoignage (et de nombreux textes bibliques) suggère le contraire.
Dans plusieurs de ses livres[1], prédications et conférences, le théologien Donald Carson raconte cette histoire à propos de son père.
Tom Carson est né en Irlande du Nord. Sa famille a émigré au Canada quand Tom avait deux ans. Il a grandi dans la partie anglophone du pays, puis s’est senti appelé au ministère pastoral au Canada francophone, plus précisément au Québec.
Tom a donc appris le français puis s’est investi dans quelques communautés locales québécoises, à une époque où plusieurs pasteurs évangéliques furent mis en prison pour divers motifs, sur de courtes périodes, à la demande du puissant clergé catholique du temps (bien entendu, les choses ont considérablement évolué depuis).
À cette époque (dans les années 50), les Églises évangéliques francophones étaient minuscules. On en comptait une quarantaine au Québec, pour une population de 5 millions d’habitants. L’œuvre de l’Évangile était dure, et les fruits peu visibles.
En 1959, suite aux bouleversements que connaissait le Congo belge, certains missionnaires étrangers ont dû quitter ce pays. Comme ils avaient appris le français pour servir au Congo, ils ont décidé de s’installer temporairement au Québec et d’y apporter leur aide aux Églises, en attendant de pouvoir rentrer au Congo.
Ces missionnaires avaient connu un ministère fructueux en Afrique. Or, aucun d’entre eux n’a tenu plus de six mois. Ils ont tous quitté le Québec, totalement découragés.
Quand Donald, alors adolescent, a demandé à son père les raisons de ces départs, Tom lui a répondu à peu près ceci:
« Ces missionnaires se sont investis dans une partie du monde où la bénédiction de Dieu est évidente. Ils ont l’habitude des grandes foules, ont construit des hôpitaux, ont assisté à de nombreuses conversions, ont formé des pasteurs pour enseigner les nouveaux convertis. Puis, ils sont arrivés ici et ont vite compris que tout était plus compliqué et se faisait bien plus lentement. En l’absence de fruits visibles, ils ont conclu qu’ils avaient mal interprété leur appel et qu’ils n’auraient pas dû venir au Québec. »
Donald a répliqué:
« Alors pourquoi est-ce que toi aussi, tu ne t’installes pas dans une partie du monde où il y aurait plus de fruit visible, plutôt que de rester ici et d’en produire si peu ? »
Ce à quoi son père a répondu, avec émotion:
« Je reste au Québec parce que je suis convaincu que Dieu a un peuple nombreux ici. »
Tom faisait bien sûr allusion à Actes 18.9-10, texte dans lequel Dieu rassure un Paul découragé, à Corinthe, au moyen d’une vision: « Naie pas peur, lui dit-il, parle et ne te tais pas, je suis avec toi. Personne ne pourra s’attaquer à toi pour te faire du mal, car il y a dans cette ville un peuple nombreux qui m’appartient. »
Donald observe: « C’était l’une des nombreuses fois où Tom ancrait sa persévérance à travers les épreuves dans la doctrine de l’élection divine. »
Ces missionnaires étrangers ne savaient pas, en 1959, que le Québec connaîtrait un réveil spirituel une décennie plus tard. Entre 1972 et 1980, le nombre d’Églises évangéliques francophones et de postes d’évangélisation est passé de 40 à 500.
Si j’ai du mal à entendre cette anecdote sans ressentir une vive émotion, c’est pour une raison très personnelle.
Des années après le départ du pasteur Tom Carson d’une des Églises qu’il a servies au Québec en ces temps difficiles, cette assemblée a envoyé un implanteur d’Église dans ma ville d’origine pour y démarrer une nouvelle communauté. Puis, cet implanteur a frappé à des centaines de portes (c’était l’approche de l’époque) avant de trouver des personnes intéressées par la Bonne Nouvelle. Parmi celles-ci, ma mère a entendu l’Évangile et est devenue disciple de Christ, permettant à ma sœur et à moi de grandir dans l’Église et de devenir à notre tour chrétiens.
Donc, la foi du pasteur Tom Carson dans l’élection divine (et la souveraineté de Dieu) l’a poussé à persévérer malgré le peu de fruits visibles de son ministère. Puis, des années plus tard, l’Église qu’il a contribué à développer s’est sentie prête à implanter à son tour une Église fille. Dans le cadre de cet effort d’évangélisation et d’implantation, ma mère a découvert le message de grâce, que j’ai à mon tour embrassé.
Pour boucler la boucle, j’ai fait une partie de mes études de théologie dans la faculté où enseignait Donald, le fils de Tom. Donald est même devenu mon directeur de mémoire de master, et reste à ce jour l’une des plus grandes influences dans ma vie.
« Merci, Seigneur, pour ta grâce, qui se présente sous des formes diverses à différentes époques et dans des endroits variés – mais qui est toujours belle, puissante et source de salut. »
[1] Notamment Mémoires d’un pasteur ordinaire. La vie et les réflexions de Tom Carson (Cruciforme).