En toute honnêteté, il s’agit d’une rencontre à laquelle je ne m’attendais pas du tout, et qui s’est produite il y a plusieurs années. Elle qui m’a amené à écrire un commentaire pratique… en 4 volumes!
Ça y est: l’offre exceptionnelle de lancement de mon nouveau commentaire sur l’Évangile selon Marc est en place. Tous peuvent profiter des promotions de précommande sur le site marc.parle-moi.com.
Si j’ai rédigé ce commentaire, c’est parce qu’une « rencontre » étonnante s’est produite dans ma vie il y a quelques années. Je parle bien sûr de ma rencontre avec… Marc, l’auteur.
Or, je ne peux évoquer ma rencontre avec Marc sans aborder au préalable mon rapport à l’œuvre… de Luc!
Pasteur en Alsace, je me suis lancé, en 2005, dans la rédaction d’une thèse de doctorat à l’Université de Strasbourg1. En consacrant une part importante de mes travaux de recherche à l’œuvre de Luc (le troisième évangile et les Actes des apôtres), j’ai vu un véritable univers s’ouvrir devant moi, celui des évangiles. Apprivoiser le mode de fonctionnement d’un récit retraçant la vie de Jésus de manière brillamment organisée, me rendre compte à quel point l’auteur raconte Jésus en termes « théologiques » qui s’appuient sur maints passages et concepts de l’Ancien Testament, apprécier les tensions qui s’installent dans la narration, étudier quelques thèmes complexes à l’échelle de l’ensemble d’un évangile, toutes ces « premières » m’ont marqué à vie.
Avec l’Évangile selon Luc, j’avais l’impression de me tenir face à l’Everest. En 2016, relocalisé à la Faculté de Théologie Évangélique de Montréal (Université Acadia), j’ai dû constituer un cours sur les quatre évangiles. Il a bien fallu me pencher sur les trois autres évangiles, et notamment, sur celui qui me semblait le moins riche sur le plan théologique, le plus basique – celui dont Marc est l’auteur.
C’est donc avec peu d’attentes que je me suis plongé dans le récit de Marc, faisant tristement écho à des siècles de réduction du deuxième évangile, par l’Église, à un simple abrégé du bien plus remarquable évangile de Matthieu, suivant la conviction d’Augustin (354 à 430 ap. Jésus-Christ). Après tout, plus de 90 % des récits figurant dans la trame de Marc apparaissent également chez Matthieu et/ou chez Luc. Il a même fallu attendre le VIᵉ siècle pour qu’un premier commentaire soit rédigé sur l’Évangile selon Marc par Victor d’Antioche.
Pour ne rien exagérer, j’étais néanmoins convaincu de l’utilité de l’exercice: après tout, le livre de Marc était très « commode » en contexte d’évangélisation ou d’apprentissage de la lecture biblique en Église. L’histoire était brève, l’action rapide et rythmée, parsemée d’occurrences des adverbes « immédiatement » ou « aussitôt », véritable pédale d’accélérateur narrative. Les enseignements de Jésus y étaient généralement succincts, à l’exception de deux discours plus substantiels, en Marc 4 et 13. Mon survol de l’œuvre « marcienne » (et non pas martienne!) nourrirait donc les divers ministères de mes étudiants.
Ce regard « utilitariste » a bientôt été bouleversé. Lorsque j’ai commencé à étudier le texte de près, j’ai été repris et je suis devenu… un très grand admirateur et ami de Marc, comme je l’avais été, et le restais bien sûr, de Luc. Sur le plan littéraire, son récit concis et puissant m’a conquis. Qui plus est, à l’art consommé de Marc l’écrivain s’ajoutait sa finesse théologique.
Depuis 2016, mon cours sur les quatre évangiles a connu plusieurs éditions. À chaque mise à jour, l’œuvre de Marc y a occupé une place croissante. Aujourd’hui, le sentiment qui s’impose en moi lorsque je dois me « prononcer » sur Marc, en classe ou ailleurs, est le suivant: malgré la brièveté du récit, tout y est! Les grands thèmes théologiques, abondamment et richement développés par Luc par exemple, sont déjà présents, au moins en germe, dans la trame de Marc.
Marc a aussi profondément contribué à ma redécouverte de Jésus à la lumière de l’Ancien Testament. Certes, Luc m’avait déjà habitué à cette approche, mais Marc s’y prend différemment. Par exemple, Marc et Luc accordent tous deux une importance capitale à la prophétie d’Ésaïe. Mais alors que Luc présente Jésus lisant Ésaïe 61.1-2a, son « texte-programme », dans la synagogue de Nazareth au début de son ministère (Lc 4.16-21), Marc place d’emblée l’ensemble de son évangile sous le signe du « nouvel exode » annoncé par le même prophète (Mc 1.2-3), avant de résumer succinctement le message de Jésus au moyen de catégories empruntées à Ésaïe (Mc 1.14-15).
Je peux témoigner que chez Marc, de nombreuses allusions à l’Ancien Testament, parfois subtiles, m’ont ébahi et m’ont fait « sentir comme un feu dans mon cœur » (Lc 24.32). J’espère que mes lecteurs vivront à leur tour cette expérience intense et transformatrice.
Même si le récit sur lequel porte mon nouveau commentaire est rythmé et qu’il se lit en deux heures environ si on le lit d’un trait, Marc m’a paradoxalement appris à ralentir pour mieux contempler Jésus. Bien que les trois autres évangélistes nous attirent également dans cette direction, Marc maîtrise à un degré inégalé l’art du dévoilement progressif: il se retient constamment d’affirmer directement ce qu’il sait sur Jésus et sur le règne de Dieu. Il préfère suggérer, démontrer, dévoiler étape par étape l’identité véritable de Jésus et les modalités du Règne. Il démontre ainsi ses qualités d’historien soucieux d’honorer la révélation progressive orchestrée par Jésus lui-même.
On peut presque lui reconnaître une impressionnante et touchante maîtrise de soi: suggérer sous autant d’angles différents que Jésus est divin – sans jamais le dire explicitement – a dû exiger de lui une retenue peu commune, ce qui représente un cadeau inestimable pour ses lecteurs. En suggérant davantage qu’en disant (les savants littéraires anglophones distinguent show et tell), Marc nous permet de revivre, dans une certaine mesure, l’expérience de découverte – et l’émerveillement initial – des premiers disciples, à qui Jésus n’avait pas tout précisé d’entrée de jeu.
Je souhaite de tout mon cœur que la lecture de mon commentaire facilite et soutienne la méditation et l’étude de l’œuvre magistrale de Marc. Car si ma « rencontre » avec Marc a eu un tel impact dans ma vie, c’est surtout parce que Marc m’a permis d’approfondir ma relation et de poursuivre ma « rencontre » avec un autre, bien plus grand que lui: « Jésus, le Messie, le Fils de Dieu » (Mc 1.1).
1. Publiée des années après l’obtention de mon doctorat: Dominique Angers, L’« Aujourd’hui » en Luc-Actes, chez Paul et en Hébreux. Itinéraires et associations d’un motif deutéronomique, Berlin, De Gruyter (BZNW 215), 2018.
webinaire
1h pour comprendre Matthieu
Cet épisode d’1h pour comprendre… de Matthieu Giralt et de Pascal Denault enregistré le 11 décembre 2019, te fait (re)découvrir les l’Evangile de Matthieu. Laisse-toi surprendre par la cohérence, la profondeur et la richesse de la Parole de Dieu. L’objectif, c’est que tu puisses comprendre l’ensemble pour mieux vivre l’essentiel.
Orateurs
P. Denault