Recension du livre "Cœur de femme"

Recension de livre

Quand je lis un livre et en fais une critique, j’essaie d’être le plus objectif possible. Après tout, chaque livre devrait être jugé sur ses propres mérites. Il n’est pas tout à fait juste d’avoir des présupposés sur l’ouvrage d’un auteur basés sur ses écrits antérieurs. Pour un auteur, devenir meilleur ou pire en vieillissant n’est pas inhabituel. Une personne dont la théologie semblait très solide à une époque pourrait, malheureusement, écrire un livre plus tard qui semble être tout sauf orthodoxe. J’écris ceci comme une préface à ma recension du dernier livre de John Eldredge, Cœur de Femme.

J’ai essayé d’être aussi objectif que possible en lisant ce livre, mais j’ai trouvé que c’était presque impossible. L’auteur a clairement écrit ce livre pour surfer sur la vague de ses succès précédents, et en particulier le best-seller Indomptable. Sur l’ouvrage original (en anglais), Indomptable est mentionné sur la première de couverture (« Auteur du best-seller Indomptable« ) et la quatrième de couverture (« Ce qu’Indomptable a fait pour les hommes, Cœur de femme le fera pour vous« ). L’ouvrage est encore mentionné dans la deuxième phrase de l’introduction et est souvent cité, parfois même en longueur, tout au long du livre (tout comme La *Romance Sacrée, un autre ouvrage de l’auteur_). Il y a même un extrait de 8 pages à la fin du livre. Même si ça peut donner de la crédibilité pour ceux qui ont aimé le premier livre, j’ai trouvé que ça jetait une ombre sur *Cœur de Femme_.

John Eldredge a acquis une notoriété dans les milieux chrétiens en tant qu’auteur influent qui aborde les sujets de préoccupation des hommes. Il a écrit plusieurs livres à succès. Indomptable, le plus populaire d’entre eux, est aussi le plus controversé. Il existe de nombreuses critiques du livre, et beaucoup ont exprimé leur préoccupation par rapport au fait qu’il contient une théologie très pauvre. Cœur de Femme marque une nouvelle étape dans le ministère d’Eldredge, puisqu’il a été écrit spécialement pour les femmes. La quatrième de couverture nous dit que « ce qu’Indomptable a fait pour les hommes, Cœur de Femme le fera pour vous« . Il promet de « révéler le mystère de l’âme d’une femme« . Ce livre a été coécrit par la femme de l’auteur, Stasi, dont c’est le premier ouvrage.

Je ne doute pas que, dans peu de temps, nous aurons beaucoup d’analyses critiques et détaillées du livre – des critiques qui seront bien plus détaillées et pointues que ce que j’écris. Je n’ai pas l’intention d’écrire une critique approfondie, principalement à cause du thème du livre. Je pourrais traiter de la théologie du livre, mais je n’ai pas d’élément de comparaison pour ce thème spécifique. Après tout, je ne lis pas beaucoup de livres destinés spécialement aux femmes. Peut-être que je le devrais. Quoi qu’il en soit, ce livre est si étroitement lié à Indomptable que beaucoup de mes critiques de ce précédent livre vont s’appliquer à celui-ci. Dans Fool’s Gold [l’or des fous], édité par John MacArthur, Daniel Gillespie écrit une longue critique du livre, et lui porte quatre accusations principales, en disant qu’il a une vue insuffisante des Écritures, une représentation inadéquate de Dieu, un portrait incomplet de Christ et une image inexacte de l’homme. Ces critiques s’appliquent toutes à Cœur de Femme, aussi bien qu’elles s’appliquaient à Indomptable.

Comme pour Indomptable, ce livre est basé sur trois postulats. Toute femme veut qu’on lui fasse la cour, veut jouer un rôle dans sa propre aventure et veut montrer sa beauté. En gros, le livre est divisé selon ces thèmes.

« Les désirs que Dieu a profondément placés sur votre cœur vous disent quelque chose d’essentiel sur ce que signifie être femme, et sur la vie qu’il veut que vous viviez. Maintenant, nous le savons, beaucoup de ces désirs n’ont pas été assouvis, ont été attaqués, ou simplement négligés pendant longtemps, à tel point que beaucoup de femmes finissent par vivre deux vies. En surface, nous sommes affairées et efficaces, même professionnelles. Nous survivons. À l’intérieur, les femmes se perdent dans un monde de fantaisie ou de romans à l’eau de rose, ou s’adonnent à la nourriture ou à d’autres addictions pour combler le mal de leur cœur. Mais les désirs sont toujours là, cherchant à être libérés, à trouver la voie vers leur accomplissement. Vous pouvez trouver cette vie, si vous êtes prête à embarquer dans une grande aventure » (page 19, traduction libre).

Et l’aventure est décrite dans les pages de ce livre.

Au lieu de faire une critique globale, je vous propose d’exprimer quelques-unes de mes préoccupations concernant ce livre:

• Comme dans les précédents livres d’Eldredge, celui-ci s’appuie très fortement sur des histoires, et en particulier des films, comme modes d’enseignement. J’ai compté les films et ma liste contient 38 films mentionnés explicitement ou implicitement. Beaucoup d’entre eux sont évoqués plusieurs fois. Il y a aussi beaucoup de références à des romans et des chansons. Mais alors qu’il y a beaucoup de références aux Écritures, elles sont le plus souvent tirées de seulement quelques passages et souvent citées hors contexte.

• J’ai été surpris de voir que le livre fait très peu attention aux passages de la Bible qui sont adressés aux femmes en particulier. Je ne me souviens pas avoir vu de référence aux écrits de Paul; Proverbes 31 n’a reçu qu’une seule mention, et ce n’était que dans le but de se moquer de la fixation de l’Église sur ces modèles traditionnels. En fait, les seuls passages qui ont reçu une attention particulière sont Genèse 2 et 3. Les auteurs ont réécrit Genèse 2.18, qui, dans la plupart des traductions, se trouve sous une forme semblable à: « L’Éternel Dieu dit: “Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui” » (version Segond). Mais les auteurs se sont tournés vers un commentaire et une traduction écrits par Robert Alter et ont suggéré qu’une meilleure traduction du verset serait la suivante: « je placerai un soutien à côté de lui » (page 27). Bizarrement, les auteurs semblent malgré tout indiquer plus tard qu’un homme a une forme d’autorité sur sa femme.

• L’accent que porte Eldredge sur la révélation extra-biblique a été importé de ses autres livres. Dans celui-ci, par exemple, il décrit la fois où le Saint-Esprit lui a dit d’acheter un CD d’Emmêlé Harris pour sa femme (page 120). Il indique aussi que l’Esprit nous indiquera quand nous aurons besoin d’un bain moussant, d’un film ou d’aller courir (page 145), si seulement nous prenons le temps de l’écouter.

• Eldredge revisite le pire de son ouvrage La Romance Sacrée, qui fait largement appel à Osée et au Cantique des Cantiques pour utiliser un vocabulaire sexuel. Il dit que Dieu a un amour profond, ardent et passionné pour les femmes, et qu’il veut leur faire la cour.

« Pensez à la scène la plus romantique que vous ayez vue, celle qui vous fait soupirer. Jack et Rose sur la proue du Titanic, ses mains autour de sa taille, leur premier baiser. Wallace parlant en français à Murron, puis en italien: “pas aussi belle que vous.” Aragorn, sur le pont de Rivendell avec Arwen à la lueur de la lune, lui déclarant son amour. Edward revenant pour Elinor dans Raison et Sentiment, et le professeur Behr qui revient pour Jo à la fin des Quatre Filles du Docteur March. Maintenant, mettez-vous dans la scène à la place de la Belle, et Jésus à la place de l’amant » (page 114, traduction libre).

Cela va clairement beaucoup plus loin que les métaphores bibliques sur l’amour de Dieu.

• Les auteurs nous disent que les femmes qui sont mentionnées dans la généalogie de Jésus le sont à cause de leur vulnérabilité (page 155). L’enseignement ridicule à propos de Ruth, déjà rencontré dans Indomptable, est reproduit ici.

• Ironiquement, alors que Dieu est présenté comme un amant sauvage, il est aussi présenté sous une forme émasculée. On nous dit que Dieu vous fait la cour. On nous dit que « vous êtes faites pour remplir une place dans le cœur de Dieu que personne et rien d’autre ne peut remplir. Il vous désire » (page 120, traduction libre). Cela semble presque indiquer que Dieu a besoin de nous pour que sa joie et sa satisfaction soient complètes. Il y a plusieurs références à notre besoin de combler le cœur de Jésus par notre adoration. Tout cela révèle une compréhension inexacte de Dieu.

• Un accent étrange est mis sur la guerre spirituelle. Stasi parle de moments de vertiges qu’elle pense causés par Satan. Il y a de multiples références au fait de lier Satan et de le bannir, lui et ses sbires.

Par souci de brièveté, je vais m’arrêter là. Alors que certains de ces points sont des soucis mineurs, d’autres sont clairement plus importants. Dans l’ensemble, ce livre n’est guère que la réécriture d’Indomptable pour les femmes – avec une couverture douce et féminine à la place de celle qui était dure et masculine. Comme ses prédécesseurs, l’ouvrage contient une théologie beaucoup trop pauvre et se base autant sur la culture populaire que sur la Parole de Dieu. Alors qu’il y a certains avantages pour moi de lire quelque chose sur le cœur des femmes, il doit y avoir de meilleures ressources disponibles qui le font d’une manière plus biblique. Au risque de dire ce qui est évident, je recommanderais aux chrétiens de ne pas lire ce livre.

Article traduit de l’anglais. Merci à Sonia Shutes pour la traduction.

Tim Challies

Tim Challies est pasteur d'une Église à Toronto et l'auteur du blog Challies.com, l'un des sites les plus populaires au monde évangéliques. Retrouvez ici tous ses livres en français.

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