4 raisons de (re)lire Les Confessions d’Augustin

      Catéchismes et confessions de foiPères de l’ÉgliseRecension de livre
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      “Il existe une idée étrange.” Ce n’est pas moi qui le dis, c’est C. S. Lewis, l’auteur des Fondements du christianisme ou de Narnia. Et vous verrez que cette idée perdure…

      Il existe donc une idée étrange selon laquelle “les livres anciens devraient être lus uniquement par des professionnels et que l’amateur devrait se contenter des livres modernes1”. Faites le compte: combien de livres avez-vous lus dans le courant de cette année? Combien d’entre eux (excepté les livres bibliques) ont été écrits il y a plus de 150 ans? 500 ans? 1500 ans?

      Lewis, auteur moderne lui-même, recommandait la lecture de trois livres anciens pour un livre moderne. Il ne précise pas vraiment ce qu’il entend par "ancien", mais il cite Athanase, Socrate et bien sûr Augustin. Il nous faut donc remonter dans le temps.

      1. S’émerveiller de l’œuvre transformatrice de Dieu dans la vie d’hommes pécheurs comme Augustin

      Augustin nous raconte tout: son enfance, ses petits larcins, ses amours d’adolescent, etc. Sa mère était certes une chrétienne dévote, mais Augustin ne se voyait pas en chrétien et ne se destinait pas le moins du monde à une vie d’ecclésiastique. Non, lui, ce qu’il voulait, c’était vivre libre comme l’air, loin de sa mère – un peu étouffante, il faut le dire – et aller à Rome pour y devenir un grand rhéteur. Et c’est donc ce qu’il fit. Il aime les femmes, l’argent, la gloire – la vanité, comme il dira plus tard.

      Lire des (auto)biographies nous rappelle que Dieu agit dans la vie de vraies personnes qui vivent vraiment dans le temps et l’Histoire. Augustin a vécu à une époque troublée, à la charnière de deux civilisations3. Rome vacille. Les Vandales sont aux portes d’Hippone4, la ville où Augustin est évêque. Il a travaillé, écrit, prêché, débattu, réfléchi dans une colonie africaine en marge de l’Empire romain. Ouvrir le livre d’un auteur d’un autre temps et d’un autre continent, c’est s’obliger à éviter le piège du "snobisme culturel" que dénonce Lewis, et qui consiste souvent à se penser supérieur aux chrétiens des temps passés. Augustin est “l’une des figures, après Jésus et Paul, les plus importantes de l’histoire du christianisme5”.

      La Réforme […] était simplement le triomphe ultime de la doctrine augustinienne de la grâce sur la doctrine augustinienne de l’Église7.

      Augustin est un héraut de la grâce divine: il a “compris que l’être humain est incapable de choisir durablement les vraies valeurs, le bien et l’Éternel, sans la communion avec Dieu, sans la grâce divine8”. Mais paradoxalement, comme le souligne Piper, sa compréhension des sacrements, et en particulier du baptême, semble amoindrir l’action de Dieu au profit de celle des hommes. Augustin avait, comme chacun de nous, ses œillères et ses incohérences: à nous de les débusquer, les siennes comme les nôtres.

      2. Se rappeler de l’efficacité de la prière

      Seigneur, votre grandeur est infinie, et les plus hautes louanges sont infiniment au-dessous de vous. Votre puissance n’a pas de limite, et votre sagesse est sans mesure et sans bornes9.

      Je ne serais donc point, mon Dieu, je ne serais point du tout si vous n’étiez point en moi. Ou ne dois-je point dire plutôt que je ne serais point si je n’étais point en vous, de qui procèdent toutes choses, par qui subsistent toutes choses, et en qui sont contenues toutes choses?10

      Mon Dieu, je suis votre serviteur; je suis votre serviteur et le fils de votre servante: c’est vous qui avez rompu mes liens; et je vous en dois un sacrifice de louange11.

      3. Redécouvrir la grandeur de Dieu

      Curieusement, l’aveu [ou la confession13] c’est d’abord nous reconnaître humain. L’aveu est humain. […] Et être humain c’est manquer de Dieu; et manquer de Dieu, c’est manquer de soi14.

      Augustin avait compris qu’on ne pouvait être véritablement ce pour quoi Dieu nous avait créés qu’en reconnaissant notre besoin de lui, et donc notre petitesse et sa grandeur.

      Dans le monde d’Augustin comme dans le nôtre, l’accent était mis sur la connaissance, le savoir et la réussite. Son père dépensa sans compter pour lui offrir une place dans de bonnes écoles. Puis Augustin voulut aller au centre du monde, à Rome, pour se faire une renommée. Mais il découvrit, en se convertissant, que tout cela aussi n’était qu’illusion. La vraie source de la vie et de la joie se trouve en Dieu. C’est cette découverte qui lui permettra d’abandonner son rêve de gloire et de mettre ses dons au service de l’Église dans une ville bien plus modeste. Dès lors, il n’aura de cesse de prêcher la grandeur de la sagesse de Dieu.

      4. Apprendre avec Augustin à lutter contre les tentations en cherchant son plaisir en Dieu

      Dans Les rétractations, un livre qui retrace les controverses diverses contre lesquels il s’est battu, Augustin écrit:

      Les treize livres de mes aveux [confessions] célèbrent la justice et la bonté de Dieu par le bien et le mal que j’ai fait, et nous excitent à le connaître et à l’aimer15.

      Augustin confesse donc ses fautes. Cela ne nous choque pas, nous, lecteurs modernes: c’est courant, on connaît. Cela nous fait penser, de manière anachronique, à la pratique catholique de la confession à un tiers. Mais à l’époque d’Augustin, c’était très nouveau, presque choquant. Les biographies étaient rares (il y avait bien quelques pages qui retraçaient la vie de tel ou tel saint ou martyr, mais c’était justement des récits plutôt glorieux). Augustin confesse donc ses péchés, mais surtout son incapacité à se tirer d’affaire lui-même.

      Pour Augustin, avouer [confesser] sa vie, c’est arrêter de fuir. […] C’est s’inscrire dans un horizon d’obéissance et de gratitude16.

      Il y a donc une forme de repos, “de délassement” à avouer sa faute et à s’appuyer sur la grâce de Dieu. Et vous verrez qu’Augustin se livre à des aveux complets:

      Je mettais mon plus grand plaisir à aimer et à être aimé. Mais je ne demeurais pas dans les bornes de l’amitié chaste et lumineuse où les esprits s’entr’aiment d’une manière spirituelle. Les vapeurs grossières et impures qui s’élevaient de la boue et du limon de ma chair et des bouillons de ma jeunesse, obscurcissaient mon cœur17.

      Étant faits de la même pâte qu’Augustin, nous avons évidemment les mêmes genres de tentations: l’envie de plaire, l’orgueil, l’inquiétude, la sensualité, etc. Comme lui, nous avons besoin d’aide. Et l’une de ces aides, c’est justement de pouvoir bénéficier de l’exemple de ceux qui ont marché sur le chemin de la foi avant nous. Augustin déclare qu’il faut combattre le plaisir du péché par un plaisir supérieur, un plaisir que Dieu seul peut donner.

      Combien tout à coup trouvais-je de douceur et de plaisir à renoncer aux plaisirs des vains amusements de ce monde, et combien ressentis-je de joie à quitter ce que j’avais tant d’appréhension à perdre! Car vous qui êtes le seul et vrai souverain plaisir capable de remplir une âme, vous rejetiez loin de moi tous ces faux plaisirs et en même temps, vous entriez en leur place18.

      5. Une petite dernière pour finir!

      On a souvent dit qu’Augustin avait, sans jamais le savoir lui-même, jeté un pont entre le monde qui mourait devant lui et le monde naissant qui deviendrait notre monde19.

      Cet été, je vais marcher sur ce pont. Pourquoi pas vous?



      Pour aller plus loin

      Miryam Lott

      Miryam a grandi en Afrique où elle a fait ses premiers pas de foi. Elle est mariée et maman de deux garçons. Elle est membre d’une Église dans la région de Valence. Passionnée par les mots et les livres, elle est éditrice à BLF Éditions depuis 2023.

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