“Pourquoi?” Voilà une question que nous nous sommes tous déjà posée. Pourquoi souffrons-nous? Où est Dieu, et pourquoi permet-il tant de souffrance? Ce nouvel extrait du livre Où est Dieu dans nos souffrances? expose la réalité de la souffrance dans nos vies, tout en mettant en lumière la place de Dieu dans un monde marqué par la douleur et l'incertitude.
Je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j’entends plus fort, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s’arranger, que toute cette cruauté aura une fin, que le calme et la paix reviendront régner sur le monde.
Anne Frank
Pourquoi sommes-nous sur terre? Notre existence a-t-elle un sens? Pourquoi y a-t-il tant de souffrance dans le monde? Y a-t-il un Dieu, oui ou non? À quoi ressemble-t-il, ce Dieu? Quelles que soient vos croyances, à un moment de votre vie, vous vous retrouverez probablement avec cette question: “Pourquoi?” Et souvent, c’est lorsque nous traversons une période de souffrance que nous nous posons cette question. Notre tendance à nous demander "pourquoi?" est profondément humaine.
À l’âge de vingt-neuf ans, j’ai donné naissance à des jumeaux. On m’a si souvent demandé ce que cela faisait d’avoir des jumeaux, que je devrais pouvoir apporter une réponse concise et toute faite. Pourtant, je dois toujours m’arrêter et prendre une profonde inspiration avant de répondre, parce que c’est tellement difficile de trouver les mots! En fait, c’est une expérience extraordinairement intense. Quand ils sont petits, élever des jumeaux est si épuisant que l’on peut parfois se sentir complètement dépassé. En même temps, il y a aussi beaucoup de moments merveilleux. Les choses les plus simples comme manger, s’habiller ou sortir avec la poussette entraînent un chaos inimaginable.
Quand mes deux petits garçons ont commencé à parler et à formuler leurs pensées, ils sont tous deux passés par la phase "pourquoi?". Ils demandaient "pourquoi?" en stéréo chaque fois qu’on leur disait quelque chose. Un jour, j’ai compté quatre-vingt-dix-huit "pourquoi?" en une seule matinée. Je l’ai noté dans mon journal. Cette phase a duré pendant des semaines. Je ne sais comment, mais j’ai réussi à ne pas perdre la tête et j’ai survécu. Depuis, la question "pourquoi?" m’interpelle particulièrement: elle reflète notre humanité. Il semblerait que les êtres humains soient programmés pour demander "pourquoi?".
Nous avons le choix entre plusieurs points de départ dans notre réflexion sur la souffrance, ses origines, les raisons pour lesquelles elle nous affecte tant et la place de Dieu dans tout cela. De tout temps, les hommes se sont posé des questions sur la souffrance; ils y ont réfléchi et ont écrit à ce sujet. Mais leur point de départ n’a pas toujours été l’amour. Alors, doit-il être le nôtre? Pourquoi l’amour serait-il si important?
La philosophie orientale vous est peut-être familière. C’est au travers du double concept du karma et de la réincarnation qu’est perçue la souffrance. Le karma affirme que les événements douloureux que nous traversons sont liés à une loi morale qui détermine, selon le modèle de cause à effet, les circonstances de nos vies. Selon la loi du karma, si je tombe malade ou si j’ai un accident, je ne reçois que ce que je mérite. La cause de mes souffrances n’est pas forcément évidente au premier abord. En effet, le concept de réincarnation complexifie la recherche de cette cause. Cette approche affirme qu’au travers des multiples vies que nous vivons, l’univers nous recycle. Ainsi, nous pouvons subir les effets du karma pour un acte accompli dans une vie antérieure.
À Oxford, j’ai eu pendant quelques années une voisine qui était persuadée d’avoir appartenu, dans une vie antérieure, à la résistance française. Elle croyait avoir échoué à transmettre un message à temps pendant la guerre. Elle pensait que cet échec était la cause de ses douleurs au dos. C’était le karma. Le karma n’éprouve pas d’amour. La souffrance résulte d’un système de loi anonyme qui a décrété que nous méritions de souffrir.
Pour gérer la souffrance, le bouddhisme encourage ses adeptes à se détacher des choses de ce monde. La nuit où naît son premier enfant, Bouddha quitte sa femme et son palais en quête de l’éveil spirituel. Cela impliquait de rompre tout lien émotionnel pour se détacher de sa famille et du monde. La recherche bouddhique de l’éveil consiste essentiellement à suivre l’exemple du Bouddha en renonçant à tout.
Selon Bouddha, le désir entraîne la souffrance. Désirer quelque chose ou quelqu’un, c’est cela qui est à l’origine de la souffrance. La solution du bouddhisme est donc de supprimer tout désir pour atteindre un état d’illumination, une sorte de vide. La souffrance est-elle le prix à payer pour aimer? D’après la vision bouddhique du monde, oui. C’est pourquoi la meilleure manière d’éviter de souffrir serait de renoncer à tout attachement, et même de renoncer à aimer. Mais où est Dieu dans tout ça? Nulle part et partout. Dans cette conception du monde, Dieu n’est pas une personne; il est plutôt un état de conscience dans lequel nous comprenons que tout est un et que chacun fait partie du tout.
L’islam présente une perspective tout à fait différente. Cette religion monothéiste — n’ayant qu’un seul Dieu — est fataliste. Elle affirme qu’un Dieu transcendant possède le contrôle direct et absolu sur tout l’univers. Les êtres humains n’ont donc jamais vraiment le choix. Il n’existe véritablement qu’une seule volonté dans l’univers entier et c’est celle d’Allah. Voilà pourquoi l’expression Incha’Allah (“si Dieu le veut”) est tellement important pour les musulmans.
Il y a quelques années, un ami m’a raconté qu’il entraînait des soldats iraquiens pour le compte de leur propre armée. Un jour, ils ont fait un exercice de survie. Ils ont réquisitionné une piscine désaffectée et l’ont remplie. Puis l’officier britannique leur a expliqué qu’il les pousserait, chacun leur tour au fond de la piscine. Et cela tout habillé et avec leur paquetage militaire. Le but de l’exercice était de remonter jusqu’à la surface, de nager pendant un certain temps puis de sortir de l’eau.
Les deux premières recrues ont donc été jetées tout habillées à l’eau. L’une a lutté pour regagner la surface et s’est hissée hors de la piscine, mais l’autre a coulé comme une pierre. Les instructeurs ont vite compris que quelque chose n’allait pas: l’un d’eux a plongé pour récupérer le soldat avant de lui faire un massage cardiaque. L’homme s’est mis à cracher de l’eau et a pris de grandes bouffées d’air.
— Pourquoi n’as-tu pas nagé? ont-ils demandé en hurlant.
Le soldat a haussé les épaules.
— Si c’est la volonté de Dieu que je vive, je vivrai; si c’est la volonté de Dieu que je meure, je mourrai. Apparemment, Dieu a voulu que je vive.
Incha’Allah. J’accepte mon destin parce que c’est la volonté de Dieu.
Cette anecdote illustre bien comment l’idée que seule la volonté de Dieu compte peut influencer notre vision du monde et notre comportement. Et en toute logique, si le bien et le mal existent, c’est qu’ils sont tous deux issus de la volonté de Dieu 1 . Dit autrement, et en élargissant le propos, lorsque nous souffrons, nous pouvons en conclure que ce qui nous arrive est en lien direct avec la volonté de Dieu. Dieu est l’auteur de toute chose et nous devons l’accepter, un point c’est tout. Dans cette histoire, il n’y a pas vraiment de place pour l’amour. Ni pour les "pourquoi?", d’ailleurs.
Ce que nous pourrions appeler le naturalisme nous offre encore un point de vue différent. La vision naturaliste du monde découle de la croyance selon laquelle tout possède une explication naturelle (c’est-à-dire physique). À la question “Où est Dieu dans nos souffrances?”, le naturalisme répond: “Nulle part, puisque Dieu n’existe pas.”
Selon le naturalisme, la vie ne possède aucune dimension spirituelle ou religieuse: il n’existe pas de Dieu qui aurait créé le monde naturel. Les êtres humains ne sont soumis qu’à eux-mêmes et sont très capables de choisir leur destinée et leur propre morale. Toute souffrance découle donc du hasard: nous souffrons, car nous vivons dans un monde physique, rien de plus. Et puisque le monde est purement physique et biochimique, le naturalisme traite l’amour et tout sentiment envers une autre personne comme de simples phénomènes physiologiques. Pour un naturaliste, la douleur du deuil n’a aucune dimension métaphysique ou spirituelle profonde. La souffrance n’est, comme tout le reste, qu’un phénomène physique, matériel et naturel.
L’exemple d’une souffrance provoquée par une injustice morale sera plus parlant. Prenons celui d’une femme agressée sexuellement. Le naturalisme n’a pas de morale objective ancrée en Dieu. Il ne peut pas affirmer: “Le viol est mal, c’est une vérité absolue dont Dieu est le juge ultime.” Au contraire, le naturalisme se construit une morale subjective basée sur les préférences personnelles (“Je ne veux pas que cela m’arrive à moi ou à ceux que j’aime, donc c’est mal”) ou sur les tabous sociaux (“Ce comportement nuit à la société: nous devons donc créer des lois pour l’éviter”). L’auteur Richard Dawkins, grand défenseur du naturalisme athée, a déclaré dans une interview radio que “c’est à nous qu’il revient d’établir nos propres critères éthiques”.
Beaucoup pensent que la souffrance pose problème aux croyants. Mais en réalité, le problème de la souffrance ne disparaît pas quand nous nous débarrassons de Dieu. Le grand écrivain et philosophe athée Jean-Paul Sartre remarque qu’une culture qui cesse de croire en Dieu se retrouve face à d’importantes questions sur la souffrance, ainsi que sur le bien et le mal:
Car avec lui [Dieu] disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible; il ne peut plus y avoir de bien a priori, puisqu’il n’y a pas de conscience infinie et parfaite pour le penser [...] Si, d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine numineux2 des valeurs, des justifications ou des excuses3.
Mais depuis quelque temps, certains athées affirment, comme les croyants, que des critères moraux personnels ou contractuels ne suffisent pas. Au regard de la souffrance, les croyants ont souvent fait remarquer qu’il était nécessaire de se demander si nos préférences personnelles et sociales suffisaient à justifier nos lois morales. Après tout, le groupe État islamique (aussi appelé Daech) croit sincèrement faire ce qui est bon en Syrie et en Iraq, non? Qui sommes-nous pour dire que leurs préférences ou que la morale de leur société organisée autour du califat est mauvaise?
Les personnes racistes, ayant l’illusion d’appartenir à une race supérieure, ne sont-elles pas convaincues de croire ce qui est juste? Et les sociétés racistes n’ont-elles pas rendu légale la mise en pratique de ces convictions? Qui sommes-nous pour affirmer qu’elles ont tort? Certaines cultures ont rendu acceptables et légales des pratiques qui nous révoltent. Sous certains régimes, les tueries de masse ont été autorisées. C’était d’ailleurs encore le cas en Europe au XXᵉ siècle. Pourtant nous avons la forte intuition que c’est mal.
Les philosophes ont fait remarquer qu’une telle conclusion morale n’a de sens que s’il existe un point de référence absolu, un critère moral qui transcende l’individu et la société. Ils affirment qu’il s’agit là d’une bonne raison de croire en Dieu.
Seulement voilà, des athées comme Erik Wielenberg affirment aujourd’hui qu’il est inutile que Dieu existe pour justifier une morale absolue. Nous pourrions identifier des "vérités morales brutes" qui domineraient toutes préférences et toutes lois sociales, et ces vérités seraient absolues, bien que Dieu n’en soit pas la source. Cette théorie soulève toutefois un certain nombre de problèmes.
Pour soutenir leur point de vue, les croyants n’ont qu’une vérité brute à avancer: Dieu est à l’origine de ce qui est "bon" et c’est lui qui définit le bien et le mal. La morale humaine découlerait ainsi de ce fait. En revanche, pour soutenir leur théorie, les athées doivent proposer un grand nombre de vérités morales brutes. D’un point de vue philosophique, cela affaiblit leur thèse. Et plus important encore, l’athéisme devra expliquer la capacité de l’être humain à identifier ces vérités morales.
Comment pourrions-nous faire confiance à notre raison (et donc à nos facultés cognitives) si notre présence dans l’univers n’est que le fruit du hasard? Comment une masse d’atomes apparue par hasard pourrait-elle reconnaître avec exactitude ces vérités morales brutes? Il faut être réaliste: aujourd’hui, une morale absolue ne peut pas être clairement identifiée et justifiée sans l’existence d’une autorité morale ultime... Dieu. C’est pourquoi notre intuition, qui trouve que les injustices entraînant la souffrance sont mal et révoltantes, indique que Dieu est juge à la fois du bien et du mal. Il est aussi créateur de l’être humain qu’il a rendu capable de raisonner, de choisir et d’aimer.
Cette question possède une facette plus personnelle et plus profonde que les défenseurs du naturalisme devraient considérer: l’angoisse de l’être humain face à la souffrance. Si la vie humaine n’a aucune valeur sacrée, si elle n’est que le résultat d’un hasard chimique et biologique, quel sens devons-nous donner à l’angoisse et à l’indignation que nous ressentons lorsque quelqu’un souffre? Si Dieu n’existait pas, pourquoi les êtres humains auraient-ils une valeur intrinsèque? Et pourquoi aurions-nous une réaction émotionnelle si forte face à la souffrance? Le professeur Peter Singer affirme qu’en l’absence de Dieu, les êtres humains n’ont ni plus de valeur ni plus de sens moral que n’importe quel autre animal:
Quel que soit ce que l’avenir nous réserve, nous ne pourrons sans doute jamais complètement réhabiliter la vision selon laquelle la vie serait sacrée [...] Nous ne pouvons plus fonder notre éthique sur l’idée que les êtres humains ont été spécialement créés à l’image de Dieu et distingués des autres animaux. [...] La compréhension, plus aboutie aujourd’hui, que nous avons de notre nature a comblé le fossé qui semblait nous séparer des autres espèces. Alors pourquoi le simple fait qu’un être appartienne à l’espèce des Homo sapiens devrait-il le doter d’une valeur spéciale et presque inestimable4?
La vie humaine a-t-elle de la valeur? Au fond, est-ce important si des milliers de personnes meurent dans une pandémie mondiale? S’ils n’ont pas accès à un respirateur artificiel et s’ils sont isolés pour ne pas contaminer leurs proches? Pouvons-nous apprendre la mort de plusieurs jeunes gens abattus par leur camarade de classe déséquilibré, à l’autre bout du monde, et hausser les épaules? Réagissons-nous de la même manière à un documentaire animalier qui nous montre une lionne attaquant un phacochère et à une émission sur un tueur en série qui assassine des femmes? Je crois que la vie humaine a vraiment une valeur particulière. Notre réaction à la souffrance des autres — même inconnus — le prouve.
Ces réflexions nous mènent à une nouvelle question: s’il n’existe pas de Dieu pour conférer à la vie humaine sa valeur, son sens et un but qui dépasse notre simple existence physique, alors pourquoi nous révoltons-nous devant les massacres, la faim, l’injustice et la souffrance des autres? Pourquoi ce mal est-il si douloureux? Pourquoi la souffrance prend-elle tant de place dans notre vie? D’où nous vient cette intuition que l’être humain a de la valeur et mérite d’être traité avec dignité? L’indignation que nous ressentons face à la souffrance (y compris celle d’inconnus) et notre expérience personnelle de la douleur vont dans le même sens que notre intuition. Toutes deux démontrent que la vie humaine vaut bien plus que ce que certains prétendent. Où est Dieu dans nos souffrances? Peut-être que notre indignation face à la souffrance est destinée à orienter notre regard au-delà de nous-mêmes et à rechercher à la fois s’il y a un sens et s’il existe un être transcendant.
Je vous ai présenté trois points de départ possibles pour une réflexion sur la souffrance: le naturalisme, le bouddhisme et l’islam. Mais il existe une autre possibilité, et c’est celle-ci que je voudrais explorer avec vous au fil de ces pages. Il s’agit de la perspective judéo-chrétienne, et plus particulièrement la perspective chrétienne. Cette conception du monde affirme l’existence de Dieu. Dieu est une personne; il est profondément aimant et il a créé les êtres humains à son image en leur permettant de raisonner, de choisir et d’aimer. La souffrance nous affecterait donc tant parce que chaque être humain a vraiment de la valeur. Nous sommes porteurs de l’image divine. Par conséquent, notre vie et notre bien-être sont sacrés. Cela voudrait donc dire que la souffrance et la douleur nous affectent à plusieurs niveaux, et pas seulement physiquement. Si Dieu existe vraiment et s’il est un Dieu d’amour, la souffrance sera le prix à payer pour aimer. Je ne peux pas aimer véritablement si on ne m’en laisse pas le choix. L’amour ne peut être forcé. Prendre le risque d’aimer, c’est prendre le risque de souffrir.
Dans le premier livre de la Bible, la Genèse, l’auteur dit que les êtres humains ont été faits à l’image de Dieu.
Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu. Il créa l’homme et la femme.
Genèse 1.27
La foi chrétienne affirme que l’être humain est "à l’image de Dieu". Ainsi, notre vie a une valeur intrinsèque parce que nous sommes porteurs de l’image divine. Qui que nous soyons, que nous croyions en Dieu ou non, nous sommes des créatures empreintes de dignité. Ce qui fait de vous la personne que vous êtes provient d’une source transcendante. Votre valeur n’est pas imaginaire ou inventée. Elle est bien réelle et elle est fondée sur l’image divine que vous portez en vous.
Pour répondre à la question “pourquoi Dieu permet-il la souffrance?”, la Bible part du principe que tous les êtres humains sont porteurs de l’image de Dieu. Cela soulève une autre question: si nous avons tant de valeur et méritons tant de dignité, pourquoi subissons-nous tant de souffrance, de douleur et de chagrin? Comment un Dieu pourrait-il être bon et permettre cela? La souffrance de notre monde remet-elle en cause, non seulement la bonté de Dieu, mais aussi son existence?
La Genèse évoque un Dieu bon, créateur d’un monde bon. Dans le premier récit de la création, l’auteur répète comme un refrain l’expression “Dieu vit que c’était bon”. Ensuite, Dieu place les premiers êtres humains dans un environnement prévu exprès pour eux — un jardin — où ils pourront exercer leur capacité à choisir.
L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour qu’il le cultive et le garde. L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme: “Tu pourras manger les fruits de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras, c’est certain.”
Genèse 2.15-17
Dieu ayant donné aux hommes la faculté d’aimer, il devait aussi leur donner la possibilité de choisir. Car pour aimer, il faut être libre de le faire. Le côté sombre de l’existence humaine, que nous constatons tous à travers l’injustice, l’égoïsme et toute la souffrance du monde, a forcément une explication! D’où vient-il? Que nous dit la foi chrétienne à ce sujet? Selon la Bible, l’explication à la souffrance, la douleur et le mal est à chercher dans la capacité d’aimer et donc de choisir des êtres humains.
Quand j’étais adolescente et que j’habitais à Birmingham, en Angleterre, je me suis liée d’amitié avec une jeune fille que ses parents voulaient marier de force à un homme qu’elle ne connaissait pas. Elle n’avait que quinze ans et elle était terrorisée. Elle avait toutes les raisons de l’être: l’année précédente, une autre fille de sa famille éloignée avait subi le même sort. La jeune femme avait voulu s’enfuir, mais elle s’était fait renverser par une voiture. Ensuite, elle avait été ramenée chez elle, puis emmenée de force à l’étranger pour être mariée. Plus personne n’avait eu de ses nouvelles depuis. Mon amie ne voulait pas subir le même sort: elle désirait aimer et être aimée. Elle sentait bien qu’être mariée de force à un inconnu, puis violée régulièrement, n’avait rien à voir avec l’amour. Elle était convaincue que l’amour qu’elle avait à donner et celui qu’elle était capable de recevoir ne pouvaient être forcés. Finalement, des amis l’ont aidée à s’enfuir et à trouver un refuge.
Le véritable amour doit être offert et reçu de son plein gré; sinon, ce n’est pas de l’amour. Nous en sommes tous conscients.
Après avoir expliqué que les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu, la Genèse nous raconte l’histoire d’un homme et d’une femme: Adam et Ève. Ils habitent un magnifique jardin, appelé le jardin d’Éden. Le bonheur, l’abondance et l’harmonie règnent dans ce lieu. Dieu a déclaré "bon" tout ce qui s’y trouvait. Une relation d’amour équilibrée lie les êtres humains entre eux. Elle fait aussi le lien entre l’humanité et la création et entre l’humanité et Dieu. Leurs relations étaient si harmonieuses que la Genèse raconte qu’Adam et Ève se promenaient en parlant avec Dieu dans la brise du soir. Le récit nous dit que le couple avait le droit de manger de tous les fruits des nombreux arbres qui poussaient dans le jardin, sauf un. Le Créateur d’Éden et du monde entier marche dans ce jardin avec l’homme et la femme: quelle belle image d’harmonie et d’intimité.
La présence de cet arbre dont ils n’ont pas le droit de manger le fruit place l’homme et la femme face à un véritable choix. Dans le cadre de cette relation d’amour équilibrée, Dieu établit une limite. C’est cela qui leur donne la capacité de choisir. L’homme et la femme pourraient choisir de ne pas manger de ce fruit et de préserver l’harmonie de leur relation. Ils pourraient aussi choisir d’ignorer les limites établies et de faire comme bon leur semble. Cette liberté de choix prouve qu’ils ne sont pas des robots programmés et contrôlés par le Créateur. Ils possèdent la liberté de prendre leurs propres décisions. C’est cela qui rend possible leur relation d’amour. Alors, Adam et Ève exercent tous les deux leur liberté de choix et mangent du fruit défendu.
Ce premier récit biblique nous apprend que Dieu, qui est amour, a créé un monde où il est possible d’aimer. C’est pourquoi notre monde est aussi un monde où il est possible de choisir. Cela signifie que nous pouvons utiliser notre capacité de choisir à la fois pour aimer et pour blesser. Voilà pourquoi notre monde est rempli d’injustice, de souffrance et de chaos. Le récit de la Genèse nous montre quelles sont les conséquences de nos choix sur nous-mêmes, mais aussi sur les autres et sur la terre entière. Les premiers hommes ont choisi, non pas d’aimer Dieu, mais au contraire, d’essayer de prendre sa place. Ils voulaient décider eux-mêmes de ce qui est bien et mal. Au fur et à mesure du récit biblique, nous sentons une forme de progression entre la décision d’Adam et Ève et les conséquences plus larges des nombreuses manifestations d’égoïsme qui suivront. Finalement, tout le monde en est affecté et pas uniquement les auteurs des mauvaises décisions. Autrement dit, nos choix ont des conséquences non seulement sur nous-mêmes, mais aussi sur les autres, ainsi que sur l’ordre même de l’univers.
Dans la perspective chrétienne, le chaos et la souffrance sont le résultat direct de la manière dont nous exerçons notre capacité morale à choisir. Notre souffrance est réelle et elle est douloureuse. Si elle est si douloureuse, c’est parce que nous sommes bien plus que la chimie de notre corps: nous ne sommes pas arrivés sur terre par accident. La vie humaine trouve son origine chez un être transcendant: nous sommes porteurs de l’image de Dieu. Et d’une manière ou d’une autre, nous savons que c’est vrai. Nous le sentons, chez nous et chez les autres, même chez ceux que nous ne connaissons pas vraiment — et cela même si nous ne croyons pas en Dieu. Pour la foi chrétienne, la vie a une valeur inestimable et notre souffrance (la nôtre ou celle d’autrui) compte profondément. Voilà qui devrait nous aider à comprendre pourquoi nous ressentons la souffrance si intensément.
Dans le récit biblique, l’amour, les relations et la liberté sont par nature intimement liés, mais ce n’est pas tout. Comme nous le verrons dans les chapitres qui suivent, ils sont aussi étroitement liés à notre expérience de la souffrance. Or ce récit a encore beaucoup à nous dire. En effet, il nous présente un Dieu qui, quand nous souffrons, est non seulement présent à nos côtés mais aussi souffrant avec nous.
Quand nous expérimentons la souffrance, la maladie, le deuil, la colère ou même la violence, notre douleur nous pousse à nous poser ces questions: “Où est Dieu? Comment peut-il permettre cela?”
Au cours de notre exploration, nous nous demanderons s’il est vraiment possible de faire la rencontre d’un Dieu prêt à porter le péché, la douleur et le mal sur ses propres épaules — un Dieu prêt à fournir un moyen pour que nous soyons pardonnés et restaurés. Nous nous demanderons s’il existe un Dieu capable de tenir sa promesse d’essuyer toute larme de nos yeux si nous lui faisons confiance.