Les prêtres ne pouvaient pas servir s’ils avaient des défauts corporels. Est-ce qu’il s’agit de discrimination? Pourquoi une telle règle, qui paraît arbitraire? Quelques réflexions dans cet article.
Lévitique 21 met en avant différentes règles concernant les prêtres. En particulier, nous voyons que les attentes sont plus élevées pour eux, en tant que chefs religieux du peuple. Certaines choses légitimes pour le reste des Israélites sont interdites aux prêtres (Lv 21.1-5), cela en raison de leur rôle: non seulement rien ne doit les détourner de leur service continuel dans le tabernacle, mais aussi leur vie doit manifester de manière encore plus particulière la sainteté de Dieu.
Parmi les règles adressées aux prêtres, nous trouvons des conditions qui peuvent peut-être nous surprendre, voire nous choquer, en tant qu’auditeurs modernes:
16 L'Éternel parla encore à Moïse, en disant: 17 Parle à Aaron, et dis-lui: L'homme de ta race, dans vos générations, qui aura un défaut corporel, ne s'approchera point pour offrir le pain de son Dieu; 18 car tout homme qui aura un défaut n'approchera pas: un homme aveugle, ou boiteux, ou camus, ou qui aura quelque membre disproportionné; 19 ou un homme qui aura une fracture au pied ou à la main; 20 ou qui sera bossu ou grêlé, ou qui aura une tache à l'oeil, ou qui aura la gale ou une dartre ou les testicules écrasés. 21 Tout homme, de la postérité d'Aaron le sacrificateur, qui aura un défaut, ne s'approchera point pour offrir les sacrifices faits par le feu à l'Éternel; il y a un défaut en lui; il ne s'approchera point pour offrir le pain de son Dieu. 22 Il pourra bien manger le pain de son Dieu, des choses très saintes, et des choses consacrées; 23 mais il n'ira point vers le voile, et ne s'approchera point de l'autel, car il y a un défaut en lui; il ne profanera point mes sanctuaires, car je suis l'Éternel qui les sanctifie.
Lévitique 21.16-23, version S21
Pour exercer en tant que prêtre, il ne suffisait pas simplement d’être de la bonne tribu, d’avoir la bonne généalogie… mais il fallait aussi ne présenter aucun défaut corporel. Il fallait être parfait physiquement. Que faire d’une telle règle?
D’abord, il faut bien comprendre ce qui est interdit et ce qui est permis. Ce n’est pas que de telles personnes ne pouvaient pas être prêtres. Non, ces hommes gardaient leur statut de prêtre: ils pouvaient manger de la nourriture sainte, et même de la nourriture très sainte (v. 22). Ils n’étaient pas exclus de leur peuple, ils n’étaient pas exclus de participer à la table du Seigneur.
L’interdiction est bien spécifique, comme on le voit au verset 23: ils ne pouvaient pas aller vers le voile ni s’approcher de l’autel. Cela veut dire qu’ils ne pouvaient pas servir dans le sanctuaire, le lieu de la présence de Dieu.
Il y a plusieurs choses à garder en tête pour bien comprendre cette interdiction. J’en mentionnerai quatre, en étant conscient qu’il y a plus qui pourrait être dit.
D’abord, il faut garder à l’esprit la réalité de la chute, telle que racontée dans Genèse 3.
Dieu a créé un monde parfait, sans aucune imperfection morale ni physique. Mais lorsque l’être humain s’est rebellé contre Dieu, les conséquences ont été cosmiques. Tout l’univers a été impacté: la corruption est entrée dans la bonne création de Dieu. La création a été soumise à l’inconsistance et a été maudite (Rm 8.20). Cela a entraîné l’imperfection morale de l’être humain, mais aussi l’imperfection physique, dont la mort fait partie.
Ces défauts corporels ne sont pas des choses immorales, mais ils sont le fruit de la corruption de ce monde. Ce ne sont pas des choses qui faisaient partie de la bonne création de Dieu. Même si cela peut paraître insensible aujourd’hui, il faut dire que ces défauts corporels ne sont pas des choses normales, dans le sens où l’être humain ne ressemblait pas à cela lorsque Dieu l’a créé, et ce n’est pas à cela que l’être humain ressemblera dans la nouvelle création.
Ensuite, il faut garder en tête la valeur de l’être humain. Il faut souligner que la chute, la corruption de ce monde, n’entraîne pas un degré de valeur différent entre les êtres humains. Ces défauts corporels ne rendent pas quelqu’un moins humain, moins créé à l’image de Dieu, ni ayant moins de valeur aux yeux de Dieu.
En fait, il faut réaliser que la vision chrétienne du monde est précisément celle qui permet d’affirmer cela avec la plus grande force. Selon la Bible, chaque être humain a de la valeur. Une valeur unique, fixe, qui ne change pas. Peu importe son apparence, peu importe ses capacités physiques et mentales, peu importe son âge, qu’il soit dans le ventre de sa mère ou à l’extérieur. La valeur d’un être humain ne dépend pas de son apparence, mais de ce qu’il est en tant que créature de Dieu, porteur de son image.
Troisièmement, il faut garder en tête le but du livre de Lévitique, qui est de revenir en Éden. Le jardin d’Éden était l’endroit parfait, le bon monde tel que Dieu l’avait créé, où l’être humain vivait dans la présence de Dieu. La rébellion de l’homme a fait qu'il a été chassé du jardin d’Éden, et depuis, il ne cesse de s’en éloigner. L’un des buts du livre de Lévitique est, en quelque sorte, de ramener le peuple dans le jardin d’Éden. Le message central du livre de Lévitique, c’est la présence de Dieu parmi son peuple. Cela se passait en Éden, et c’est vers cela que le système du tabernacle et des sacrifices pointe (cf. Lv 9.22-24).
Il est donc normal qu’il y ait des règles. Pour un Dieu saint, ce n’est pas rien d'habiter parmi un peuple pécheur. Comment cela est-il même possible? Le livre de Lévitique montre que la seule manière par laquelle cela est possible, de manière temporaire, c’est si tout se rapproche au maximum de la perfection – celle du jardin d’Éden.
Cela aide à comprendre certaines règles du livre de Lévitique, qui avaient un but pédagogique, c’est-à-dire d’enseigner le peuple, avec une portée symbolique. C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne les animaux purs et impurs, ceux que l’on peut ou ne peut pas manger (Lv 11), ou de manière générale, les règles de pureté et d’impureté (Lv 12-15). Il ne s’agit pas de règles arbitraires. Ce qui est impur est lié, d’une certaine manière, au jardin d’Éden, à la bonne création de Dieu. Il ne faut pas manger tout ce qui s’éloigne d’Éden, tout ce qui rappelle la malédiction liée à la chute de l’homme, tout ce qui s’approche, d’une manière ou d’une autre, de l’imperfection1.
Enfin, il faut se rappeler le rôle que joue le tabernacle lui-même. Le tabernacle était le lieu de la présence de Dieu parmi son peuple. Le tabernacle était, on pourrait dire, un "Éden miniature". C’était là que les prêtres servaient, tout comme Adam servait dans le jardin d’Éden au début de la création. C’est là qu’ils rencontraient Dieu. Il est donc nécessaire que le service dans le tabernacle ressemble le plus possible à ce qui était vrai dans le jardin d’Éden.
Cela explique pourquoi, dans le tabernacle, tout ce qui rappelle la malédiction liée à la chute, l’entrée du péché dans le monde, doit être mis de côté. Ce n’est pas que c’est moralement mauvais, mais plutôt que c’est un rappel de la corruption de ce monde, du péché humain et des conséquences de la chute. Ces choses ne peuvent pas faire partie de l’"Éden miniature".
Tout cela nous aide à comprendre pourquoi les prêtres présentant un défaut corporel ne pouvaient pas servir dans le tabernacle comme les autres. Un corps sans défaut symbolise la perfection, la création originelle de Dieu, les choses telles que Dieu les a créées, sans péché. La perfection physique symbolise la perfection morale2.
Au contraire, l’imperfection rappelle la réalité du péché, la malédiction de l’être humain et la chute. Ce n’est pas compatible avec la sainteté de Dieu. Ce n’est pas compatible avec la perfection qui doit être présente dans le tabernacle, de manière symbolique.
On le voit dans Lévitique 21.23, où la raison de l’interdiction est donnée:
Il ne profanera pas mes sanctuaires […].
Il est question de rendre profane le tabernacle. Le tabernacle, lieu de la présence de Dieu, doit se rapprocher le plus possible de la création originelle de Dieu, de la perfection qui existait avant la chute. Tout ce qui s’en éloigne doit être écarté.
S’il existe donc cette interdiction pour les prêtres, si la perfection physique est requise, ce n’est pas parce que ceux qui avaient un défaut corporel avaient péché et que ceux qui n’en avaient pas n’avaient pas péché. Non, c’était plutôt un rappel général du péché: un rappel de la réalité du péché de chaque être humain et de la distance qui existe entre Dieu et les humains.
En conclusion, il est intéressant de noter deux choses.
D’abord, bien que tout ait beau "ressembler" à l’Éden dans le service du tabernacle, c'était encore loin de la perfection. Perfection physique ne veut pas dire perfection morale. Tout peut être beau à l’extérieur, mais corrompu à l’intérieur (Mc 7.17-23). Même ce système élaboré, qui visait à atteindre le maximum de perfection possible de la part des êtres humains, était insuffisant. Il faut une autre solution.
Ensuite, la perfection physique demandée des prêtres (Lv 21.16-24) est aussi demandée des sacrifices (Lv 22.17-25). Il faut un sacrifice sans défaut physique, parfait. Par cela, Dieu montre à son peuple que l’accès à sa présence ne peut se faire qu’au travers d’un sacrifice parfait, par un prêtre parfait. Le Seigneur Jésus remplit ces conditions, étant le prêtre sans péché (Hé 7.26-28), et l’agneau “sans défaut et sans tâche” (1P 1.19).
Cet article est adapté d’une prédication sur Lévitique 21-22. Le style oral a été conservé.
webinaire
COCA: une méthode simple pour comprendre et appliquer la Bible
Découvre ce replay du webinaire de Stéphane Kapitaniuk enregistré le 13 octobre 2016.
Orateurs
S. Kapitaniuk