Un pasteur vous répond

Comment concilier les chronologies divergentes entre 2 Samuel et 1 Chronique? (Épisode 135)

HerméneutiqueInspiration et InerranceTextes difficiles

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Publié le

27 juil. 2018

Aujourd'hui Florent répond à une question plutôt technique sur la compatibilité entre 2 Samuel et 1 Chronique. Dans cet épisode, Florent va donner la solution à cette différence, qui ne met en rien à mal l'inerrance de la Bible!

Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.

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Si tu as une question adressée à Florent Varak, commence par consulter la liste des podcasts existants ici et si le sujet n’a pas encore été traité, tu peux poser ta question à l’adresse: contact@toutpoursagloire.com.

Transcription:

Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire. comNous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont mises à disposition mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. N’hésitez cependant pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Merci d’avance.

Alors la question du jour est la suivante:

Bonjour, en lisant les passages parallèles de 2 Samuel 5 et 6, et 1 Chroniques 13 et 14, je m’aperçois qu’en 2 Samuel l’affermissement de David et la guerre contre les Philistins sont relatés avant le transport de l’arche et l’épisode de Uzza, alors que en 1 Chroniques, le transport de l’arche vient avant la guerre contre les Philistins. Je me demande pourquoi la chronologie de ces deux évènements n’est pas la même.

Merci pour la question. Ce qui est super, c’est que ça relève une lecture attentive et attentionnée du texte, bravo! Je trouve que c’est toujours génial quand on essaye de rentrer dans le texte, de mieux le comprendre et de le comparer, notamment lorsque l’on a des récits qui sont en parallèle, c’est le cas des livres de 2 Chroniques avec les livres de Rois ou les livres de Samuel.

Alors avant de rentrer dans le fond du sujet et puis d’aborder ta question à proprement parler, je ne sais pas si tu savais que, pendant des siècles la chronologie des rois de Chroniques et la chronologie des rois de 1 et 2 Rois étaient irréconciliables. Au point que pour les critiques, c’était vraiment du « pain béni » si je peux me permettre l’expression, pour contester l’autorité et la fiabilité de la Bible. Et bien sûr le concept de l’inerrance était vite contesté parce que il y avait des différences irréconciliables dans les chronologies, donc dans les évènements que nous rapportaient le livre des Rois et le livre des Chroniques.

Ça a duré des siècles jusqu’à ce que Edwin Thiele, dans un livre qui s’intitule The Mysterious Numbers of the Hebrew Kings (Les nombres mystérieux des rois hébreux), au siècle dernier, trouve la solution et explique ce qui était de ces problèmes de différences dans la chronologie des rois. Et il faut donner aussi le crédit à un certain nombre de prêtres érudits belges qui, un peu auparavant Thiele – mais Thiele n’était pas au courant de cela, on était bien avant Internet et la diffusion des informations était moins facile -, et donc des érudits belges avaient également noté les mêmes choses en amont de Thiele. Donc Thiele a reçu le crédit un peu international de cette découverte, parce que le monde anglophone à ce moment-là avait plus d’impact sur l’érudition, en tout cas l’érudition protestante, et donc ça s’est répandu assez vite. Bref. Il a montré que trois principes avaient présidé à la rédaction de ces ouvrages.

– Premièrement, on comptait la première année d’un règne parfois une seule fois et parfois deux fois parce qu’on estimait que l’année commencée avant le début de l’année officielle devait être comptabilisée comme une année complète. Donc ça créait un niveau de problème et cette règle faisait que parfois, il y avait des différences.

– Deuxièmement, que parfois le règne était comptabilisé alors qu’un roi rival était encore au pouvoir, ce qui décalait énormément l’ensemble. Un peu comme, quand est-ce qu’on dit que David était roi… à partir de son onction ou à partir du moment où il a été affermi et reconnu par l’ensemble de son peuple? Donc ça a créé aussi des divergences.

– Et enfin, et c’était le plus spectaculaire, c’est splendide de précisions d’ailleurs, il a démontré que le royaume de Juda comptait le règne à partir du mois de Tishri en automne, alors que le royaume du Nord comptait le règne à partir du mois de Nisan au printemps. Deux grandes fêtes qui permettent d’expliquer que le début de l’année pour les uns c’était à ce moment-là, et pour les autres à ce moment-là, ou en tout cas les débuts des règnes étaient comptabilisés en ces termes.

Et avec ces trois principes, Thiele a su harmoniser des données qui semblaient jusque là irréconciliables. Et c’était vraiment un bel encouragement pour tous ceux et toutes celles qui, sans pouvoir dire pourquoi, tenaient mordicus en la fiabilité et la fiabilité historique de la Bible. Et donc je voulais juste raconter cette histoire, parce qu’il est probable qu’elle ne sorte pas trop dans des questions de ToutPourSaGloire, mais juste pour te montrer à quel point la Bible est fiable, même si pendant longtemps parfois, on n’est pas capables de la démontrer, parce qu’il nous manque des données ou il nous manque des clés de lecture qui ne seront disponibles que ultérieurement.

Je reviens maintenant à ta question, et de réfléchir à cet ordre différent des évènements que l’on trouve entre 2 Samuel et 1 Chroniques.

Alors comme je ne suis pas un expert de l’Ancien Testament, et que j’étais paresseux sur ce podcast, j’ai envoyé un mail à deux de mes amis, qui sont beaucoup plus au courant que moi. D’un côté il y avait G. B. qui me dit la chose suivante: « Chroniques a été écrit tardivement » – alors je partage pas forcément la date qui est la sienne, mais il suggère en tout cas que Chroniques, et ça tout le monde est relativement d’accord dans les commentaires, que la volonté de développer une théologie du culte et l’honneur du rôle des Lévites et la gloire de la lignée davidique est au centre de la préoccupation du chroniqueur, l’auteur des Chroniques, ce qui n’est pas le cas de celui qui a écrit Samuel.

Et on le voit d’ailleurs, et c’est G. qui me le rappelle, parce que Chroniques ne mentionne pas la chute de David par exemple parce que cela ternirait la vocation davidique, et toute l’orientation de ce livre des Chroniques vise l’établissement d’un culte qui soit adéquat. Alors, quel est le lien avec ta question?

C’est très simple: il y a une liberté éditoriale que prend l’auteur des Chroniques pour présenter des évènements dans l’ordre qui lui semblait nécessaire pour mieux réaliser son ambition. D’ailleurs, on trouve la même chose dans les 4 évangiles, n’est-ce pas? Nous voyons dans les 4 évangiles qu’il y a des propos qui sont rassemblés différemment en fonction de l’objectif du narrateur. L’évangile de Matthieu a un autre objectif que l’évangile de Jean et il pioche des évènements qu’il assemble de façon thématique parfois, et de façon non chronologique. Ce n’est pas un problème, et j’y reviendrai dans un instant. Luc par contre, qui est écrit par Luc qui est un médecin, son ouvrage reflète un peu la caractérisation de quelqu’un de précis, d’attentionné, de cultivé, est beaucoup plus chronologique, beaucoup plus attentif à la chronologie et son ouvrage reflète cette préoccupation.

Alors j’ai dit que j’avais deux amis experts en Ancien Testament, enfin j’en ai plus, mais en tout cas, c’est des amis proches et il y avait Tom Blanchard qui est professeur d’Ancien Testament, qui a beaucoup enseigné à l’Institut Biblique de Genève, et dans le cadre également qui est l’un des auteurs de bien des fascicules que je te recommande à l’Institut de Théologie Évangélique Appliquée, tu peux les utiliser pour des groupes de maison ou pour former l’Église sur une meilleure compréhension des textes de l’Ancien Testament. C’est vraiment superbe comme travail, merci à Tom de l’avoir réalisé! Et il me dit, je cite:

C’est simplement que l’auteur des Chroniques veut souligner ces points particuliers, particulièrement l’importance de préserver un culte juste et vrai au-dessus de tout et dans tout ce que nous faisons.

Donc là encore, une préoccupation explique pourquoi l’auteur des Chroniques a choisi d’agencer les éléments qu’il voulait mettre en avant.

Alors j’ai regardé quelques Bibles avec notes et voilà ce que je tire de l’une d’entre elles:

L’arche signifiait l’alliance mosaïque et était le symbole et l’emplacement de la présence de Dieu sur la terre. Mais il avait été négligé tout au long du règne de Saül, étant déposé dans le village de Kiriath-Jearim. Le souci de David pour l’arche est un signe de son engagement vers Dieu et de son respect fidèle pour la fondation religieuse d’Israël depuis l’époque de Moïse. Son action sur cette préoccupation conduit directement à l’établissement de l’alliance de Dieu avec lui (chapitre 17) et l’alliance davidique devient à son tour la base nouvelle et élargie de l’existence d’Israël. L’alliance mosaïque, cependant, reste toujours le fondement. Le Chroniqueur s’écarte de l’ordre de sa source (2 Samuel 5 et 6) pour présenter la première tentative de David de récupérer l’arche (1 Chroniques 13, 2 Samuel 6) avant l’établissement de sa maison et de sa famille à Jérusalem et sa défaite des Philistins. Le but de ce repositionnement des évènements est de montrer où se trouvent les vrais priorités de David.

En d’autres termes, le livre de Chroniques reprend les événements qui montrent à quel point David était un roi différent de Saül. Il avait dans son cœur des priorités qui honoraient Dieu, vraiment il avait le désir d’honorer Dieu dans tout ce qu’il faisait, et c’est ce que veut souligner l’auteur de Chroniques, parce que lui, il va détailler un peu toutes les conséquences que ça a dans la vie d’Israël, cette alliance davidique qui a été établie entre Dieu et David. David a cherché le Seigneur, et c’est ce que l’on en observe d’ailleurs dans le texte 1 Chroniques 13 qui dit:

David tint conseil avec les chefs de milliers et de centaines, avec tous les dirigeants, et David dit à toute l’assemblée d’Israël: « Si vous le trouvez bon et si cela vient de l’Éternel, notre Dieu, envoyons des messages de tous côtés vers nos frères qui restent sur toutes les terres d’Israël, et aussi vers les sacrificateurs et les Lévites aux abords de leurs villes, afin qu’ils se rassemblent auprès de nous. Nous ramènerons auprès de nous l’arche de notre Dieu, car nous ne sommes pas allés la chercher du temps de Saül. » Tout l’assemblée se prononça pour qu’on fasse ainsi, car la chose parut convenable à tout le peuple.

Et tu vois il y a vraiment ce souci de la part de David d’honorer Dieu, de faire ce qui est juste et ce qui est droit, ce qui n’était pas la préoccupation de Saül et le chroniqueur veut le souligner. Et Tom m’envoie un commentaire qui le dit également de cette manière:

1 Chroniques 13 est parallèle à la première partie de 2 Samuel 6. Chronologiquement, les événements qu’il décrit suivent les guerres de David avec les Philistins, et peut-être la construction de son palais aussi. Mais pour le Chroniqueur, le récit de la recherche de David pour l’arche de Dieu a préséance sur ces autres questions, qu’il développe au chapitre suivant (14). Car, logiquement dans son esprit, la piété a une plus grande signification que l’action civile. La principale préoccupation d’Esdras était de conduire les membres de sa communauté juive post-exilique dans un engagement enthousiaste à la foi et les pratiques prescrites dans la loi de Moïse. Il décrit ensuite la tentative du roi d’amener l’arche de l’alliance à Jérusalem, ce qui illustre un désir renouvelé d’Israël à chercher Dieu et de se prosterner devant lui. Même la suspension temporaire de la tentative de David – tu te souviens de ce qui s’est passé – est devenue une démonstration de la nécessité d’une conformité exacte aux normes divines pour le culte, tandis que la bénédiction qui a suivi les soins d’Obed-Edom illustrait la récompense positive de Dieu pour la fidélité.

Et en fait, si tu prends deux livres d’histoire qui racontent une guerre, et tu prends ces deux livres par deux auteurs qui abordent le conflit chacun de la part des armées adverses, tu réaliseras que bien des choses seront omises de part et d’autre pour souligner -plus noblement- la part de leur armée. Et c’est un peu ce qui se passe avec Chroniques. Il y a beaucoup de difficultés dans l’établissement du règne de Dieu dans la théocratie qu’était Israël, et donc le chroniqueur veut souligner certaines choses principales, et il a décidé d’agencer le récit pour montrer de façon plus vivide dans son récit, pourquoi l’alliance davidique est beaucoup plus importante et pourquoi le culte lévitique est si important dans la suite de la vie d’Israël.

Alors est-ce que ça crée un problème avec l’autorité, la fiabilité des Écritures? Pas du tout. Pourquoi? Ça créerait un problème s’il y avait des marqueurs temporels exclusifs et absolus. Par exemple, si nous trouvions des expressions comme « premièrement il y a eu ça », « trois jours après ça il y a eu ça », « un mois avant il s’était passé ceci », « deux mois plus tard il s’est passé ceci » et s’il y avait des contradictions formelles. Mais le fait de retracer des événements et de les retracer dans un autre ordre, c’est un récit qu’il nous est donné, ce n’est pas un récit d’Histoire avec une chronologie quotidienne des évènements. C’est un récit qui a une fonction, et une fonction d’édification. Et en cela, c’est totalement compatible avec les normes littéraires de l’époque, c’est totalement compatible avec ce que nous ferions aujourd’hui. Il y a plusieurs manières de raconter la Seconde Guerre Mondiale et on commencerait parfois, selon ce que l’on a envie de mettre en avant, par certaines situations et pas par d’autres, ou on les placerait différemment pour que le lecteur qui commence à découvrir ce thème soit conduit à réfléchir selon la perspective de l’auteur.

En cela, j’espère t’avoir convaincu que premièrement, cela s’explique très bien et deuxièmement cela ne génère aucun problème vis-à-vis de la fiabilité de l’Écriture.