Si Paul veut prêcher Christ crucifié, pourquoi n’a-t-il pas mentionné la croix dans son discours à Athènes dans Actes 17? Cet article vise à montrer que Paul n’a pas changé d’approche, mais qu’il a le même but dans les deux cas.
Dans Actes 17, Luc (l’auteur du livre des Actes) nous rapporte le discours de Paul à Athènes, au sein d’une culture qui rejette Dieu. Plusieurs choses sont intéressantes dans ce discours (j’en relève certaines dans cet article, et Matt Giralt dans cet article). Une chose qui peut être particulièrement surprenante, c’est que Paul passe beaucoup de temps à poser les fondements pour aider à comprendre qui est Dieu, au point qu’il parle à peine de Jésus et ne mentionne même pas la croix. Est-ce qu’une telle approche est légitime?
Certains pensent que l’approche de Paul à Athènes contraste avec l’attitude de Paul à Corinthe, où Paul dit n’avoir “pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié” (1 Corinthiens 2.2). Dans le récit des Actes, la visite à Corinthe (Actes 18) vient juste après celle à Athènes (Actes 17). Est-ce que Paul a changé d’approche entre temps? Une lecture superficielle de ces textes pourrait laisser penser qu’à Corinthe, Paul n’a prêché que la croix, alors qu’à Athènes, il avait prêché autre chose.
Cependant, comme je le laisse entendre, une telle lecture du texte serait superficielle. Dans cet article, je propose donc quelques réflexions qui nous aident à mieux comprendre Actes 17 et 1 Corinthiens 2, et l’approche de Paul en général.
Premièrement, il faut garder en tête que ce qui nous est rapporté dans Actes 17 est le résumé que Luc fait du discours de Paul. Ce discours était en réalité beaucoup plus long que 10 versets! Nous n’avons donc pas tous les détails.
Deuxièmement, la manière dont Luc rapporte le récit fait comprendre que Paul a été interrompu en cours de route (voir v. 32). Paul avait probablement prévu d'en dire plus, y compris au sujet de Jésus et la bonne nouvelle du pardon des péchés, mais il n’a pas pu le faire. Ces deux points devraient nous rendre vigilants à ne pas nous servir trop vite de Actes 17 comme d’une "prédication modèle".
Troisièmement, il ne fait aucun doute que Paul a pour but de partager l’Évangile aux Athéniens. Cela est explicite au verset 18, où il nous est dit que ce que Paul leur annonçait, c’était “la bonne nouvelle de Jésus et de la résurrection”. C’est cela qui peut résumer le message que Paul annonce. Le discours de Paul devant l’Aréopage est donc à comprendre dans cette catégorie-là: Paul veut leur faire comprendre l’Évangile, qui est centré sur Jésus.
Paul ne cherche donc pas à annoncer un autre message que le message qui concerne Jésus, et qui offre aux humains le pardon des péchés. Cependant, Actes 17 nous montre que Paul veut annoncer l’Évangile en tenant compte de la culture dans laquelle il est. Le fait de prendre en compte la culture n’amène pas Paul à mettre de côté les vérités qui dérangent (voir cet article), mais cela l’amène à poser les fondements que ses auditeurs n’ont pas, pour les amener à comprendre l’Évangile. C’est pour cela que dans Actes 17, Paul passe une grande partie de son temps à montrer aux Athéniens qu’il y a un Dieu qui existe, et qu’il est le seul vrai Dieu. Poser ce fondement est nécessaire, car il fait partie du cadre dans lequel l’Évangile doit se comprendre.
Comment alors comprendre l’approche de Paul dans 1 Corinthiens 2.2, où il rapporte sa première visite aux Corinthiens (que nous trouvons dans Actes 18) et dit qu’il n’a voulu prêcher que Christ crucifié?
D’un côté, cette affirmation de Paul est à comprendre dans le contexte des Corinthiens. Les Corinthiens faisaient partie d’une culture qui mettait en valeur la rhétorique humaine: la manière de parler était plus importante que le contenu de ce qui était dit. En d’autres termes, la forme valait plus que le fond. C’était la culture de la "sagesse", c’est-à-dire les beaux discours bien sophistiqués… qui ne se souciaient pas de la qualité du contenu.
Dans 1 Corinthiens 1.18-25, Paul montre que le message chrétien contraste avec une telle manière de penser: le message chrétien n’est pas "sage" selon les critères du monde, mais il est fou, car il s’agit de proclamer un Sauveur mort sur une croix.
Dans 1 Corinthiens 2.1-5, Paul dit que c’est ce message-là qu’il a voulu proclamer aux Corinthiens, même si ce n’est pas ce qu’ils recherchaient (ils couraient plutôt après la sagesse humaine qui impressionne). Paul a refusé de jouer le jeu de la culture de l’époque. Il n’a pas essayé d’impressionner les Corinthiens par les stratagèmes humains. Au contraire:
Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. Car je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.
1 Corinthiens 2.1-2
Paul a proclamé ce qui est fou et scandaleux pour le monde, car c’est la puissance et la sagesse de Dieu (voir 1 Corinthiens 1.23-24). Cela a beaucoup de poids dans le contexte de la culture des Corinthiens.
En même temps, cette affirmation de Paul est un bon résumé de son message. Ce que Paul vise à proclamer par-dessus tout, c’est Jésus, et Jésus crucifié. C’est vers cela que tout ce que Paul dit pointe, car c’est vers cela que la Bible entière pointe. Cela ne veut pas dire que Paul ne dit rien sur la résurrection de Jésus, ou l’ascension de Jésus, ou le retour de Jésus, ou d’autres enseignements chrétiens sur des sujets divers et variés. Les lettres de Paul sont remplies d’enseignements et d’exhortations qui ne parlent pas directement de la croix. Cependant, tout part de la croix et tout y ramène: le point central de l’Histoire humaine, le point culminant du plan rédempteur de Dieu. Comme le disait un prédicateur, c’est comme si pour Paul, tout ce qu’il met en avant vient du "panier" qui concerne Jésus, et Jésus crucifié.
Il n’y a donc pas de contradictions entre le discours de Paul dans Actes 17, et son récit de sa visite aux Corinthiens dans 1 Corinthiens 2. Ces deux approches sont plutôt à comprendre dans leurs contextes respectifs.
Dans Actes 17, il est clair que tout le discours de Paul mène, ultimement, à Jésus. Quelle est la suite logique, après avoir posé le fondement de l’existence de Dieu, de notre rejet de lui, du jugement qui arrive, de l’appel à la repentance? La suite logique, c’est Jésus, et le salut qu’il a accompli à la croix! Même si Actes 17 n’est pas explicite concernant la croix, c’est là que ce discours mène, et nulle part ailleurs.
De la même manière, l’affirmation de Paul dans 1 Corinthiens 2 n’implique pas que Paul aurait mis de côté les autres éléments essentiels d’une vision chrétienne du monde. Plutôt, Paul veut souligner qu’il a refusé de jouer le jeu de la culture de l’époque, et que son message n’avait rien d’impressionnant aux yeux du monde. C’est une critique implicite aux Corinthiens qui évaluaient leurs responsables selon les critères de l’époque, s’attachant ainsi d’avantage à la sagesse du monde plutôt qu’à la sagesse de Dieu (cf. 1 Corinthiens 1.10-17).
webinaire
Comment prêcher Christ à partir de l’Ancien Testament?
Ce replay du webinaire Dominique Angers a été enregistré le 20 novembre 2019.
Orateurs
D. Angers