Je suis favorable au fait que des non-croyants assistent au culte du dimanche. Je suis donc conscient de l’importance de rendre le culte accessible à tous les participants, et notamment aux non-croyants. Mais cet engouement pour l’accueil des non-croyants lors du culte pourrait cacher deux types de danger: celui de diluer la substance biblique et d’ajouter des éléments impropres au culte pour le rendre plus cool, plus accessible. Ce faisant, nous nous trompons de solution: non seulement nous ne servons pas les non-croyants, mais surtout, nous portons atteinte à Dieu. Lui seul est la raison d’être du culte, lui seul en est le centre.
Après une réflexion biblique sur ce thème, je proposerai une solution concrète pour nos amis non-croyants.
Avez-vous déjà rendu visite à des personnes inconnues? Avez-vous déjà été invité à prendre le café dans leur salon? Probablement que non. La raison est simple: pour être invité, il faut que nous ayons une histoire préalable avec cette personne, une raison de lui rendre visite.
De même, le culte existe parce que Dieu sauve et rassemble son peuple en Églises locales. Le culte chrétien est avant tout une réponse à la révélation salvatrice de Dieu. Lors du culte, nous proclamons que l’Agneau qui a été offert en sacrifice est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange (Ap 5.12 — S21). Il existe donc déjà une histoire entre Dieu et les personnes présentes pour la célébration du culte. Ainsi, elles parlent de Dieu, chantent Dieu, prient Dieu, enseignent l’œuvre de salut manifestée en Christ. Le culte est totalement orienté vers Dieu, son œuvre pour l’humanité et la vie des personnes qu’il a sauvées. Dieu est le centre et la raison du culte. Don Carson explique:
L’adoration est la réponse appropriée de tous les êtres moraux et sensibles à Dieu, attribuant tout honneur et valeur au Dieu créateur précisément parce qu’il en est digne1.
L’adoration consiste donc en des croyants qui chantent à pleins poumons: “Ce qui m’était gain n’a plus de valeur, ne me sert à rien, car je préfère: te connaître.” Le contenu du culte leur est prioritairement destiné. Leur adoration est une réponse au salut de Dieu et à sa révélation.
Pensez-vous qu’un non-croyant puisse attribuer au Dieu créateur tout honneur et toute gloire? L’apôtre Paul déclare:
En effet, le message de la croix est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, il est la puissance de Dieu.
1 Corinthiens 1.18 — S21
Ainsi le message de la croix lors du culte est pour ceux qui sont sauvés et qui s’émerveillent de la puissance de Dieu. Paul explique ensuite:
Mais l’homme naturel n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu, car c’est une folie pour lui; il est même incapable de le comprendre, parce que c’est spirituellement qu’on en juge.
1 Corinthiens 2.14 — S21
Voilà pourquoi le culte dominical doit prioriser les croyants: il s’agit d’une assemblée de croyants qui célèbrent le Dieu qui les a sauvés et avec lequel ils entretiennent une relation personnelle.
Lingon Duncan conclut:
Le culte public a lieu lorsque le peuple de Dieu se réunit dans le but exprès de rendre au Seigneur la gloire qui lui est due et de se réjouir de la présence spéciale qu'il a promise à son propre peuple2.
Contrairement aux dieux païens qui ne parlent pas et dont les adeptes doivent deviner de quelles manières ils doivent les adorer, le Dieu de la Bible exprime clairement à son peuple comment il souhaite être adoré. Imaginez que vous invitiez votre grand-mère à dîner. Pour vous aider à faire le dessert, elle vous donne sa recette préférée, avec tous les ingrédients et les étapes de préparation. Vous suivez ses instructions précises, sachant exactement ce qu’elle attend et comment la satisfaire. Résultat, vous vous régalez tous deux. De la même manière, le culte chrétien n’a rien à voir avec un repas que nous aurions concocté sur la base des ingrédients qui nous plaisent. Le culte est un repas dont la recette est communiquée par Dieu afin que nous l’exécutions de façon à l’honorer.
Dans l’Ancien Testament, dans les livres du Lévitique et des Nombres, Dieu définit le cadre ainsi que les éléments du culte. Ainsi les lévites et les prêtres pourront organiser, sur la base des Écritures, le culte du peuple. Dans le Nouveau Testament, à travers les apôtres, Dieu définit le cadre du culte pour l’Église. Il affirme que tous les croyants sont des prêtres (1P 2.9-10; Ap 1.6). Il cite les éléments comme la prière, la prédication, ou le chant qui édifient les croyants (Col 3.16; Ép 5.19) et la cène. Dieu demande donc à son peuple de suivre le cadre qu’il a fixé pour l’adorer. Il revient aux croyants d’interpréter les Écritures et d’organiser le culte pour que Dieu soit loué par son peuple conformément aux Écritures. Ainsi, le culte du dimanche n’est pas prioritairement destiné aux non-croyants, mais bien aux croyants. Nos cultes doivent donc être centrés sur Dieu et saturés par les Écritures et l’Évangile. C’est là notre plus grand besoin et cela glorifie Dieu.
Nous avons vu que c’est Dieu qui définit les éléments du culte. Mais ce n’est pas tout. Que se passerait-il si nous décidions d’organiser nos cultes différemment? Poursuivons notre métaphore culinaire. Imaginez que vous invitiez un ami chez vous, mais il ne vous dit pas ce qu’il aime manger. Vous devez deviner ses préférences et préparer un plat en espérant que ça lui plaira. Selon votre intuition, vous optez pour un plat de fruits de mer. Quand il arrive chez vous, vous découvrez au cours de la discussion qu’il n’aime pas les crevettes. Pire, il est allergique aux crustacés! Cet exemple illustre parfaitement que lorsque l’adoration se fait sur la base de l’imagination humaine, elle n’est pas conforme à ce que Dieu attend de nous. En effet, Dieu définit non seulement comment il souhaite être adoré, mais il condamne aussi les mauvaises manières de l’adorer. Cela devrait nous préoccuper, tout comme cela a préoccupé Martin Luther.
Plaçons-nous dans sa peau pour comprendre les enjeux. Martin Luther a vécu pendant des décennies en tant que catholique: il a prié les saints, célébré les sept sacrements et adhéré à la doctrine des indulgences. Cette doctrine "accorde", en échange de paiement ou d’actions religieuses comme la prière ou les pèlerinages, la possibilité de réduire ou d’annuler une peine liée à un péché. Luther redécouvre ensuite les Écritures et rédige ses thèses pour dénoncer certains dogmes et certaines pratiques comme les indulgences au sein de l’Église catholique. En 1521, alors qu’il est au tribunal devant l’empereur Charles Quint et les autorités religieuses à la Diète de Worms, Luther est sommé de renoncer catégoriquement à ses positions. Il répond:
À moins d’être convaincu par l’Écriture et la raison. Je n’accepte pas l’autorité des papes et des conciles, car ils se sont contredits. Ma conscience est captive à la Parole de Dieu. Je ne peux et je ne veux rien rétracter3.
De cette posture découle la formulation "Sola Scriptura" qui stipule que les Écritures seules ont le dernier mot sur la vie du croyant. C’est en se basant sur les Écritures que Luther interdit bon nombre de pratiques religieuses. Surprenant? Non, cela ne devrait pas nous étonner. Dieu ne nous laisse pas définir par nous-mêmes la manière dont nous devons l’adorer. Voici quelques exemples parlants: le veau d’or (Ex 32), Abihu et Nadab avec le feu étranger (Lv 10.2), David et Uzza (2S 6.6-7). Ces exemples confirment que Dieu condamne l’adoration que lui rend son peuple quand elle n’est pas conforme aux Écritures. Voilà pourquoi, Moïse a brisé les Tables de la loi (Ex 32.19), parce que le peuple ne s’était pas conformé à cette loi.
Souvenons-nous que notre conformité au contenu des Écritures participe à notre instruction d’après 2 Timothée:
Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne.
2 Timothée 3.16-17 – S21
La volonté de Dieu, c’est que le culte s’adresse en priorité aux croyants. Pourtant, Dieu s’attend à ce que de simples auditeurs (par exemple des enfants) et des non-croyants assistent au culte. Lorsque j’invite un ami à venir à l’Église, l’une de mes craintes, c’est que le contenu du culte soit une barrière à cause de l’utilisation d’un langage spécialisé et des références propres au christianisme (exemple: sanctification). Il arrive souvent que ces références ne soient pas expliquées de manière accessible aux personnes extérieures à la foi. Pourtant, Paul écrit:
Si donc, alors que l’Église entière est rassemblée, tous parlent en langues et qu’il entre de simples auditeurs ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous?
1 Corinthiens 14.23 — S21
Cela implique que le culte doit être rendu accessible pour eux. Quelle est la solution que la Bible propose pour résoudre cette équation? Elle affirme la centralité de l’Évangile qui permet l’édification de tous. Paul déclare ceci:
Que faire donc, frères et sœurs? Lorsque vous vous réunissez, chacun [de vous] peut apporter un cantique, un enseignement, une révélation, une langue ou une interprétation. Que tout se fasse pour l’édification.
1 Corinthiens 14.26 — S21
L’édification implique une bonne compréhension du contenu du culte pour toutes les personnes présentes. Comme l’explique Brian Chapel4, se focaliser sur les croyants ne signifie pas oublier les non-croyants. Si la prédication n’est pas claire, la meilleure solution consiste à former les prédicateurs plutôt que de réduire le temps de prédication. Les formations Prêche la Parole sont justement dédiées à cet objectif. Si les chants ne sont pas compréhensibles par un public novice, vous pourriez discuter du choix des chants avec les anciens ou encore proposer d’introduire chaque chant par une parole de présentation ou de contextualisation. Luther encourageait les auteurs-compositeurs à [utiliser] uniquement les mots les plus simples et les plus courants5.
webinaire
Comment organiser des cultes pour chrétiens et non chrétiens?
Découvre le replay du webinaire de Stéphane Kapitaniuk et Franck Godin, enregistré le 3 juillet 2018.
Orateurs
F. Godin et S. Kapitaniuk