Cet article présente une interview d’Andreas J. Köstenberger et Thomas R. Schreiner, co-éditeurs du livre Women in the Church: An interpretation and application of 1 Timothy 2.9-15 ["Les femmes dans l’Église: Interprétation et application de 1 Timothée 2.9-15", 3ᵉ édition].
À mon avis, aujourd’hui notre culture est encore moins convaincue qu’il existe des différences entre l’homme et la femme, et que par conséquent, le ministère pastoral est réservé aux hommes. Nous devons donc continuer à montrer que c’est pourtant ce que le texte biblique enseigne, même si cela va à l’encontre de la mentalité contemporaine. En fait, pour beaucoup cette question relève de l’archaïsme, au vu de légalisation du mariage homosexuel (qui a même été élevé au rang de droit constitutionnel) et de la révolution transgenre actuelle.
Tout d’abord, rien ne prouve que la ville antique d’Éphèse était une enclave féministe. En même temps, l’idée que les habitants d’Éphèse étaient peu instruits est clairement infondée. Nous devons veiller à ne pas imposer notre propre contexte culture au texte et nous laisser guider par le fil de la pensée de Paul.
Comme le montre S. M. Baugh dans son chapitre du livre, Éphèse ressemblait à de nombreuses autres villes du monde gréco-romain au premier siècle et possédait une structure majoritairement patriarcale. L’idée d’une Éphèse féministe s’avère donc être un mythe, et l’argument selon lequel Paul essayait simplement de restreindre les femmes dans un contexte culturel inhabituel ou atypique est sans fondement.
De nombreux égalitariens prétendent que ce terme a une connotation négative et désigne par conséquent un mauvais exercice de l’autorité. Néanmoins, dans un chapitre minutieusement rédigé, Al Wolters montre que ce terme a un sens ni péjoratif ni ingressif. En d’autres termes, Paul n’interdit pas seulement à la femme d’exercer l’autorité d’une mauvaise manière, mais tout simplement de l’exercer sur l’homme au sein de l’Église.
Cela veut également dire que Paul ne se contente pas d’interdire à la femme d’ "user d’autorité" sur l’homme, comme l’exprime la version Darby.
Les femmes ne doivent pas exercer l’autorité sur (ou enseigner) l’homme dans l’Église. Cela fait partie de l’argumentation de Paul à un niveau plus large selon laquelle l’Église est le foyer de Dieu et les hommes en sont responsables au même titre qu’ils le sont de leur propre foyer. De plus, Paul ne fonde pas son interdiction sur un raisonnement culturel mais sur l’ordre créationnel de Dieu (1Tm 2.13).
Comme je l’ai dit précédemment, Al Wolters conclut que le terme a un sens non péjoratif et non ingressif. Il fait valoir son argument en examinant quatre éléments en plus du contexte immédiat:
Wolters montre également que deux types d’arguments fallacieux ont été avancés dans le débat, l’un étymologique et l’autre tiré d’une reconstruction spéculative de l’arrière-plan historique et culturel. L’analyse de Wolters est non seulement exhaustive, mais également extrêmement pertinente, reflétant l’érudition de l’auteur et s’avérant pratiquement irréfutable.
Nos cœurs et nos pensées doivent être soumis à la Parole de Dieu. Il est impératif de ne pas laisser nos désirs et nos préjugés primer sur l'enseignement des Écritures. Nous devons être assez humbles pour reconnaître que nous nous trompons sur beaucoup d’aspects et laisser les Écritures corriger notre manière de penser. Accepter que la Parole soit notre autorité n’a pas grand sens si nous ne l’acceptons que tant qu’elle nous conforte dans notre opinion personnelle.
C’est une question très difficile, une question à laquelle nous n’offrons pas de réponse particulière dans le livre. Il y a un grand nombre d’avis sur le sujet. Moi, Tom, je pense que Paul ne parle pas seulement du ministère de la femme mais aussi de son rôle global. Dans certains cas, il est difficile de délimiter la frontière entre les deux. Au Southern Baptist Theological Seminary (séminaire théologique des baptistes du sud), les femmes n’enseignent pas l’Ancien et le Nouveau Testament, la théologie systématique, l’homilétique, l’Histoire de l’Église et la théologie.
Cela dit, nous recommandons à ceux qui s’intéressent à la manière dont ce passage peut être appliqué à de nombreux sujets et contextes de se référer à la table ronde virtuelle à la fin du livre. Dans cette section, des hommes et des femmes pieux, dotés de discernement et issus d’arrière-plans très variés, évoquent ce qu’ils ont appris sur l’identité et le rôle de l’homme et de la femme et comment ils les comprennent à la lumière de 1 Timothée 2.8-15.
Mon avis (Tom) sur le sujet est différent de celui d’Andreas! Je pense qu’il est question de salut spirituel ici. Paul dit que les femmes sont sauvées si elles persévèrent dans la piété (dernière partie du verset 15). Les femmes expriment leur piété en vivant pleinement leur rôle de femme, ce qui, pour la plupart des femmes, signifie avoir des enfants.
Bien évidemment, Paul n’est pas en train de dire que les femmes doivent avoir des enfants pour être sauvées. Cela entrerait en contradiction avec 1 Corinthiens 7 où Paul encourage le célibat. De plus, cela impliquerait une forme de salut par les œuvres, à savoir le fait d'avoir des enfants. Je pense par conséquent que Paul se sert ici d’un exemple représentatif de ce que signifie vivre pleinement en tant que femme pieuse. Il prend l’exemple de ce qui différencie si radicalement l’homme de la femme: seules les femmes peuvent avoir des enfants! Le verset n’en est pas moins difficile à comprendre et peut être facilement mal interprété. Nous voulons nous appuyer sur ce que les Écritures enseignent clairement par ailleurs.
Je pense quant à moi (Andreas) que ce verset ne concerne pas tant le salut que la persévérance spirituelle, un thème commun aux épîtres à Timothée et à Tite. Paul enseigne ici que la femme évitera de commettre la même erreur qu’Ève, à savoir s’écarter de son rôle prévu par Dieu qui concerne essentiellement son foyer et sa famille, en se consacrant à sa sphère d’investissement principale. Tom et moi sommes d’accord sur ce dernier point: nous pensons que "devenir mère" est une synecdoque qui inclut non seulement le rôle de la femme en tant que mère, mais aussi son rôle au sens plus large, familial et domestique. Nos avis divergent sur la signification et la portée du verbe grec qui a été traduit par "sauvée" (dans la plupart des versions françaises) ou "préservée" (NEG; cf. 1Tm 4.16). Quand on sait qu’à Éphèse, des faux enseignants essayaient de convaincre les femmes de délaisser leur rôle spécifique au sein de leur foyer, on comprend que Paul ait voulu les protéger de Satan et des faux enseignants (à noter, les parallèles verbaux avec 1Tm 5.11-15).
Le fait que nous ne soyons pas d’accord sur l’interprétation du verset 15 montre que nous n’essayons pas d’imposer une série de présuppositions conservatrices au texte (y compris le verset 12), mais que nous abordons ce passage avec un esprit ouvert pour essayer de comprendre honnêtement le véritable message que Paul a voulu adresser à ses lecteurs.
Tom: Je ne pense pas. Dans cette interdiction de Paul, je considère qu’il ne s'agit pas simplement de l'exercice d'une fonction ministérielle, mais de la question du rôle des femmes.
Andreas: Je rejoins Tom sur ce point.
Cela dit, il est bien évidemment vrai que le fait d’"enseigner" et de "prendre autorité sur l’homme" sont des fonctions qui sont exercées par les anciens de l’Église (cf. par exemple 1Tm 5.17).
Eh bien, les avis des croyants divergent dans certains domaines. Nous ne cherchons pas à établir un code juridique pour chaque situation. Quand un garçon devient-il un homme? Est-il légitime qu’une femme soit responsable de la louange? Quels sont les ministères autorisés? Ce sont les Églises locales et leurs anciens qui devraient trancher.
De plus, la table ronde virtuelle à la fin du livre aborde de nombreuses questions et offre un éclairage judicieux sur un bon nombre de ces sujets. Nous pensons donc que c’est déjà une raison suffisante d’acheter ce livre et de réfléchir aux paroles pleines de sagesse et aux vérités qu’il contient. Notre objectif n’est pas simplement d’informer, mais surtout d’équiper l’Église dans ce domaine significatif qui a des implications importantes pour le ministère.
La meilleure chose à faire est de vivre un mariage où les femmes sont respectées et aimées. De plus, nous devons faire preuve de beaucoup d’amour envers ceux qui ne sont pas de notre avis. Il est essentiel que nous encouragions et mettions en avant les nombreux ministères exercés par les femmes dans les Églises locales et que nous les traitions avec respect et honneur.
Pour être honnêtes, nous avons souvent failli sur ce point dans nos Églises. Ce n’est pas le conservatisme ou le traditionalisme que nous voulons encourager, mais la fidélité à la Parole de Dieu qui, selon nous, n’enseigne pas seulement le leadership masculin, mais aussi le partenariat homme-femme dans le foyer comme à l’Église.
webinaire
COCA: une méthode simple pour comprendre et appliquer la Bible
Découvre ce replay du webinaire de Stéphane Kapitaniuk enregistré le 13 octobre 2016.
Orateurs
S. Kapitaniuk