Le livre de Daniel : facile… ou difficile à lire ?

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      Si vous avez déjà parcouru le livre de Daniel d’une traite, vous avez sans doute remarqué la rupture de ton entre ses deux moitiés. Après des récits captivants, voilà que le texte bascule dans une série de visions apocalyptiques aussi étranges que déconcertantes. Au point de se demander : est-ce vraiment le même livre ? Et si oui… que cherche-t-il à nous dire ?

      De nombreux commentateurs soulignent que “le livre de Daniel joue sur les contrastes1”.

      Par exemple, il montre deux visages du pouvoir humain. D’un côté, Daniel et ses amis travaillent à la cour de rois païens et cherchent, par leur excellence, à servir et bénir la cité (Dn 1.18-21 ; 2.48-49 ; 5.11-12 ; 6.2-6). De l’autre, les mêmes pouvoirs sont souvent décrits comme des animaux féroces – comme pour indiquer que, lorsque les royaumes humains se prennent pour Dieu et exaltent leur puissance, ils perdent leur humanité et finissent par se comporter comme des bêtes devant, tôt ou tard, répondre de leurs actes devant la justice divine (Dn 4.25-34 ; 7.1-7 ; 8.1-8).

      Le livre de Daniel propose aussi une vision contrastée de l’histoire mondiale. D’un côté, Dieu y est montré comme souverain absolu : “maître du temps et de l’histoire”, agissant “comme il lui plaît”, et devant qui personne ne peut résister (Dn 2.20-23 ; 4.31-32). Mais de l’autre, cette souveraineté n’incite pas Daniel au fatalisme. Bien au contraire : elle le pousse à prier pour que Dieu intervienne dans le cours de l’histoire (Dn 2.17-18 ; 6.11 ; 9.1-19 ; 10.1-14). Le contraste est saisissant : la puissance totale de Dieu coexiste avec l’efficacité concrète des prières humaines.

      Comme l’indiquent Raymond B. Dillard et Tremper Longman III :

      D’autres contrastes apparaissent également, tels que l’utilisation de deux langues, l’araméen et l’hébreu ; la prédominance de deux genres, le récit et l’apocalyptique2.

      Mais le contraste le plus frappant, celui qui saisit immédiatement le lecteur, se situe entre les deux moitiés du livre : selon qu’on lise les chapitres 1 à 6 ou 7 à 12, Daniel peut apparaître comme l’un des livres les plus accessibles de la Bible… ou comme l’un des plus complexes.

      Les récits narratifs

      Si l’on se limite aux récits narratifs des chapitres 1 à 6, le livre de Daniel se lit étonnamment facilement.

      Les aventures de Daniel et de ses amis à la cour du roi de Babylone offrent, en effet, des histoires captivantes et hautes en couleur, accessibles même aux plus jeunes lecteurs. L’histoire de la fournaise ardente ou celle de la fosse aux lions figurent, par exemple, parmi les préférées des enfants de l’école du dimanche.

      Bien sûr, cette simplicité apparente cache en réalité une profondeur surprenante. Et si vous pensez que ces histoires ne sont plus de votre âge, ou que vous les connaissez déjà par cœur… détrompez‑vous !

      L’expérience de Daniel et de ses amis – ces jeunes Israélites exilés à Babylone – résonne encore aujourd’hui, notamment en Occident, où beaucoup vivent comme minorité croyante dans un monde parfois hostile à leur foi. Leur exemple nous montre comment s’impliquer dans la culture sans s’y fondre, et nous met au défi de rester fidèles à Dieu, quel qu’en soit le prix.

      Quoi qu’il en soit, la première moitié du livre reste relativement accessible, même pour le lecteur moderne.

      Les visions apocalyptiques

      En revanche, la deuxième moitié du livre, composée des visions apocalyptiques, est célèbre pour sa complexité.

      Dans les chapitres 7 à 12, Daniel reçoit quatre visions décrivant “ce qui doit arriver à [son] peuple dans les temps à venir” (Dn 10.14). Les images et chiffres symboliques, le langage parfois cryptique et les références à des événements de l’histoire antique peuvent rapidement décourager même le lecteur le plus expérimenté.

      Cela dit, passer à côté de cette partie plus complexe serait une erreur, car elle recèle de véritables trésors d’encouragement. En laissant de côté les spéculations interminables sur le sens de chaque verset et en regardant l’ensemble, on peut en tirer des leçons simples et puissantes.

      Ces visions offrent une image profondément rassurante de la souveraineté de Dieu sur le monde et de son contrôle absolu sur l’histoire. Elles rappellent que, malgré les apparences, c’est le royaume de Dieu qui finira par l’emporter sur les royaumes humains.

      Reste que ces chapitres se lisent moins facilement que les six premiers…

      Deux parties, un même message

      Face à un tel contraste entre les deux moitiés, nous pourrions être tentés de nous demander : le livre de Daniel délivre-t-il vraiment un message unique ? Et si oui, lequel ?

      En réalité, du début à la fin, le message reste le même : en dépit des apparences, c’est l’Éternel qui règne3.

      Ce message visait à rassurer les premiers lecteurs du livre de Daniel : malgré les souffrances qu’ils pouvaient éprouver en cherchant à servir Dieu dans ce monde, ils étaient en sécurité entre ses mains.

      • Dès les premiers versets du chapitre 1, ce principe est mis en évidence. Nous lisons, en effet, que “le Seigneur livra Joaquim, roi de Juda, [au] pouvoir [de Nebucadnetsar], et le laissa s'emparer d'une partie des ustensiles réservés au temple de Dieu”. À première vue, cela peut sembler inquiétant. Jérusalem tombe, les trésors du temple sont emportés à Babylone… Où est Dieu ? Est‑il trop faible pour agir ? Pourtant, c’est exactement là que se trouve le réconfort : tout est sous son contrôle. Même Nebucadnetsar, qui semble détenir le monde entier et le Dieu d’Israël à sa merci, agit selon la volonté divine. Ce qui se déroule n’est pas un hasard : Dieu l’avait prédit (2R 20.17-18).
      • Puis, dans la première moitié du livre, Dieu montre que c’est bien lui “le maître du temps et de l'histoire, [qui] renverse les rois ou les établit” (Dn 2.21). Il retire la royauté à Nebucadnetsar avant de la lui rendre lorsqu’il s’humilie devant lui, puis met fin au règne de Belchatsar, qui, contrairement à son père, persiste dans l’orgueil (Dn 4-5). Par ces actions, Dieu veut démontrer que “le Dieu très-haut domine sur toute royauté humaine : il la donne à qui il veut, il élève la plus humble des personnes” (Dn 4.14).
      • Et ce même message traverse la seconde moitié du livre. À travers des visions détaillées de l’avenir de son peuple, Dieu montre que “la sagesse et la force [lui] appartiennent” (voir Dn 2.21) : il dit tout ce qui doit arriver ; et ce qu’il annonce, il l’accomplit ! Ces chapitres prédisent la chute de tous les royaumes humains, tandis que Dieu promet d’accorder la royauté éternelle et universelle à un “fils d’homme” qu’il aura choisi, dont le règne durera pour toujours et ne sera jamais détruit (Dn 7.13-14).

      Dans le Nouveau Testament, Jésus se désigne lui-même comme le “Fils de l’homme” prédit dans Daniel 7, affirmant ainsi qu’il est celui que Dieu a placé sur le trône de l’univers.

      Avec cela en tête, le lecteur de Daniel est encouragé à servir Dieu dans le monde, même face aux épreuves, confiant d’être en sécurité entre ses mains…

      Une clé de lecture ?

      Même si le message de Daniel reste le même du début à la fin, le contraste entre ses deux moitiés frappe immédiatement. Récits narratifs simples et captivants d’un côté, visions apocalyptiques complexes de l’autre : ce décalage montre qu’il faut une clé pour lire le livre correctement.

      Mais comment s’y prendre pour le comprendre dans sa totalité et en saisir le véritable message ?

      Selon nous, la clé, c’est l’humilité. Lire Daniel, c’est reconnaître, d’une part, que les histoires que nous pensons connaître "par cœur" ont encore des choses à nous apprendre ; et c’est accepter, d’autre part, que certains détails des visions de Daniel échappent à notre compréhension. Ou, en tout cas, accepter que notre interprétation de certains détails des visions de Daniel soit sujette à discussion.

      En gardant cette humilité, nous pouvons lire Daniel avec confiance, recevoir ses enseignements et nous laisser encourager par la souveraineté de Dieu, même lorsque le texte nous dépasse.

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      Joël Favre

      Joël est marié à Anne et partage avec elle le beau défi d’élever trois enfants. Diplômé en théologie du London Seminary et titulaire d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin, il exerce actuellement comme pasteur à l’Église Réformée Baptiste de Grenoble. Il intervient aussi en tant que professeur d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles.

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