La théologie de la prospérité est partout. Elle est beaucoup plus populaire qu’on ne s’imagine. John Piper nous fait remarquer qu’on y croit tous un peu (voir recension). Ici, je souhaite attirer l’attention sur une excellente section du livre écrit par le CNEF: La Théologie de la prospérité. Les auteurs abordent sur deux pages le concept de la foi les « évangélistes » de la prospérité. C’était une des sections les plus intéressantes, parce que la « parole de foi » est très populaire aujourd’hui.
Des exemples flagrants abondent dans les titres de livres, dans les biographies de pasteurs (exemple: « un pasteur à la parole chargée de foi et de puissance de Dieu qui vous transformera et vous emmènera vers votre Destinée ») et dans des prédications.
Mais l’extrait qui suit est aussi un rappel pour nous tous. Dieu répond à nos prières parce que Jésus est à la droite de Dieu et prie pour nous. Dieu ne répond pas à nos prières parce qu’on le manipule avec notre conviction ou notre belle formulation:
« Si les théologiens de la prospérité ont le mérite d’inviter à mettre en œuvre une foi engagée, leur conception de la foi présente plusieurs distorsions.
La foi, dans la perspective biblique, n’a de sens que dans le cadre d’un vis-à-vis personnel entre Dieu, pleinement reconnu comme Dieu, et le croyant. Toute conception de la foi comme une loi qui posséderait en elle-même la clé de son efficacité s’écarte de la vision biblique. L’accent unilatéral sur la parole de foi, dont l’efficacité réside en sa propre force d’affirmation, peut conduire à avoir « foi en la foi » plutôt que d’avoir « foi en Dieu ». Dans l’enseignement de Jésus sur la prière, Dieu reste toujours Dieu, Seigneur, et décideur ultime. Jésus invite à une foi qui est relation de confiance. Lorsqu’il parle de la réponse à la prière, celle-ci appartient à Dieu comme fruit de sa décision (Mt 6.8; 7.11). Toute conception de la foi qui imposerait à Dieu sa décision ou son action, ou qui l’obligerait à agir à cause de la vertu propre de la prière s’apparente à la « prière des païens », qui compte, non sur Dieu, mais sur l’efficacité propre de la prière humaine, par sa formulation ou sa répétition (Mt 6.7).
La confusion entretenue autour du thème de la puissance créatrice de nos paroles doit être impérativement clarifiée. Seule la Parole de Dieu est créatrice, parce que seul Dieu est Créateur.
Parler de la « puissance créatrice de la parole » à propos de notre parole, c’est – malgré la sonorité biblique de la formule – attribuer à la créature ce qui appartient au seul Créateur… une forme moderne d’idolâtrie (Rm 1.25)! Imaginer que, par définition, la puissance de Dieu est déclenchée par notre parole de foi, c’est instrumentaliser le Seigneur, tentation que Jésus, tout Fils qu’il était, a démasquée et refusée (Mt 4.1-7).
Le schéma « Dites-le, faites-le, recevez-le, racontez-le » n’est pas formellement attesté dans l’Écriture. La proclamation verbale qui anticipe la réponse de Dieu n’est jamais présentée dans la Bible comme la règle à suivre ou le moyen qui permet l’exaucement. Elle n’est surtout pas systématisée. Pour s’affirmer, la doctrine de la « parole de foi » doit dévaluer d’autres formes de prières pourtant bien attestées dans l’Écriture (demandes, supplications, prières s’en remettant à la volonté de Dieu).
On assiste, à bien des égards, à une paganisation de la foi. On a relevé la parenté entre l’efficacité de la parole de foi prononcée selon la bonne formule, avec la conception de l’efficacité du rite dans les religions traditionnelles. Typiquement, dès qu’une formule ou une démarche possède en elle-même son efficacité, ou la puissance de mouvoir les forces divines, elle s’apparente à une pensée magique, alors que la prière biblique se vit dans la relation, la confiance, la soumission à Dieu et l’attente de son action. Les promesses de rétribution divine au centuple sont aussi paganisées, et transformées en calcul de rentabilité pour l’obtention d’un bénéfice. Faire de la prospérité un but, et de la foi un moyen pour l’atteindre, c’est idolâtrer la prospérité et dénaturer la foi. Dès le décalogue, l’Écriture oppose le Seigneur aux idoles païennes, et s’oppose à toute manipulation de Dieu.
La vraie foi est confiance en Dieu, dans le respect de sa souveraineté et la pleine conviction de sa puissance. Elle peut, dans cet esprit, être conduite à remercier par avance pour un exaucement à venir, ou à poser des actes qui anticipent la réponse ou la délivrance attendues de Dieu (Hb 11.1; Jn 11.39-44; 1 Jn 5.14-15). La proclamation de notre confiance est une bonne chose. Mais il ne s’agit en aucune manière d’un moyen qui serait à notre disposition en vue d’obtenir ce que nous demandons, ou d’une démarche qui aurait son efficacité en elle-même. La promesse que « Dieu nous écoute » est précédée de l’exigence d’une demande « conforme à sa volonté » (1 Jn 5.14). Dieu est Seigneur, et aucune requête, même portée par la foi la plus engagée, ne saurait lui imposer quoi que ce soit. La foi n’a de sens et d’efficacité que lorsqu’elle nous met au diapason avec Dieu. Là où cette harmonie existe, la foi peut se déployer, ferme et assurée, conquérante et victorieuse, en restant cependant toujours ouverte à la liberté de Dieu quant à la façon dont il honorera ses promesses envers nous. Tout exaucement n’est que pure grâce.
L’amour devrait nous conduire à entreprendre tout ce qu’il est possible pour le salut, la guérison, la délivrance et le soutien de ceux qui placent en Dieu leur confiance. Mais il doit aussi tout mettre en œuvre pour accompagner ceux qui acceptent leur épreuve comme venant de Dieu (2 Co 11.6-10), ou qui peuvent avoir un sentiment d’échec lorsqu’ils n’ont pas obtenu ce qu’ils avaient demandé, Dieu ayant répondu à leur requête d’une manière différente de ce qu’ils imaginaient ou espéraient. »
Collectif. La Théologie de la prospérité. Les textes du CNEF. Marpent: BLF Europe, 2012. (p. 9-10) Disponible en plusieurs formats: PDF gratuit, en papier et sur Kindle. Voir aussi ma recension du livre.