Cher pasteur Jeff,
J’ai désormais un peu plus de cinq ans de ministère pastoral à mon actif, mais une question me brûle depuis peu et freine considérablement mon désir de persévérer dans le ministère: au fond, suis-je vraiment appelé à servir à un poste de pasteur? Est-ce vraiment le type de service auquel le Seigneur me destine? Ne ferais-je pas mieux de servir dans un autre domaine de la vigne du Seigneur? J’ai obtenu des diplômes d’études supérieures en théologie: serais-je plus utile à l’Église si je partais et cherchais un poste académique dans un institut biblique?
Ces questions pourraient changer ma vie, pourquoi surgissent-elles? Je dois me rendre à l’évidence, j’ai peut-être mal compris la volonté de Dieu. À chaque culte, l’assemblée semble déconnectée de ma prédication. Certains s’endorment. Tout le monde a l’air de s’ennuyer. Personne ne s’est converti récemment. J’ai entendu des commentaires du genre: “Vous parlez plus comme un conférencier qu’un prédicateur.” Ça fait mal. Mais n’y aurait-il pas une part de vérité? Suis-je appelé à servir comme professeur plutôt que pasteur? Peut-être. Suis-je appelé à une autre forme de ministère? Comme auteur ou éditeur? Il est possible de bien servir l’Église locale à ce titre. Je n’en sais franchement rien.
Vous pourriez me répondre: “Hum, peut-être avez-vous seulement besoin de développer vos compétences de prédicateur?”, mais rien n’y fait, on dirait que personne n’arrive à me suivre. Un sage conseiller m’a dit un jour: “Si tu essaies de mener les gens quelque part, mais que personne ne te suit, alors tu es simplement en train de te balader.” C’est peut-être ce qui est en train de m’arriver. J’ai vraiment l’impression de louper quelque chose.
Ai-je confondu ma passion pour la Bible, pour la théologie et les choses de Dieu avec un appel au ministère pastoral? Suis-je simplement tenté, par ma chair ou par le diable, de m’enfuir sur le prochain bateau pour Tarsis? Peut-être parce que je suis un peu fatigué par la guerre ici et que j’aspire à trouver des temps de paix au loin. Avez-vous déjà remis en question votre propre vocation?
Bien à vous,
Confus et perplexe.
Cher pasteur confus et perplexe,
Une chose est certaine: vous n’êtes pas le premier pasteur à remettre en question son appel pastoral. C’est un sujet qui m’a hanté pendant presque toute la durée de mon premier poste à plein temps. J’ai passé d’innombrables heures à prier et à parler avec d’autres pasteurs à ce propos. Laissez-moi vous parler un peu de ces circonstances pour que nous puissions réfléchir sur une base concrète, puis je vous dirai ce qui m’a poussé à continuer.
Deux ans après avoir terminé mon doctorat, je me suis lancé dans ma première fonction pastorale à plein temps. En surface, l’assemblée frôlait mon idéal d’Église: une assemblée de type confessionnel qui suivait une saine doctrine. D’un point de vue des statuts, elle avait adopté un collège d’anciens. Elle avait été dirigée pendant plus de deux décennies par un fidèle prédicateur de la parole de Dieu et le peuple semblait faire ses délices de la Parole prêchée, désireux de grandir dans la grâce et d’accueillir ma famille dans la leur.
Mince, alors! Je m’étais trompé sur toute la ligne!
Les apparences sont trompeuses et ce que je ne percevais pas, c’était que j’allais tomber dans une embuscade. Invisibles, de profonds désaccords de doctrine et de méthode régnaient entre les membres. Environ trois clans se disputaient l’âme doctrinale et pratique de l’Église (un seul d’entre eux reflétait ma doctrine et ma pratique). Une menace plus concrète se profilait également à l’horizon: une crise financière dont personne ne semblait être averti (sincèrement, je ne pense pas qu’ils étaient au courant). Comme un voleur bien caché et prêt à bondir, cette crise menaçait de s’emparer de l’élan vital de l’Église.
En raison de ces facteurs et de bien d’autres trop compliqués à évoquer, je n’ai pas connu un seul jour paisible dans ce ministère. J’ai eu immédiatement affaire à des adversaires. La première semaine, un homme m’a accusé d’avoir manœuvré en douce pour obtenir la fonction de pasteur dans « son » Église. Il m’a clairement révélé que sa famille avait voté contre moi. Une controverse, suivie d’un reproche de la part d’un autre ancien, a immédiatement éclaté avec un membre du personnel: il avait listé sur sept pages manuscrites mes lacunes de pasteur! Et tout cela après seulement trois mois de travail ensemble.
Quelques mois plus tard, j’ai appris que plusieurs familles complotaient secrètement pour m’évincer. J’ai essayé d’appliquer tout ce que j’avais appris à l’institut et dans le ministère par le passé: j’ai prêché la Parole livre par livre, verset par verset. J’ai travaillé dur pour développer des relations avec le personnel et les membres de l’Église. Ma femme et moi avons systématiquement invité toute l’Église dans notre maison.
Rien de tout cela n’a aidé. Chacune de mes initiatives tombait à plat et déclenchait une opposition, voire une colère noire contre ma famille et contre moi. J’étais sidéré. L’anxiété me rongeait à l’intérieur. Ma femme entendait tous les murmures et luttait pour ne pas céder à l’amertume. En fin de compte, la dépression s’est profondément enracinée dans mon cœur et mon esprit. Comprenez-moi bien, je n’ai jamais tout réglé à la perfection ou géré les situations exactement comme il aurait fallu le faire. Ma folie n’a fait qu’alimenter le feu qui a réduit mon ministère en cendres.
Mais qu’est-ce que Dieu pouvait bien être en train de préparer? Comme vous pouvez l’imaginer, je n’ai pas tardé à entendre la petite voix calme et diabolique du doute intérieur: Je ne suis peut-être pas vraiment appelé à servir comme pasteur. Je me suis peut-être formé à l’institut parce que j’aime les grandes idées et les bons livres. Dieu n’a jamais eu en tête ce ministère pour moi et il est en train de m’éduquer pour que j’aie l’audace de me lancer là-dedans. Ma vraie vocation est peut-être de devenir professeur… ou quelque chose d’autre. Un emploi séculier se libérait dans ma ville natale… j’ai caressé l’idée d’envoyer ma candidature.
J’ai reçu la dernière flèche en plein cœur. Elle a été décochée un dimanche matin, peu de temps après mes trois années de ministère dans cette Église. Je venais de finir de prêcher lorsqu’un ancien – sous le regard choqué de ma famille et de l’assemblée – est monté sur l’estrade et a proposé de passer à un vote de confiance à mon égard (assis au deuxième rang, ma femme et mes quatre jeunes enfants observaient la scène). Il avait perdu confiance dans mon leadership et me traitait de « leader raté ». Pour moi qui me tenais déjà au bord de la falaise des adieux, ces mots ont porté le coup de grâce.
La congrégation est restée silencieuse. Elle a refusé de voter pour ou contre moi mais à ce moment-là, j’ai su: C’est terminé. Mon ministère s’achevait dans cette Église. Il s’achevait peut-être même tout court. Sept jours plus tard, je me tenais sur la même estrade, en train de lire ma lettre de démission, essayant en vain de retenir trois années de larmes amères. Le lendemain matin, j’ai annoncé à ma famille que nous allions retourner dans ma ville natale où je comptais reprendre ma carrière de journaliste. J’étais en colère contre l’assemblée et contre Dieu. Les mots de mon ancien résonnaient encore dans ma tête. Comment un « leader raté » pouvait-il être appelé à diriger le peuple de Dieu?
J’ai quitté cette Église, mais pas le ministère pastoral. Pourquoi? Après un tel désastre, quelle personne saine d’esprit se porterait volontaire pour un second tour? Bonne question. Je répondrai tout simplement ceci: je suis appelé à être pasteur. Et à moins qu’un péché moral ne me disqualifie, à moins de renier de manière invétérée et scandaleuse l’homme que Paul me demande d’être en 1 Timothée 3 et Tite 1, je suis appelé à persévérer dans le ministère. En l’absence de signes forts qui me persuaderont du contraire, je continuerai. Nous servons un royaume invisible dont les progrès sont souvent invisibles, eux aussi.
Je suis arrivé à cette conclusion grâce à une étude minutieuse de la Parole, baignée dans la prière. J’ai étudié la vie de certains hommes que Dieu a appelés dans les Écritures, ce qui m’a fait comprendre que leurs ministères ressemblaient à tout sauf à un succès retentissant (d’un point de vue strictement humain). Leur appel a souvent été confirmé par Dieu à travers leurs difficultés et c’est ainsi qu’il a également renouvelé le mien.
Trois personnages bibliques, en particulier, m’ont poussé à me remettre en selle pour un ministère dans une Église locale à travers leur biographie.
L’œuvre de Moïse n’a pas toujours ressemblé à un ministère florissant. L’idée qu’il n’était ni appelé ni apte à être le grand prophète d’Israël a dû lui traverser l’esprit. Malgré son travail fidèle (la plupart du temps), tout ne s’est pas bien déroulé. Le peuple de Dieu n’a pas suivi Moïse qui voulait qu’Israël obéisse à la loi de leur Seigneur, l’auteur de l’alliance: ce peuple souhaitait adorer des idoles. Il y a eu ce lugubre incident à Mériba. Le peuple n’a pas vraiment honoré l’autorité de Moïse. Moïse a perdu son sang-froid et il a péché en frappant le rocher à deux reprises. C’était un leader fidèle, mais imparfait.
La vie et le ministère de Moïse montrent que seul Dieu peut déterminer comment il utilise notre fidélité. Si votre ministère ne prospère pas selon les normes du monde mais que vous restez fidèle là où il vous a appelé, je ne vois là aucun signe indiquant que vous auriez mal compris l’appel de Dieu.
Jérémie est souvent appelé le » prophète pleureur ». Rien d’étonnant à cela. La réaction d’Israël à son égard n’a pas été des plus chaleureuses. Dieu a appelé Jérémie, cela ne fait aucun doute, mais on ne peut pas dire que le prophète ait été confirmé par ceux de son assemblée. Loin de là! Ils voulaient le tuer pour avoir prêché la vérité:
Venez, méditons un projet contre Jérémie! Car la loi ne périra pas faute de sacrificateurs, ni le conseil faute de sages, ni la parole faute de prophètes. Venez, frappons-le avec la langue, ne prêtons pas attention à toutes ses paroles!
Jérémie 18.18
Jérémie était intéressé davantage à obéir à Dieu qu’à recher cher les louanges des hommes. Dieu l’avait appelé à arracher l’idolâtrie d’Israël, il le savait, mais parfois, il n’assumait pas facilement ce rôle: « Malheur à moi, ma mère, car tu m’as fait naître homme de contestation et de dispute pour tout le pays! Je n’emprunte ni ne prête et cependant tous me maudissent » (Jérémie 15.10).
Dieu et l’Église où vous avez été consacré pasteur vous aideront à confirmer votre appel mais ce ne sera pas forcément le cas de l’assemblée que vous dirigerez. Si l’aspect du ministère qui vous plaît le plus, c’est d’encourager positivement les autres, alors vous êtes devenu votre propre idole (peut-être involontairement). Tout comme le mariage et l’éducation parentale, le ministère est une machine à rayons X: il met en lumière les idoles de nos cœurs. Nous devons rester concentrés sur notre tâche qui est d’exercer le ministère avec fidélité… et Dieu prendra soin d’encourager. Comme Jérémie.
Vous connaissez ces mannequins placés dans les voitures pour les crash-tests? C’est un peu ainsi que j’imagine Paul: le mannequin du crash-test de Dieu. La seconde épître aux Corinthiens m’a tout l’air d’un manuel sur la dangerosité de l’appel pastoral. Pour Paul, le ministère était un holocauste personnel. Il suffit de lire sa litanie de souffrances en 2 Corinthiens 11.23-28. S’il avait eu une carte de visite, le mot « faiblesse » y aurait été inscrit en grandes lettres. Paul a compris que c’est en vantant sa faiblesse qu’il mettrait en lumière la puissance de Dieu.
Et regardez un peu l’allure de l’Église à laquelle Paul s’adressait en 1 Corinthiens: une assemblée dont il est probablement l’implanteur. Des fruits, ça, il en a vu pousser dans le cœur des gens… des fruits pourris et décharnés. Problèmes théologiques à profusion associés à la gourmandise, à l’ivrognerie et aux fanfaronnades spirituelles. Mais « pas de fruit » chez le peuple n’est pas égal à « pas de fidélité » chez le prédicateur. Seul Dieu peut évaluer le poids de votre fidélité et il vous faudra peut-être attendre la gloire pour le connaître. Les épîtres de Paul aux Corinthiens le confirment.
Paul a annoncé à ses lecteurs qu’il n’y a pas de ministère sans crucifixion. Et quand la crucifixion viendra (et elle viendra, soyez-en sûrs), il faudra bien qu’un homme soit appelé à monter sur la croix. Malgré les apparences, la croix confirme souvent notre appel: servir Christ en suivant le chemin du Calvaire. Peu d’hommes ont été aussi sévèrement maltraités que Paul dans son ministère et pourtant, lisez ci-dessous ses paroles pleines de grâce. Paul était appelé par Dieu, c’était une certitude que l’épreuve ne pourrait pas remettre en cause, aussi menaçante soit-elle contre sa vie:
Nous ne voulons pas, en effet, vous laisser ignorer, frères, au sujet de la tribulation qui nous est survenue en Asie, que nous avons été accablés à l’extrême, au-delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions même (de conserver) la vie. Mais nous, en nous-mêmes, nous avions accepté notre arrêt de mort, afin de ne pas placer notre confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts. C’est lui qui nous a délivrés et nous délivrera d’une telle mort. Oui, nous espérons qu’il nous délivrera encore.
2 Corinthiens 1.8-10
Humainement parlant, les ministères de Moïse, de Jérémie et de Paul n’ont pas connu un succès triomphal. Mais ces trois hommes avaient compris l’appel.
Oui, ma première Église m’a laissé confus et perplexe. Certaines personnes et plus d’un ancien, pour des raisons qu’ils me cachaient, ont tenté de me convaincre que je n’étais pas pasteur. J’ai entendu toutes sortes d’explications quant à mon identité. Par exemple, que j’étais un véritable professeur d’institut biblique. Que je pourrais être un bon membre du personnel ou que je devrais peut-être essayer l’aumônerie militaire. Faisant allusion à mon emploi précédent, on a même suggéré que, pour un pasteur, je me débrouillais plutôt pas mal comme journaliste.
En dépit de toutes les critiques, ce désir intense de servir le peuple de Dieu continuait de m’habiter obstinément. La flamme qui consumait mes os ne voulait tout simplement pas s’éteindre… et je pense que le Saint-Esprit se trouvait derrière tout cela. Je voulais œuvrer comme pasteur et cela me hantait. J’en restais éveillé nuit après nuit. Comme Charles Spurgeon l’a suggéré à ses étudiants, ces symptômes sont peut-être les premiers signes subjectifs d’un appel authentique et irrévocable au ministère pastoral.
Ai-je été tenté par l’amertume? Oh que oui! Par le désespoir? À plusieurs reprises. Mon histoire m’est toute personnelle, peut-être un peu décalée, mais je soupçonne que même les pasteurs d’Églises apparemment en bonne santé luttent parfois contre l’amertume et le désespoir. Et pourtant, dans sa compassion, Dieu m’a aidé à trouver la paix en lui. Il m’a abrité au creux de sa parfaite providence, me préservant de prendre la voie du reproche contre l’assemblée. Il existait du péché dans l’assemblée et du péché dans mon cœur. En Éphésiens 4.32, Paul enseigne à pardonner aux autres comme nous avons été pardonnés. Le Seigneur m’a donné l’occasion de mettre en pratique ce principe d’une manière très concrète. Ce furent des moments difficiles mais par sa grâce, nous sommes restés amis avec beaucoup de membres de notre ancienne Église.
Aujourd’hui, j’ai le privilège d’exercer dans une autre Église et dans des circonstances plus paisibles. Le Seigneur a fait preuve de compassion envers ma famille et moi. Je suis heureux de ne pas avoir concrétisé mon projet de chercher à retravailler dans le journalisme (le secteur n’est pas vraiment florissant de nos jours, de toute façon).
L’appel se compose d’éléments objectifs, extérieurs (comme lorsque l’Église locale confirme vos dons et votre vocation) et d’éléments subjectifs (comme lorsque vous sentez l’appel de Dieu intérieurement). Les deux aspects sont importants. Voici six leçons que j’ai tirées de mon expérience dans le ministère. Certes, elles concernent plutôt le côté subjectif et ne sauraient servir de norme absolue et pourtant, elles m’ont aidé à répondre à ce qui nous préoccupe dans ce chapitre.
Si vous traversez des périodes de souffrance et que vous vouliez toujours devenir pasteur, vous avez probablement reçu un appel. L’épreuve confirmera votre ministère ou l’infirmera. Une fois, j’ai rencontré un jeune homme qui n’était pas certain de sa vocation et je n’ai pas tardé à découvrir qu’il doutait parce qu’il ne s’entendait pas avec l’autre pasteur sur un petit point de méthode. Ce désaccord mineur l’avait plongé dans une profonde angoisse. Il y voyait de la souffrance, mais je portais un regard différent sur la situation. Après avoir parlé avec moi puis avec d’autres amis pasteurs, nous avons tous admis que si une question aussi insignifiante lui donnait envie de quitter le ministère, il était peut-être sage qu’il le fasse. Aujourd’hui, il s’épanouit dans un emploi en dehors de l’Église, à bien diriger sa famille dans le Seigneur et à servir comme diacre dans son assemblée. Toute vocation comporte son lot de difficultés. Si ce sont les difficultés qui vous font fuir, il se peut que vous n’ayez pas bien saisi ce qu’est le ministère de l’Évangile.
Si l’Église a confirmé vos dons et que votre ministère a porté au moins quelques fruits, vous avez probablement reçu un appel. Vous avez constaté des fruits tangibles de vos efforts: des âmes ont été sauvées, des croyants ont grandi vers la maturité, des jeunes hommes se sont engagés dans le ministère. Mais on vous a stoppé net en vous décochant des flèches qui font mal. Envisagez de vous donner un peu de temps pour guérir avant de vous remettre en selle. À la suite de ma pénible expérience dans ce domaine, il m’a fallu près de dix-huit mois avant d’exercer à nouveau. Mon désir de prêcher la parole de Dieu et d’être pasteur n’a jamais faibli et j’ai passé beaucoup de temps dans la prière et la réflexion. J’ai essayé de tirer des leçons qui profiteraient à la communauté dont je serai pasteur à l’avenir. Ce chapitre en est un fruit.
Il se peut que vous soyez appelé à servir autrement pour un temps avant de redevenir pasteur plus tard. Un de mes amis s’est récemment éloigné du ministère pastoral. Il s’est rendu en Afrique pour participer à une implantation d’Église au cours des deux années suivantes. Un autre frère a pris un poste d’enseignant dans un institut biblique; il a laissé son poste d’ancien principal rémunéré pour un poste d’ancien bénévole dans son Église.
Tous deux espèrent retrouver une charge pastorale, soit en parallèle de leur activité actuelle, soit en reprenant un plein temps dans l’Église locale. Après de nombreuses années, David Platt a quitté sa charge de pasteur de l’Église de Brook Hills pour diriger le Conseil international des missions de la Convention des Baptistes du Sud. Quelques années plus tard, il est redevenu pasteur d’une Église en Virginie. Dieu peut utiliser vos dons de diverses façons. J’ai été rédacteur en chef et professeur auxiliaire entre mes charges pastorales et pendant celles-ci. Dieu ne gaspillera aucun des dons qu’il vous a octroyés.
Le succès dans le ministère – selon les critères du monde – n’est pas la garantie que vous êtes appelé au ministère. Les faux enseignants construisent des Églises de multitudes tandis que des multitudes de pasteurs fidèles dirigent de petites assemblées. Les « super apôtres » mentionnés en 2 Corinthiens étaient suivis par de nombreux adeptes, mais Paul les a rejetés en les traitant, à juste titre, de charlatans. Recherchons le fruit sain de l’Évangile. Il ne se trouve pas forcément dans des chiffres mirobolants de fréquentation ou dans les millions de dollars de budget (bien que cela ne doive pas toujours nous faire crier au compromis).
Si vous êtes appelé, l’appel est maintenu à moins que votre moralité ne vous ait nui. Si vous remplissez les conditions pour être ancien (1 Tm 3; Tt 1) et si vous recherchez l’humilité que Pierre s’attend à trouver en vous (1P 5.1-6), alors le Seigneur veut peut-être vous inciter à persévérer dans le ministère. Peu importe que le fruit que vous voyez tarde à mûrir. Moïse est passé par là. Jérémie est passé par là. Paul est passé par là.
Ici, Spurgeon devrait vous aider. Le « prince des prédicateurs » avait sa propre école de pasteurs. Il a déclaré à ses étudiants que le premier signe de « l’appel céleste » était « un désir intense et profond d’accomplir cette tâche ». En effet, Paul semble souscrire à ce conseil qu’il applique à Timothée, jeune pasteur dont il était le mentor. Nous connaissons tous l’exhortation de Paul à Timothée de surveiller de près sa vie et sa doctrine. Notez, cependant, qu’il commence par une autre exhortation: il l’enjoint à ne pas négliger le don octroyé par le conseil des anciens en lui demandant: « Occupe-toi de ces choses », et: « Donne-toi tout entier à elles » (1Tm 4.15, S21).
Si vous êtes marié, demandez à votre femme si vous êtes appelé. Je sais, j’entends votre objection: « Nous sommes des complémentaristes! » Non, c’est le complémentarisme dans ce qu’il a de meilleur. Quand les choses ont mal tourné, ma femme n’a jamais cessé de m’encourager à aller de l’avant. Elle m’a même énergiquement exhorté quand je pataugeais dans le bourbier de l’auto-apitoiement. Elle m’a rappelé que les événements survenus dans l’Église n’avaient rien à voir avec mon appel et tout à voir avec la bonté et la miséricorde de Dieu. Il était en train de me sanctifier dans son laboratoire de souffrance (une vérité qu’elle m’avait entendu prêcher des dizaines de fois).
Pendant que Dieu me brisait, il renforçait Lisa. Personne ne me connaît mieux qu’elle. Elle peut lire dans mon cœur. Elle connaît mes forces et mes faiblesses, ce que je sais faire et ce que je ne sais pas faire. Sans ses encouragements constants, je ne serais probablement pas pasteur aujourd’hui. Je suis heureux que Dieu m’ait donné une femme attachée à lui et pleine de sagesse, une femme qui ne craint pas de formuler ce que j’ai besoin d’entendre. Je suis reconnaissant que Dieu ait brisé mon entêtement et m’ait donné des oreilles pour entendre ses reproches bienveillants (mais fermes, parfois). Demandez à votre femme si elle pense que vous êtes appelé et puis écoutez-la.
Je ne suis pas un grand fan des « versets pour ta vie », trop souvent issus d’une lecture superficielle de l’Écriture, mal interprétés et sortis du contexte. Mais peu de temps après avoir quitté ma charge de pasteur en 1997, j’étudiais le livre des Actes lorsqu’un verset a capté mon attention. Un simple verset. Ce verset est la meilleure formulation jamais donnée de la mission pastorale. Et puisqu’il s’agit de la parole de Dieu, elle ne s’applique pas seulement à moi. Elle résume donc bien l’appel de chaque serviteur de Jésus:
Ma vie m’importe peu, je ne lui accorde aucun prix; mon but c’est d’aller jusqu’au bout de ma course et d’accomplir pleinement le service que le Seigneur m’a confié c’est-à-dire de proclamer la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu.
Actes 20.24, BDS
Peut-être vous demandez-vous si tout ce stress et cette tension en valent vraiment la peine. Certains de vos fidèles pensent peut-être avoir démasqué le charlatan que vous êtes derrière votre image de pasteur. Mais lorsque vous vous êtes donné tout entier au ministère (à plus forte raison quand vous êtes devenu chrétien), vous avez cédé votre titre de propriété à Jésus. Votre vie n’est plus à vous. Alors, n’abandonnez rien parce qu’au fond, votre petite personne n’est pas le grand enjeu. Votre tâche n’est pas de vous construire une vie respectable digne de la classe moyenne, mais d’aller jusqu’au bout de la course et du ministère que la divine providence vous a confié. Considérez vos afflictions comme un sujet de grande joie (Jc 1.2) et consacrez votre vie à témoigner du glorieux Évangile de la grâce de Dieu.