Est-il possible de développer l’IA d’une manière qui vient remettre en cause l’un des principes fondamentaux de ce qu’est l’être humain? Si oui, où sont les limites?
Pour une réflexion chrétienne concernant l’intelligence artificielle, il faut prendre en compte les grands principes que la Bible met en avant et qui constituent une vision chrétienne du monde.
L’un des principes qu’il faut maintenir à tout prix est le caractère unique de l’être humain.
L’être humain est unique dans la création, car il est la seule créature faite à l'image de Dieu (Gn 1.26-27). Par la manière dont Dieu l’a créé, il porte l’image de Dieu et reflète ainsi la gloire de son créateur. Il possède une âme, une intelligence, et une capacité à vivre en relation avec Dieu. Ceci est unique, précieux, et ne doit surtout pas se perdre. C’est pour cela que l’être humain se distingue de toutes les autres créatures, étant placé comme gérant de la création de Dieu.
C’est de ces principes, qui sont mis en avant dans Genèse 1-2, que découle la dignité de la vie humaine, de toute vie humaine (cf. Gn 9.6). Nous avons ici l’un des fondements de nombreuses convictions éthiques que possèdent les chrétiens, qui visent à maintenir la valeur de la vie humaine.
Il est donc normal que ce principe, qui définit de manière fondamentale l’être humain, ait des implications dans nos réflexions concernant l’intelligence artificielle. En particulier, nous devrions être vigilants à ce que le développement de l’intelligence artificielle ne remette pas en cause ce principe fondamental, car c’est la dignité humaine et la valeur de la vie qui sont en jeu.
Un mauvais développement ou usage de l’intelligence artificielle peut venir flouter la distinction fondamentale qui existe entre l’être humain et l’IA, remettant ainsi en cause la dignité de l'homme créé à l’image de Dieu.
L'IA semble peut-être avoir un cerveau ou une intelligence, mais elle n'a pas d'âme. Elle n'a pas d'émotions ou de sentiments. L’intelligence artificielle peut imiter ces choses et les produire de manière artificielle, mais nous devons nous rappeler que ce n'est qu'une imitation. Même lorsque l'IA parle comme une personne humaine, réplique les mimiques d'un être humain et les intonations humaines, nous devons nous rappeler que cette voix n'est que le produit de lignes de code. Ce sont des lignes de code impressionnantes, certes, mais ce ne sera jamais plus. C'est une évidence de le dire, mais l'intelligence artificielle n'est pas un être humain, et ne le sera jamais.
Tout développement chrétien de l'IA devrait donc être sensible à cette distinction fondamentale entre l'être humain et la machine, entre le porteur de l'image de Dieu et des lignes de code dans un document.
Nous ne devrions pas développer l'IA en essayant de faire en sorte que la machine ressemble de plus en plus à l'être humain. Nous devrions plutôt développer l'IA en maintenant cette distinction fondamentale de manière évidente sous les yeux des utilisateurs.
C'est ce que soulève Mark Sears, leader d'une boîte consacrée à l'IA. Il explique qu’il doit y avoir une limite claire entre l'intelligence artificielle et les êtres humains. Il écrit:
Puisque nous sommes faits à l'image de Dieu et que l'IA ne l'est pas, il doit exister une distinction entre les humains et les machines. Par conséquent, l'IA ne doit jamais se faire passer pour un être humain en prétendant qu'elle ressent des émotions ou qu'elle est capable de ressentir de l'empathie pour nous. Nous ne devrions pas donner à notre IA un nom humain. Nos robots ne doivent pas nous ressembler.
Ce n’est pas que le concept même d’intelligence artificielle est mauvais, mais qu’il devrait être développé en maintenant la distinction fondamentale qui existe entre l’être humain et l’IA.
Un développement chrétien de l’IA ne devrait pas chercher à ce que l’IA nous ressemble de plus en plus, mais au contraire chercher à rendre manifeste le fait que l’IA ne nous ressemble pas. Ce principe est important, car lorsque l'IA ressemble en tout point à un être humain sans l'être, c'est la dignité humaine qui est atteinte.
Mark Sears soulève quelques limites qui devraient être prises en compte, non pas comme des règles strictes, mais plutôt comme des pistes de réflexion: Est-il vraiment sage de donner à une IA un nom humain? Est-il vraiment juste de laisser l’IA se faire passer pour un être humain, prétendant ressentir des émotions qui ne sont qu’artificielles?
À cela, on pourrait ajouter une autre piste de réflexion: est-il vraiment juste que l’IA puisse imiter une voix humaine de manière quasi parfaite (comme c’est le cas tout en haut de cet article!)? Ne vaudrait-il pas mieux avoir une voix plus "robotique", même si c’est moins agréable, par souci de garder la distinction claire? Ou ne faudrait-il pas au moins mentionner de manière explicite qu’il s’agit d’une voix artificielle, et non d’une voix humaine?
Ces éléments ne visent à ce stade qu’à être des questions que nous devrions nous poser, et à propos desquelles nous devrions discuter ensemble. Je ne dis pas que les réponses à ces questions sont faciles, mais je crois qu’une discussion à ce sujet est essentielle. Nous ne pouvons pas faire appel à la dignité humaine dans certains domaines éthiques et la rejeter dans d’autres. Nous devons être cohérents et réfléchis.
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