L’hyper-personnalisation de l’IA et la foi chrétienne

      Vision chrétienne du mondeIntelligence Artificielle
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      Une IA avec des principes chrétiens va se différencier d’une IA classique. Mais comment? Voici quelques réflexions en lien avec le danger de la personnalisation qu’offre l’intelligence artificielle.

      L’un des buts des IA telles que ChatGPT est de nous donner ce que nous voulons. Ça fonctionne bien, car l’intelligence artificielle est très forte en personnalisation: elle essaye de connaître nos besoins et nous donne une réponse adaptée à notre situation. Plus nous partageons qui nous sommes, plus l’IA est efficace pour répondre de manière ciblée.

      L’article suivant vise à partager trois réflexions brèves à ce sujet, qui visent à aider les chrétiens à réfléchir au développement de l’intelligence artificielle selon des principes chrétiens. Ces réflexions n’ont pas pour but de rejeter toute utilisation de l’IA, mais plutôt de pointer vers les limites de la direction que prend actuellement son développement.

      1. Seul Dieu nous connaît

      D’abord, nous ne devons pas oublier que seul Dieu nous connaît véritablement et pleinement. Nous avons tous ce désir d’être connus et compris. Lorsque quelqu’un comprend nos sentiments et nos émotions, cela nous fait du bien. C’est humain.

      En ce sens, l’IA attire. Par sa force de personnalisation, il semblerait que l’on ait enfin trouvé quelqu’un (en réalité, c’est plutôt quelque chose) qui nous comprend vraiment. C’est en partie ce qui donne lieu à tous ces récits d’amitiés, voire d’aventures amoureuses, entre des êtres humains et des intelligences artificielles.

      Mais la réalité est tout autre: l’IA ne peut pas nous connaître vraiment. Elle peut connaître des informations sur nous, et nous donner des réponses adaptées à la lumière de ces informations, mais l’IA n’a pas de personnalité: ce n’est pas une personne. C’est une machine qui ne ressent pas les émotions que les êtres humains ressentent. L’IA ne peut pas nous connaître ni nous comprendre comme un être humain, fait des mêmes os et de la même chair que nous, le peut.

      De plus, nous ne devons pas oublier que Dieu est celui qui nous connaît intimement (cf. Ps 139.1-5). Ce désir intime d’être connus et compris ne peut être comblé qu’en Dieu, notre créateur. C’est lui qui connaît tout de nous. Il nous connaît même mieux que nous nous connaissons nous-mêmes!

      Ainsi, un développement chrétien de l’intelligence artificielle visera à maintenir cette distinction en lui imposant certaines limites.

      2. L’homme au centre

      Ma deuxième réflexion, en lien avec la personnalisation de l’IA, vise à en montrer les implications en lien avec la foi chrétienne. Cette hyper-personnalisation qu’offre l’intelligence artificielle risque d’accentuer une foi chrétienne où l’être humain est au centre, et où Dieu est sur le banc de touche. Pour beaucoup, la foi chrétienne est synonyme de "développement personnel": Dieu existe pour combler nos besoins et nous faire devenir qui nous voulons être. C’est ce que j’appelle "l’évangile du bien-être".

      L’IA telle qu’elle est développée actuellement me semble s’inscrire dans la même lignée, en nous donnant toujours ce que nous voulons recevoir. L’IA va toujours nous brosser dans le sens du poil. Lorsque nous lui posons une question, l’IA répond toujours que c’est une excellente question! L’IA est toujours positive et enthousiaste vis-à-vis de nos réflexions, brossant notre ego et accentuant notre estime de nous-mêmes.

      3. Chacun sa vérité

      Une troisième réflexion, qui poursuit en réalité la deuxième, concerne la notion de vérité. En se laissant aller dans cette personnalisation à l’extrême, on en vient à avoir un monde où chacun reste ancré dans ce qu’il croit être vrai, sans jamais être confronté à d’autres systèmes de pensée.

      C’est déjà le cas avec internet et les réseaux sociaux qui créent des "chambres d’écho"1. Mais l’intelligence artificielle accentue cela. Si on ne le demande pas explicitement, on ne sera pas confronté à une autre manière de penser. L’IA va nous donner la vérité que l’on veut entendre. C’est le contraire de la "vie physique" où l’on est naturellement en contact avec des gens qui ne pensent pas comme nous! Et cela contribue à notre bien.

      Ainsi, une IA avec des principes chrétiens devrait viser à mettre en avant la vérité, peu importe les critères de personnalisation. Nous ne devons pas donner à chacun les réponses qu’il veut recevoir en raison de ses convictions théologiques, mais lui donner la vérité qui vient de la Bible – peu importe que cela contrarie ou non.


      Ce ne sont que trois brèves réflexions, qui mériteraient d’être développées. J’espère que cela aide en tout cas à comprendre qu’une IA "chrétienne" aura un algorithme différent d’une IA "classique". Ce sont des réflexions à avoir entre chrétiens qui œuvrent dans le domaine de la tech.

      Benjamin Eggen

      Benjamin est marié à Jessica, papa d'une petite fille, et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

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