La notion d’inclusion signifie que la société s’adapte au besoin des individus pour former un tout dans lequel chacun trouve sa place. Elle se distingue de la notion d’intégration qui introduit l’idée que c’est à la personne de s’adapter pour rentrer dans les normes de la société. En deux mots, l’inclusion consiste à "accepter" et à "adapter".
Je m’appelle Isabelle Chateigner et je suis monitrice-éducatrice en libéral auprès d’enfants en situation d’autisme. Je suis moi-même handicapée physique (syndrome d’Ehlers Danlos) et affectée par un handicap cognitif (dyslexique, dysorthographique et dyscalculique). Au sein de mon Église, je suis engagée comme monitrice d’école du dimanche. Depuis plusieurs années, Dieu m’a mis à cœur l’inclusion des personnes en situation de handicap, tout particulièrement au sein de l’Église. Ces personnes doivent pouvoir sentir qu’elles ont une place et une contribution à apporter dans nos communautés!
Dans la Bible, l’apôtre Paul utilise l’image du corps pour l’appliquer à l’Église. Les croyants qui constituent l’Église représentent chacun une partie du corps. Si un membre souffre, cela affecte le corps dans son ensemble. En 1 Corinthiens 12.25, on lit ainsi que les différentes parties du corps doivent prendre soin les unes des autres. Pour prendre soin de quelqu’un, il faut d’abord commencer par l’accueillir et par apprendre à le connaître pour l’aider dans son besoin. Je commencerais donc par traiter de l’acceptation dans cet article.
La question de l’adaptation viendra dans un second article. De quoi parle-t-on? Dans le cas de la découverte d’un handicap, l’acceptation est une étape très dure pour la personne, sa famille et son entourage. Pour bien comprendre la notion de handicap, je voudrais vous citer la définition de la loi de 2005:
Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.
Pour compléter cette définition, voici quelques exemples de handicaps ou de maladies invalidantes en fonction des grandes catégories qu’il est possible de distinguer:
À noter que, dans bien des cas, le handicap n’est pas visible. On parle alors naturellement de handicap invisible. Ce type de handicap accentue encore plus l’incompréhension de l’entourage, car celui-ci ne comprend pas forcément quels sont les degrés de limitation de la personne touchée. Par exemple, en ce qui me concerne, je peux marcher si ce n’est pas trop longtemps, mais faire du surplace m’est vraiment difficile. C’est la raison pour laquelle je bénéficie d’une carte pour être prioritaire dans les files d’attente. Je mesure alors l’incompréhension dans les yeux des gens qui me voient marcher parfaitement bien sans boiter.
Accepter le handicap, c’est admettre que la personne a des capacités différentes et qu’elle ne pourra pas tout faire comme les autres. C’est accepter que l’on va devoir dépendre de quelqu’un et ainsi avoir moins d’autonomie. Parfois, ce peut être faire le deuil de certaines actions que l’on ne pourra plus faire seul ou de ce que l’on a projeté pour la vie de son enfant.
De pair avec l’acceptation du handicap va aussi la difficulté du regard des autres. Souvent, fournir une justification par l’explication du handicap est la seule façon de voir de l’acceptation dans leurs yeux. Du fait de cette pression sociale, certaines personnes ou familles ont des difficultés à sortir en public ou vont se mettre dans le fond d’une pièce pour pouvoir sortir rapidement à la moindre gêne que pourrait provoquer la personne en situation de handicap. Les parents d’un enfant en situation d’autisme m’ont ainsi expliqué que lorsqu’ils vont dans une nouvelle Église, l’un des conjoints s’y rend d’abord seul pour voir si la communauté est accueillante. Puis, si c’est le cas, ils reviennent ensuite avec leur enfant, mais ils s’assoient au fond de la salle pour se faire le plus discret possible afin de ne pas déranger.
Bien souvent, voire trop souvent, cette peur que leur proche soit un fardeau fait que les familles n’osent pas demander des aménagements pour que la personne soit réellement incluse dans l’Église. J’ai toujours apprécié l’histoire du paralytique dans la Bible en Marc 2. Au-delà du fait que Jésus accomplit un miracle, la persévérance de ces quatre personnes m’impressionne. Malgré les obstacles, ils ont aidé le paralytique à accéder à Jésus. La Bible ne nous dit pas qui sont ces personnes (des amis, de la famille ou simplement des personnes qui souhaitent aider). De même, nous ne savons pas si c’est le paralytique qui leur a demandé de l’aide ou si ce sont eux qui sont allés vers l’homme pour lui proposer de l’assister. Quoiqu’il en soit, ils ont pris les devants, ils ont osé et ils ont bien fait!
Comme évoqué précédemment, le fait d’avoir envie de se fondre dans la masse va parfois empêcher la famille ou les personnes de faire le premier pas. Allez vers eux, n’hésitez pas à dire bonjour à la personne en situation de handicap et à vous présenter même si elle ne vous répond pas ou ne vous regarde pas.
Dans le cas du handicap sensoriel, il faut prendre en considération le bruit qu’il peut y avoir dans la pièce. Parlez plus fort, articulez, et rapprochez-vous si vous discutez avec une personne malentendante. Proposez-lui éventuellement de changer de salle si cela lui conviendrait mieux.
Dans le cas d’un handicap moteur où la personne serait incapable de se lever ou de rester debout, n’hésitez pas à vous mettre à sa hauteur en vous asseyant sur une chaise à côté d’elle, cela lui fera plaisir de ne pas avoir à lever constamment la tête et de se sentir à hauteur égale.
N’hésitez pas à rassurer la famille et à dédramatiser le bruit ou les mouvements qui pourraient prendre place pendant le culte. Intéressez-vous également aux proches et pas seulement à la personne en situation de handicap. Cette dernière prend bien souvent toute la place dans la famille au détriment des autres membres de la fratrie.
Le handicap est souvent mis en avant et l’identité de la personne peut s’y résumer. C’est pour cette raison qu’il est préférable de parler d’une personne « en situation de handicap » plutôt que d’un handicapé.
L’individu ne se réduit pas à son invalidité. Demandez à la personne ou à sa famille ses centres d’intérêt, les activités pratiquées pendant la semaine ou simplement si elle a apprécié le temps de louange. Il faut savoir que les personnes en situation de handicap mental ou cognitif aiment beaucoup la musique, même si elles ne comprennent pas les paroles des chants.
Accepter, c’est également mieux comprendre le fonctionnement d’une personne. Si la famille est d’accord, posez-leur des questions pour mieux saisir les conséquences du handicap sur la vie de la personne et pour savoir comment interagir avec elle, surtout lors d’un handicap mental et cognitif. Faites-le progressivement et ne vous lancez pas dans un interrogatoire dès la première rencontre. Essayez de comprendre quelle incidence cette situation peut avoir sur la compréhension de l’Évangile et sur la participation aux activités de l’Église.
Je voudrais également vous parler des « aidants », les proches qui aident les personnes en situation de handicap. Parfois, cette personne doit arrêter de travailler pour prendre soin de celui ou de celle qu’elle aime.
Être aidant est un rôle précieux mais lourd et fatiguant. Il peut souvent devenir leur identité. En l’absence de la personne en situation de handicap, les aidants peuvent ne plus savoir quoi faire, ni comment prendre du temps pour eux. Ils peuvent également avoir du mal à accepter de confier leur proche à une autre personne, ne serait-ce que pour quelques heures. En tant que membre du même corps, c’est aussi notre rôle de les soutenir.
Si vous vous en sentez capable et que vous avez déjà tissé de bonnes relations avec eux, n’hésitez pas à proposer votre aide pendant le temps à l’Église ou même pour venir garder la personne à domicile pendant que l’aidant se rend à un rendez-vous. De même, si l’aidant est malade et ne peut pas venir au culte, cela signifie que la personne en situation de handicap ne viendra pas non plus. Si la confiance est bien établie entre vous et la famille, vous pourriez pourquoi pas proposer votre aide pour amener la personne à l’Église (et donner ainsi du répit à l’aidant qui est déjà malade).
Il faut savoir que, pour certains handicaps, le réseau social de la famille est affecté. Ses membres peuvent être davantage repliés sur eux-mêmes. Soit les amis, collègues et membres de la famille se sont éloigné à cause du handicap de la personne, soit c’est l’inverse et c’est la famille aidante qui s’est coupée des autres pour différentes raisons. D’où l’importance du soutien des membres de l’Église!
N’hésitez pas à proposer plusieurs fois votre aide (de façon créative), même si la première offre de service a été rejetée. Continuez à créer un lien de confiance avec la famille aidante, de penser à eux en leur envoyant des petits messages et peut-être qu’un jour ils lâcheront prise et accepteront l’aide proposée.
Pour revenir au passage biblique de l’homme paralysé, les quatre personnes qui l’ont aidé ne se sont pas arrêté aux premiers obstacles venus. Ils ont traversé la foule et ont même démonté le toit pour que l’homme puisse atteindre Jésus. Ils ont trouvé une solution créative et étonnante en créant une autre porte d’entrée accessible à l’homme paralysé.
L’inclusion ne consiste pas à bouleverser totalement le fonctionnement de l’Église pour inclure les personnes en situation de handicap. Elle consiste à se mettre à leur place et à trouver de petites solutions créatives pour adapter l’environnement afin que la personne se sente bien et accueillie au sein de la communauté que forme l’Église.
Toute adaptation nécessite de discuter avec la personne ou avec sa famille. Il est important de poser des questions sur le handicap, d’en comprendre les conséquences et de proposer des idées d’aménagement en rassurant la personne et en lui indiquant que ces adaptations ne sont pas un poids pour l’Église.
Vous trouverez des exemples d’adaptations dans un prochain article.