Pourquoi Dieu nous a-t-il placés dans le monde? Dans un précédent article, nous avions vu un début de réponse: Dieu nous a placés dans le monde pour manifester son règne. Notre tâche, en tant que vice-régents, est de modeler le monde pour qu’il ressemble plus au ciel.
Mais le début de la Genèse superpose une autre image à celui du royaume. La création est aussi un Temple, dans lequel Dieu a placé les hommes pour manifester sa présence.
Il existe des liens importants entre Éden, le Tabernacle et le Temple1. Par exemple, la présence de Dieu dans la création est comparable à la présence de Dieu dans le Tabernacle. En effet, en hébreu, la même forme verbale utilisée pour décrire Dieu qui “parcourait” le jardin (Gn 3.8) décrit la présence de Dieu dans le Tabernacle (Lv 26.12; Dt 23.15; 2S 7.6-7; Éz 28.14). La terre tout entière est comme le marchepied de Dieu (És 66.1) et forme la base de son trône.
La géographie et la topographie d’Éden rappellent celles des temples successifs. Comme le Tabernacle et le Temple d’Ézéchiel, Éden est situé sur une montagne (Ex 15.17; Éz 28.14, 16; 40.2; 43.12) et son entrée se trouve à l’Est (Gn 3.24; Éz 40.6). Comme en Éden (Gn 2.10), des rivières sortent des temples post-exiliques et eschatologiques (Éz 47.1-12; Ap 21.1-2) et Éden est entouré par l’eau, comme les jardins autour des palais royaux. La décoration du Temple avec des motifs du jardin reflète probablement le fait qu’Éden était un Temple (1R 6.18, 29, 32, 35; 7.18-20).
Le Temple, c’est l’endroit depuis lequel Dieu règne, et dans lequel on vient l’adorer. Dans le récit de la Genèse, c’est toute la création qui est appelée à devenir le Temple de Dieu. En demandant à Adam et Ève de se multiplier et de remplir la terre, Dieu veut remplir la création d’un peuple d’adorateurs qui manifestent son règne et sa présence sur toute la surface du monde.
L’homme est placé dans le jardin comme un ambassadeur du règne de Dieu, mais aussi comme un prêtre au service de Dieu.
L’Éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder.
Genèse 2.15 (LSG)
En Genèse 2.15, Adam doit “cultiver et garder” le jardin; ces deux mots seront employés plus tard dans l’Ancien Testament pour désigner le rôle des lévites, ces prêtres qui servaient dans le Temple et le gardaient des choses impures (Nb 3.7-8; 8.25-27; 18.5-6; 1Ch 23.32; Éz 44.14).
Deux privilèges du prêtre dessinent notre vocation de prêtre dans la création:
Nous avons été créés par Dieu et pour Dieu. Nous avons été créés pour vivre en communion avec Dieu, dans une proximité et une intimité que la Bible dépeint plus tard comme un mariage. Sans Dieu, l’homme est incomplet. Il ne trouvera jamais le sens de sa vie ni le repos qu’il recherche partout ailleurs.
En Éden, Dieu parcourait le jardin et marchait au milieu d’Adam et Ève. Mais après qu’ils aient péché, les hommes sont chassés de la présence de Dieu. L’entrée du jardin est interdite et gardée par les chérubins.
Lors de la construction du Tabernacle, la maison de Dieu dans le désert, Dieu met en place un système qui permet au peuple pécheur de s’approcher de lui. Mais en plus de manifester la présence de Dieu au milieu du peuple, le Tabernacle rend tangible la distance qui sépare Dieu du peuple.
Des trois espaces du Tabernacle, les israélites ne pouvaient entrer que dans la cour. Les prêtres pouvaient entrer dans le lieu saint, mais seul le grand prêtre pouvait entrer dans la présence glorieuse de Dieu, dans le lieu très saint, une fois par an. À cette occasion, il représentait le peuple auprès de Dieu et apportait le sang du sacrifice pour l’expiation du péché du peuple. Quand il sortait, revêtu de ses habits, il manifestait la présence de Dieu, qui marchait parmi le peuple.
Mais c’est un autre homme qui a marché parmi les hommes, manifestant pleinement la présence de Dieu. L’Évangile selon Jean nous dit:
La Parole a été faite chair et elle a habité parmi nous.
Jean 1.14
Littéralement, la Parole a planté sa tente, a "tabernaclé" parmi nous. Et nous avons contemplé sa gloire.
James Irwin, qui a fait partie de la mission Apollo 15, a dit:
Le plus grand événement de l’Histoire, ce n’est pas que l’homme ait marché sur la Lune, mais que Dieu ait marché sur la Terre.
En Christ, Dieu s’est approché de nous, et il nous permet de nous approcher de Dieu. À la croix, Jésus a déchiré le voile. L’auteur de l’épître aux hébreux nous dit que “nous avons, au moyen du sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire” et que nous pouvons maintenant nous approcher de Dieu.
Dans le même livre, quand l’auteur nous invite à nous approcher avec assurance du trône de la grâce, il invite tous les chrétiens à faire l’expérience que seul le grand prêtre pouvait faire. S’approcher du trône, c’est entrer dans le lieu très saint, dans la présence glorieuse de Dieu. Par son sacrifice, Jésus nous permet d’entrer dans la présence même de Dieu.
Sur le voile qui barrait l’entrée du lieu très saint du Tabernacle, puis du Temple, étaient brodés deux chérubins, qui gardaient son entrée, pour rappeler l’entrée du jardin et l’accès à la présence de Dieu. Mais le voile est déchiré et l’accès est libre. C’est cela la bonne nouvelle de l’Évangile: Christ, par son sacrifice, nous permet de vivre dans la présence de Dieu. Et ainsi, de retrouver le vrai sens de notre vie et le vrai repos pour nos âmes.
Dieu a placé l’homme dans le jardin pour le cultiver et le garder. Ce verset a de grandes implications pour notre vision du travail, et plus largement de toutes nos activités. Nous avons été créés par Dieu et pour Dieu et toute notre vie est placée sous son regard. Ce verset fait le lien entre notre activité et notre adoration.
Sous le regard de Dieu, tout ce que nous faisons est pour la gloire de Dieu. Notre adoration n’est pas ce que nous faisons le dimanche, mais caractérise tout ce que nous faisons, tout le temps. Tout ce que nous faisons se place sous le regard de Dieu, et nous le faisons pour le Seigneur.
Le Tabernacle et le Temple étaient des modèles réduits du monde. Et le service des prêtres dans ces sanctuaires était des échos à l’activité humaine sur terre. Toute notre activité se place devant Dieu, et pour Dieu. Tout ce que nous faisons, nous devons le considérer comme un service que nous devons au Seigneur.
Nous sommes placés sur terre sous le regard de Dieu, et à côté de notre prochain. Un des rôles du prêtre, c’est d’être le médiateur des bénédictions de Dieu pour son prochain. Ainsi, tout ce que nous faisons, nous le faisons pour la gloire de Dieu et le bien de notre prochain.
Par nous, Dieu veut faire du bien au monde. Nous sommes des agents de bénédiction. Par nous, Dieu veut bénir la société. Comme des prêtres, nous manifestons la présence et la bénédiction de Dieu sur terre en servant notre prochain.
Notre vie sociale, et toutes nos interactions humaines, doivent être caractérisées par la bénédiction que nous voulons apporter aux autres de la part de Dieu. Dans toutes nos relations, Dieu nous appelle à prendre en compte les besoins des autres pour les bénir.
Tous ces domaines (famille, Église et société) sont autant de vocations dans lesquelles Dieu m’appelle à bénir mon prochain.
Dieu nous a placés sur terre pour représenter son règne sur toutes choses et manifester sa présence par la bénédiction de notre prochain. Voilà le sens et le but de notre vie: vivre pour Dieu, en servant notre prochain.
C’est là l’exemple que nous a donné Jésus, le second Adam, l’homme véritable. Il a manifesté son règne par le service. Il a manifesté sa gloire par l’humilité, sa grandeur par sa faiblesse. L’Agneau immolé est aussi le lion glorieux.
Dans un monde désenchanté, qui vit comme si Dieu n’existait pas; nous passons pour des fous lorsque nous disons que nous voulons vivre toute notre vie à la gloire de Dieu.
Dans un monde pollué par le péché et aveuglé par le diable, vivre dans la sainteté, à la gloire de Dieu et servir notre prochain pour son bien devient un acte de résistance. En agissant comme des prêtres royaux de Dieu, nous résistons aux mensonges de ce monde et nous vivons selon la vérité de l’Évangile.
1. Je résume ici rapidement les arguments présentés dans BEALE, A New Testament Biblical Theology, pp. 617-622. Sur le même sujet, cf. MIDDLETON, The Liberating Image, pp. 81-88.
Article publié une première fois le 29 novembre 2023. Republié avec l’enregistrement de la prédication.