De nombreux chrétiens perçoivent le don du célibat comme une capacité hors du commun à pouvoir y faire face. Ce serait un don particulier permettant à certaines personnes choisies de survivre en tant que célibataires. Ce serait comme un super-pouvoir.
Comme tout super-pouvoir, nous imaginons qu’il est exceptionnel et insolite. Le propre d’un super héros réside en ce que ses pouvoirs sont extraordinaires. Cela fait partie de son appel. Il se distingue du commun des mortels. Donc, ceux qui ont le don du célibat doivent appartenir à un groupe restreint capable de supporter le célibat alors que la plupart d’entre nous n’en sommes pas capables. Cela semble bien correspondre à ce dont parle Paul et à l’idée que nous nous faisons du célibat. Mais cette façon de penser pose de nombreux problèmes.
Pensez-y: si pour survivre au célibat, il faut un super-pouvoir spirituel, c’est que ce doit être vraiment horrible. Al Hsu compare le don du célibat à une anesthésie générale lors d’une opération chirurgicale: « En filigrane se cache l’idée que personne ne choisirait de rester célibataire de son plein gré s’il avait la possibilité de se marier.1 » Cette idée vient renforcer les nombreux clichés selon lesquels une vie célibataire est une vie à demi vécue. Donc, ceux qui choisissent de ne pas se marier, même si c’est pour l’avancement du royaume, font finalement un choix plutôt malsain. Le célibat en soi nécessite donc d’avoir un « don » spécial pour pouvoir le supporter.
Pour ceux qui sont célibataires et en sont malheureux, façon d’oublier le contentement que ressentent d’autres célibataires satisfaits de l’être – « de toute évidence, eux ont le don du célibat et pas moi ».
Que faire si un célibataire est convaincu de ne pas être fait pour le célibat, mais qu’il se trouve dans une situation où la seule opportunité d’avoir une relation amoureuse engendre le péché?
Imaginons qu’il ait toujours été uniquement attiré par des personnes du même sexe ou que, tout simplement, il soit dans un environnement où il n’y ait aucune autre personne chrétienne qu’il puisse épouser. Quelle sera la réponse? Quoi qu’il en soit, Dieu semble ne proposer que des solutions inadéquates. S’il doit choisir entre accepter l’idée qu’il a le don de célibat ou considérer qu’avoir une relation homosexuelle (ou avec un non-chrétien) n’est pas si grave, je suis à peu près certain du choix qu’il fera.
Je l’ai vu à maintes reprises. Je pense à cette femme qui a épousé un non-chrétien et l’a justifié ainsi: « Je sais que Dieu ne veut pas que je reste seule. » Je pense encore à cet autre personne qui s’engagea dans une relation homosexuelle avec comme seule raison qu’elle « n’était pas appelée à rester célibataire » et n’avait donc pas d’autre choix. Remarquez que dans les deux cas, c’est finalement la faute de Dieu. Il nous met dans une situation où nous ne pouvons pas lui obéir.
Mais nous savons que notre Père céleste nous aime et n’agit pas ainsi. Il est parfait et pleinement cohérent dans tout ce qu’il est, dit, et fait. Sa Parole n’est jamais contradictoire. Jamais, au grand jamais, elle ne peut être acceptée d’un côté et reniée de l’autre.
Obéir à un de ses commandements n’implique jamais de désobéir à un autre.
Penser qu’une situation doit nous conduire au péché revient à nier la parfaite unité et intégrité de Dieu. C’est rendre Dieu aussi inconséquent et contradictoire que nous le sommes. C’est également nier sa bonté en suggérant qu’il cherche à nous piéger: il nous appellerait à accomplir quelque chose pour ensuite nous priver de toute capacité à le faire.
Je connais quelques personnes qui sont vraiment malheureuses dans leur couple en ce moment. Parmi ces personnes, Steve (nom d’emprunt) et sa femme se contentent d’être les coparents de leurs enfants. Ils n’ont plus d’amitié commune. Ils ne s’apprécient même plus. Il est aisé pour Steve de passer le plus de temps possible loin de chez lui. Il exerce un ministère chrétien, et peut donc y consacrer ses soirées et week-ends pour échapper à la situation insoutenable qu’il vit chez lui. Je sais qu’il est terriblement envieux de mon célibat. Qu’est-ce qui l’empêcherait donc de se dire: « Je suis marié, mais je n’ai vraiment pas le don du mariage. Je dois donc quitter ma famille »? Cela reviendrait à dire que « Dieu est à l’origine du divorce2 ».
S’il existe un « don du célibat » pour seulement une poignée de gens capables de s’épanouir en tant que célibataires, pourquoi n’existerait-il pas un « don du mariage » seulement pour une poignée de gens capables de s’épanouir dans leur vie de couple?
Vivre en couple n’est pas facile, c’est un fait. En pensant que seul le célibat requiert un don particulier, nous oublions à quel point le mariage est également un véritable défi pour les pécheurs que nous sommes. Il n’est pas anodin de trouver cette mise en garde sur le mariage dans le « Livre de la prière commune » utilisé au sein de l’église anglicane:
Le mariage ne doit pas être conclu à contrecœur, de manière superficielle, à la légère ou sans discernement, mais bien au contraire en toute discrétion, avec révérence, sagesse et sérieux, et dans la crainte de Dieu.
Dans ses écrits, chaque fois que Paul utilise le terme « don », il parle d’une compétence donnée par Dieu pour édifier les autres. Il ne parle pas d’un vague état d’esprit dépourvu de stress.3
Les dons (comme Paul l’explique ailleurs dans sa lettre aux Corinthiens) servent à l’édification de l’Église et non au simple épanouissement individuel et personnel. Il s’agit de servir les autres, non de rechercher un sentiment de paix.
Tim Keller poursuit:
Pour Paul, le célibat était un don qui lui donnait la liberté de se concentrer sur son ministère bien davantage qu’un homme marié. Il est très probable qu’il ait vécu ce que nous appelons aujourd’hui « des conflits émotionnels » liés à son célibat. Peut-être aurait-il voulu être marié. Mais il a découvert que cela lui permettait de mener une vie de service pour Dieu et pour les autres. Il a, de plus, tiré profit des avantages uniques de la vie de célibataire (comme la flexibilité de son emploi du temps), afin de servir avec une grande efficacité.4
Voilà une bonne nouvelle. Comme le dit Vaughan Roberts, cela implique que « personne ne passe à côté »5. Nous sommes tous au bénéfice de la bonté de Dieu. Cela ne minimise pas les défis inhérents au mariage ni au célibat, mais nous rappelle que, même au cœur de ces défis, nous pouvons goûter à la bonté de Dieu.
1 Albery Y. Hsu, The Single Issue (London: Inter-Varsity Press, 1998), 55.
2 Ibid.
3 Timothy Keller, Le mariage (New York: Dutton, 2011), 207–8.
4 Ibid.
5 Vaughan Roberts, True Spirituality: The Challenge of 1 Corinthians for the Twenty-First-Century Church (Nottingham, UK: Inter-Varsity Press, 2011), 88.
Traduction libre. Merci à Christine Davée pour la traduction de cet extrait du livre 7 myths about Singleness de Sam Allberry. M-à-j: Nous avons remis cet article en avant suite à la parution de son livre en français.
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