La curiosité n’est pas toujours une qualité en théologie

Doctrine de DieuÉthique

La curiosité est bonne, mais elle peut aussi être désastreuse. La curiosité qui doit être mise à mort est celle qui cherche à connaître ce que Dieu n’a pas choisi de révéler.

Comme nous l’avons vu dans un précédent article, Dieu nous dépasse complètement. Nous pouvons connaître des choses sur lui, mais nous ne pouvons pas le comprendre totalement.

De plus, ce que nous pouvons connaître de lui est seulement ce qu’il a choisi de nous révéler. Nous ne pouvons pas partir à la quête de la connaissance de Dieu par nous-même, sans que Dieu ait choisi de nous faire connaître des choses sur lui. Ce que Dieu a choisi de nous faire connaître se trouve dans la nature (cf. Rm 1.19-20), et, de manière suprême et complète, dans l’Écriture (cf. 2Tm 3.16-17).

Une limite fixée par Dieu

C’est pour cela que la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu a des limites que Dieu a fixées lui-même. C’est ce que nous voyons dans ce verset de Deutéronome:

Les choses cachées sont pour l'Éternel, notre Dieu; les choses révélées sont pour nous et nos enfants, à toujours, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi.

Deutéronome 29.28

Ce verset fait une distinction entre deux domaines de connaissance.

D’abord, il y a le domaine des “choses cachées”. Ce sont les choses qui appartiennent à l’Éternel, et non aux êtres humains. Ce sont les choses qui n’ont pas été "révélées" par Dieu aux êtres humains et qui sont inaccessibles pour nous. Nous ne devrions donc pas chercher à nous aventurer dans ce domaine, car ces choses ont été cachées pour une bonne raison, qui dépend de la libre volonté de Dieu.

Ensuite, il y a le domaine des “choses révélées”. Ces choses “sont pour nous”, elles nous appartiennent. C’est le domaine de connaissance que Dieu a choisi de faire connaître aux êtres humains. Dans le contexte de Deutéronome, les Israélites sont appelés à enseigner ces choses à la génération suivante, ainsi qu’à y obéir.

Il y a donc une limite claire à la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu. Cette limite est déterminée par ce que Dieu a choisi de nous révéler et ce qu’il a choisi de garder caché.

La Bible étant la parole de Dieu, révélation ultime et complète de Dieu, c’est la Bible qui délimite ce que nous pouvons savoir de Dieu. C’est la Bible qui constitue, pour nous chrétiens aujourd’hui, les “choses révélées”, que nous sommes appelés à connaître.

Notre rôle est donc de creuser ce que Dieu nous a révélé dans sa parole, tout en refusant de céder à une curiosité néfaste.

La fin de la curiosité

La curiosité peut être une qualité en théologie, mais elle peut aussi être désastreuse. À la lumière de ce que nous avons vu, notre théologie devrait se baser sur ce que Dieu a choisi de nous révéler dans la Bible, en évitant de rentrer dans le domaine des “choses cachées”.

Il est donc nécessaire de comprendre qu’en tant que théologiens, nous allons rencontrer des limites. Certaines questions resteront sans réponse, et certaines réponses ne paraîtront pas pleinement satisfaisantes. Ces limites ont été voulues par Dieu. Plutôt que de chercher à repousser ces limites, nous devrions nous courber devant la grandeur d’un Dieu qui nous dépasse.

Il nous faut mettre à mort la "vaine curiosité"1. Cette vaine curiosité est le désir d’aller au-delà des limites de notre connaissance. C’est la tendance à ne pas être satisfait avec ce que Dieu a choisi de nous révéler. Comme Calvin l’explique, c’est une tendance naturelle chez chacun de nous:

Nous sommes de nature enclins à curiosité. Par quoi, laissant là la doctrine qui sert à édification, ou au mieux la goûtant légèrement et par acquit, nous nous jetons sur des questions frivoles et inutiles. Avec cela il y a aussi de l'audace et de la témérité, en sorte que nous ne faisons point de difficulté de déterminer des choses qui nous sont inconnues et cachées.2

Calvin nous aide à voir les effets désastreux de cette vaine curiosité. Premièrement, cette curiosité nous amène à laisser de côté les doctrines que Dieu nous a révélé, et qui servent pourtant à notre édification. Deuxièmement, cette vaine curiosité nous amène à prendre position dans des domaines que Dieu a volontairement laissés cachés et où il n’a pas choisi de faire connaître la vérité. Nous risquons donc de croire et d’enseigner des choses qui ne correspondent pas avec la vérité.

Il est donc essentiel de mettre à mort cette curiosité, et de respecter le fait que nous dépasse totalement. Il est en droit de choisir ce qu’il veut nous faire connaître, et ce qu’il veut garder caché.

Nous n’avons pas à craindre que ce que Dieu garde caché soit en contradiction avec ce que Dieu a révélé. Il s’agit du même Dieu. Plutôt, nous devrions nous incliner devant la sagesse divine et reconnaître que Dieu a fait cela pour notre bien, afin que l’on se concentre sur les choses qu’il nous a révélé.

Nos réflexions théologiques peuvent susciter de nombreuses questions. Cependant, nous devons toujours retourner à l’Écriture pour trouver les réponses à ces questions. Si l’Écriture n’y répond pas, prenons garde de ne pas tomber dans la spéculation. Attachons-nous à ce que Dieu a révélé, laissant de côté ce qu’il n’a pas choisi de nous faire connaître.


1. Le terme vient de Petrus Van Mastricht, Theoretical-Practical Theology, Volume 2: Faith in the Triune God, Reformation Heritage Books, 2018, p.80.
2. Jean Calvin, Deuxième épître aux Corinthiens, Commentaires de Jean Calvin sur le Nouveau Testament Tome 5, Volume 2 (Aix-en-Provence: Éditions Kerygma, 2000), 165.

Benjamin Eggen

Benjamin est marié à Jessica et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

Ressources similaires