“Comment sais-tu que tu as vraiment loué le Seigneur?” Voilà la question la plus simple à poser pour se faire une idée de la vision du culte chez un chrétien. Si le but de notre culte est de communier avec Dieu, comment savoir que l’on a atteint cet objectif? Comment être sûr que nous avons réellement vécu un culte?
Pour les êtres physiques que nous sommes, la plupart de ce que nous vivons lors d’un culte s’incarne dans notre être physique.
En Colossiens 3, nous trouvons le commandement de chanter (le mot grec signifie littéralement “produire une mélodie avec les cordes vocales”). Cela peut paraitre évident, mais certains chrétiens ont parfois défendu l’idée que ce passage parlait de chant intérieur plutôt qu’extérieur. Il n’en est rien: nous sommes bel et bien supposés chanter avec nos voix lors du culte communautaire. Il est impossible de nous instruire les uns les autres par des cantiques sans utiliser notre vraie voix. De la même manière, Paul nous dit:
Entretenez-vous par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout votre cœur les louanges du Seigneur.
Ép 5.19
Nous ne pouvons pas faire cela en chantant intérieurement! Le mot “chantant” est le même qu’en Colossiens 3, mais est ajouté ici “célébrant les louanges”, qui signifie littéralement “tirer les cordes d’un instrument à cordes”.
C’est donc clair: la musique de notre culte communautaire est réelle et audible.
Nous impliquons aussi nos corps d’autres manières. Pour laisser la Parole de Christ habiter parmi nous abondamment, comme Paul le demande en Colossiens 3, nous devons utiliser nos yeux et nos voix pour lire concrètement les Écritures. Nous utilisons même nos bouches et nos mains lorsque nous partageons le Repas du Seigneur. Nous ne pouvons pas vivre un culte communautaire sans impliquer notre propre corps.
Jean écrit:
Quoique j’eusse beaucoup de choses à vous écrire, je n’ai pas voulu le faire avec le papier et l’encre; mais j’espère aller chez vous, et vous parler de vive voix, afin que notre joie soit parfaite.
2Jn 12
Il écrit quelque chose de similaire en 3 Jean.
Paul a répété plusieurs fois aux Romains son désir de venir les voir, pour jouir de leur présence (Rm 15.23-24, 32). Il aspirait à rencontrer les croyants de Thessalonique, en disant avoir “d’autant plus ardemment le vif désir de vous voir” (1Th 2.17), et pressait Timothée de venir au plus vite vers lui (2Tm 4.9). Paul pensait qu’il était vraiment important d’être ensemble pour vivre la communauté.
L’auteur de l’épître aux Hébreux commande aussi de ne pas abandonner nos assemblées (Hé 10.25). C’est pour cela que les passages parlant du culte communautaire dans le Nouveau Testament mettent régulièrement l’accent sur la rencontre physique liée au culte communautaire.
En 1 Corinthiens 11 et 14, Paul multiplie les allusions: “quand vous vous rassemblez” (1Co 11.17), “quand vous vous rassemblez en assemblée” (1Co 11.18), “quand vous vous réunissez pour le repas” (1Co 11.33), “quand vous vous réunissez” (1Co 11.34), “lorsque vous vous assemblez” (1Co 14.26). Le culte communautaire rend nécessaire le rassemblement; d’être corporellement impliqués.
[Jésus a dit:] Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.
Mt 18.20
Reconnaissons que la dernière citation de Matthieu 18 porte à confusion: Jésus a dit que “là où deux ou trois sont réunis [physiquement] en son nom, il est au milieu d’eux”; mais Jésus est-il physiquement au milieu d’eux quand ils se rassemblent? Cela ne peut pas être le cas, puisque depuis, Jésus est remonté au ciel. Étienne a vu Jésus à la droite du Père (Ac 7.56). Colossiens 3.1 nous enseigne que Christ “siège [corporellement] à la droite du Père”.
Comment donc Jésus peut-il être au milieu de nous alors qu’il se trouve corporellement au ciel?
Notons comment Colossiens 3.1 commence: “Si donc vous êtes ressuscités avec Christ…” Il faut reconnaitre tout d’abord que tous ceux qui sont unis avec Christ siègent également dans les cieux avec lui. Le verset 3 fait allusion à cette réalité: “Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu.” Paul le dit de façon encore plus explicite en Éphésiens 2.6, quand il affirme que Dieu “nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ”. Christ est assis dans les cieux, et puisque nous sommes en lui, nous sommes au même endroit! Souvenons-nous ce que Paul dit quelques versets plus loin:
Car par lui nous avons les uns et les autres accès auprès du Père, dans un même Esprit.
Ép 2.18
Nous avons accès au Père parce que nous sommes déjà dans la présence de Dieu dans les cieux, dans un même Esprit par Jésus-Christ.
C’est une réalité, et pourtant, il est évident que ce n’est pas encore une réalité physique. Nos corps sont encore ici-bas, alors que nous siégeons avec le Christ dans les lieux célestes. Cela montre que notre relation à Dieu est clairement de nature spirituelle, au travers de Jésus-Christ.
Comme le dit Paul, nous avons accès au Père dans un même Esprit. L’Esprit de Dieu est l’agent qui rend cela possible, car il est lui-même une réalité spirituelle.
C’est aussi en partie ce que Jésus affirme en Jean 4, quand il dit que Dieu recherche des adorateurs “en esprit et en vérité” (v. 23). Puisque “Dieu est esprit” (v. 24) –et ne possède pas de corps humain–, le vrai culte se vit dans une dimension spirituelle. C’est la raison pour laquelle il est essentiel que le Saint-Esprit demeure dans le temple du Nouveau Testament –qui est l’Église– de la même façon qu’il demeurait dans le temple de l’Ancien Testament. À cette époque, le culte était limité à ce temple matériel dans lequel l’Esprit habitait, mais “l’heure est maintenant venue” (v. 23) pour que le véritable culte s’installe là où deux ou trois croyants habités par l’Esprit se rassemblent, car Christ est “au milieu d’eux”.
Tandis que les gestes physiques sont bons et nécessaires au culte communautaire, l’essence de ce que nous y faisons est fondamentalement spirituelle. Quand nous nous rassemblons, nous agissons certes physiquement sur la terre, en interaction les uns avec les autres. Mais puisque nous sommes unis avec Christ, en fait, spirituellement, nous sommes déjà dans la présence de Dieu dans les cieux. Nous communions avec Dieu au travers de Christ quand nous célébrons un culte, mais nous le faisons dans l’Esprit. Notre communion avec Dieu n’est pas une réalité matérielle que nous expérimentons: c’est une réalité essentiellement spirituelle.
C’est la raison pour laquelle Paul nous dit:
1Cherchez les choses d’en haut, là où Christ est assis à la droite de Dieu. 2Affectionnez-vous aux choses d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre.
Col 3 .1-2
Le mot traduit par “affectionnez-vous” désigne plus qu’une activité cérébrale: c’est une profonde aspiration spirituelle du cœur.
La réalité de notre communion avec Dieu est spirituelle, c’est pour cela que notre affection principale devrait porter, non sur ce qui est sur la terre, mais sur les choses (réelles) qui sont au ciel, là où Christ est assis à la droite du Père; là où sont aussi tous ceux qui sont en Christ.
En tant que temples de Dieu, tout ce que nous accomplissons physiquement sur la terre est le reflet de ce qui se passe dans le vrai temple du ciel. Ce qui implique que la nature de notre communion avec Dieu n’est pas matérielle, mais spirituelle. Nous pouvons voir cela dans la manière dont Paul parle du chant en Colossiens 3: il demande de chanter verbalement –produire littéralement des mélodies avec nos cordes vocales– mais ce chant en lui-même n’est pas ce qui constitue notre communion avec Dieu. À la fin du verset 16, Paul souligne la réalité de ce que nous faisons:
...chantant à Dieu dans vos cœurs sous l’inspiration de sa grâce.
Col 3.16b
Rappelez-vous qu’au début du chapitre, Paul commandait d’attacher nos cœurs aux choses d’en haut; et au verset 16, il affirme que notre chant verbal et physique est une expression de notre cœur pour Dieu. Le chant physique découle de la nature même de notre culte: des cœurs dirigés vers Dieu. De la même manière qu’en Éphésiens 5.19, “chantant et produisant des mélodies au Seigneur de tout votre cœur”. Le simple acte de chanter ne suffit pas; le chant doit être l’expression de ce qui fait le culte: des cœurs tournés vers le Seigneur.
Il est important de reconnaitre le lien entre l’expression physique de la louange et sa nature spirituelle. Les expressions physiques du culte ne constituent jamais à elles seules l’essentiel de notre communion avec Dieu. Bien des personnes accomplissent des gestes physiques sans accomplir aucun acte cultuel. Au contraire, les aspects matériels du culte devraient être l’expression de la réponse spirituelle de nos cœurs tournés vers Dieu dans le vrai temple des cieux. Nous ne pouvons nous contenter d’accomplir une série de gestes, en imaginant que si nous avons chanté, prié, lu la Bible et écouté une prédication, nous avons communié avec Dieu. Non, l’essence de la vraie communion avec Dieu se situe dans nos cœurs, nos cœurs qui affectionnent les choses d’en haut.
Notre problème est que l’être humain a facilement tendance à définir la communion avec Dieu dans des termes matériels. Nous savons que la Bible nous enseigne que nous sommes assis avec le Christ dans les cieux, que nous sommes le temple de Dieu, que nous avons accès à la présence du Père au travers du Christ dans le Saint-Esprit. Mais nous continuons à vouloir des preuves physiques de ces réalités bibliques. Nous voulons être capables de “ressentir” la présence de Dieu. Ainsi, quand on nous demande si on a rendu un vrai culte à Dieu, nous répondons quelque chose qui ressemble à: “J’ai ressenti la présence de Dieu.”
Mais voici ce dont nous devons nous rappeler: alors que nous sommes dans la présence de Dieu au travers de Christ, c’est dans l’Esprit; c’est-à-dire une réalité spirituelle et non physique. Un jour, cette réalité deviendra physique, Paul le déclare:
Quand Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire.
Col 3.4
Mais ce temps n’est pas encore venu. Nous sommes dans les lieux célestes spirituellement, mais pas encore corporellement.
La nature spirituelle du culte et notre condition basée sur le “déjà et pas encore” rendent nécessaire la foi pour être en communion avec Dieu. L’auteur de l’épître aux Hébreux nous dit:
Approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi.
Hé 10.22
La foi est le moyen par lequel nous pouvons nous approcher de Dieu pour être en communion avec lui, même si nous n’expérimentons pas encore physiquement cette réalité.
L’auteur de la lettre aux Hébreux définit la foi dans le chapitre 11 comme la “ferme assurance des choses que l'on espère, une démonstration de celles que l'on ne voit pas” (v. 1). Même si nous savons que nous avons accès à la présence de Dieu dans les lieux célestes, nous avons besoin de la foi, car nous ne pouvons pas encore voir concrètement cette réalité. Nous ne pouvons pas voir Dieu, ressentir Dieu, ou expérimenter Dieu avec nos sens physiques. Notre communion avec Dieu est essentiellement spirituelle.
Ainsi, nous venons à Dieu avec assurance; quand nous nous approchons de lui au travers de Christ, nous sommes vraiment dans sa présence, même si nous n’en avons aucune preuve tangible ou matérielle.
Quand on nous demande si nous avons vécu un vrai culte, nous pouvons répondre: “Je sais que j’ai vécu un vrai culte, car je me suis approché de Dieu au travers de Christ avec un cœur sincère et une pleine assurance de la foi.” Cette assurance n’est pas basée sur une réalité physique, ni sur un simple devoir à accomplir, pas plus que sur un ressenti ou une expérience.
Malheureusement, au cours de l’histoire, certains membres du peuple de Dieu ont oublié la nécessité de la foi, pour la remplacer par des éléments tangibles. L’essence du culte communautaire est devenue matérielle plutôt que spirituelle.
Aujourd’hui encore, les chrétiens cherchent à ressentir la présence de Dieu alors qu’ils se rassemblent, qu’ils célèbrent un culte. Ils s’attendent à une révélation visible de sa gloire, à des dons miraculeux, ou à de fortes émotions. Le but de la musique et des “conducteurs de louange” est de “placer” (comme un placeur dans un théâtre) dans la présence de Dieu au ciel ou, comme l’explique un auteur, “d’amener les adorateurs de l’assemblée dans une conscience collective de la présence manifeste de Dieu”.
Ce genre de pensée a conduit à une nouvelle compréhension de la place de la musique dans le culte communautaire. Ruth Ann Ashton (dans son livre God’s Presence through Music) décrit ainsi l’essor de l’importance de la musique dans le culte: la musique devient comme un sacrement, un moyen de première importance permettant aux gens d’expérimenter la présence de Dieu.
C’est là très mal comprendre l’essence même du culte, et le rôle de la musique pendant son déroulement. Remarquons l’ordre dans lequel Paul présente les éléments en Colossiens 3.16: premièrement, que la Parole de Christ demeure richement en nous. Nous lisons et entendons la Parole de Dieu, et la Parole de Dieu demeure en nos esprits. C’est similaire à Éphésiens 5.18 qui dit: “Soyez remplis de l’Esprit.” Être rempli de l’Esprit et accueillir la Parole de Dieu en nous sont les deux faces d’une même pièce: le Saint-Esprit de Dieu nous remplit par la Parole qu’il a inspirée. Voilà ce qui vient en premier. Alors seulement, nous chantons physiquement au Seigneur, comme l’expression de ce que l’Esprit a fait dans nos cœurs par sa Parole. Oui, chanter audiblement et corporellement est important, mais ce n’est qu’une réponse à ce que l’Esprit a placé dans nos cœurs, et non pas un moyen par lequel nous pourrions ressentir la présence de Dieu.
En fait, beaucoup de “louangeurs” contemporains attendent de la musique ce que seul l’Esprit peut faire par sa Parole.
Jusqu’au 20ᵉ siècle, tous les dirigeants chrétiens évitaient d’utiliser la musique pour générer artificiellement des émotions. Ils savaient que l'on peut facilement attribuer au “spirituel” toute émotion créée par une belle musique. Mais l’émotion suscitée par cette musique n’a pourtant rien de spirituel; c’est juste une émotion. Elle n’est pas mauvaise, mais elle ne constitue pas l’essence même de notre communion avec Dieu. Elle n’est certainement pas la présence ressentie de Dieu. Ainsi, les responsables d'église veillaient à ce que la musique utilisée dans le culte soit remplie de la Parole de Dieu et ne manipule pas nos émotions.
Cet accent sur la nature spirituelle de notre culte est exprimée de façon magnifique à la fin d’Hébreux 12. Dans ce chapitre, on atteint le sommet de l’épitre avec une description frappante de l’objectif de notre vie: s’approcher de Dieu pour le louer.
22Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le chœur des anges, 23de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, 24de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel.
Hé 12.22-24
Nous ne célébrons pas encore physiquement dans les cieux, mais en Christ. Nous y célébrons spirituellement, dans un sens bien réel, car nous nous sommes “approchés de la montagne de Sion”.
Avec la venue de Christ, Dieu n’a plus besoin de descendre pour rejoindre l’univers matériel pour se manifester à son peuple; il nous autorise à monter jusque dans les cieux pour le louer, ce qui est de loin supérieur à tout culte terrestre et matériel de l’Ancien Testament. Ceci est rendu possible par la médiation de Jésus à l’égard de son peuple (Hé 12.24). Nous pouvons maintenant nous approcher de Dieu avec une pleine confiance en le louant.
Voilà ce qui se passe réellement quand nous nous approchons de Dieu en communauté. Nous venons par la foi et non par la vue, puisque nous ne sommes pas encore physiquement dans les cieux. Mais un jour, la foi sera concrétisée par la vue.
Un jour, nous serons assis à sa table dans nos corps physiques et glorifiés, revêtus de fin lin, brillants et purs. Nous verrons Christ corporellement avec nos yeux physiques, et nous joindrons nos voix physiques à celles d’une foule nombreuse.
6Et j'entendis comme une voix d'une foule nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne. 7Réjouissons-nous et soyons dans l’allégresse, et donnons-lui gloire.
Ap 19.6-7
Ainsi, soyons reconnaissants d’avoir reçu un royaume inébranlable, et offrons à Dieu un culte acceptable, avec crainte et respect, car notre Dieu est un feu dévorant.
Ndlr: Cet article est extrait d’un chapitre du livre Biblical Foundations of Corporate Worship (Les fondements bibliques du culte communautaire), de Scott Aniol. Nous avons pris la liberté de retirer quelques paragraphes pour alleger son contenu. Traduction libre. Merci à Cédric Jung pour la traduction. Vous pouvez également lire le chapitre complet en anglais ici.