L'insolence n'est pas le courage. Et la force ne fait pas la loi. Pourtant, dans le climat de confrontation dans lequel se trouve notre génération, ceux qui parlent le plus fort ont tendance à avoir le dernier mot.
Nous ne devrions pas être surpris de voir cela dans le monde. Ce qui est tragique, cependant, c’est quand cela devient acceptable dans l’Église. YouTube, Facebook et autres réseaux sociaux n’ont fait que permettre aux évangéliques de s’engager plus facilement dans des querelles théologiques, avec peu de considération pour les sentiments des personnes désincarnées de l’autre côté de l’écran.
S’il s’agissait simplement du comportement de croyants immatures ou charnels, ce serait moins pire. Mais une brève recherche sur le web révèle que de nombreux leaders chrétiens emploient des tactiques similaires dans leurs relations. De plus, ils se justifient bibliquement en qualifiant leur attitude de courageuse plutôt que de querelleuse. Dans le sillage de cette triste situation, l’admonition de Paul à Timothée dans 2 Tm 2.22-26 apporte des paroles de clarté dans ce climat de discorde.
Si 2 Timothée 1 était le conseil personnel de Paul à Timothée, de père spirituel à fils spirituel, au chapitre 2, Paul passe à une discussion sur la formation des leaders, d’apôtre à pasteur. Nous voyons cela au v. 2:
Et ce que tu as entendu de moi en présence de beaucoup de témoins, confie-le à des hommes fidèles, qui soient capables de l’enseigner aussi à d’autres.
Et nous le voyons encore au v. 14:
Rappelle ces choses, en conjurant devant Dieu qu’on évite les disputes de mots, qui ne servent qu’à la ruine de ceux qui écoutent.
Puis, dans les derniers mots du chapitre, Paul adresse à Timothée l’avertissement suivant :
Fuis les passions de la jeunesse, et recherche la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur. Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu’elles font naître des querelles. Or, il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles; il doit, au contraire, être affable pour tous, propre à enseigner, doué de patience; il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité, et que, revenus à leur bon sens, ils se dégageront des pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté.
Le verset 22 contient deux impératifs: « fuis… » et « recherche… ». Comme une grande partie de la vie chrétienne, cela représente bien le dépouillement du vieil homme et de sa folie, et le revêtement de l’homme nouveau et du caractère de Christ.
Au verset 23, nous trouvons le prochain impératif de Paul dans cette section: « Repousse… ». Dans la langue originale, le terme signifie renoncer, refuser, éviter, ou rejeter. Et les controverses en question étaient probablement liées à la loi, aux mythes et aux généalogies (1 Tm 1.4, Tt 3.9). Étant donné l’utilisation répétée de « disputes de mot » (v. 14) ou « querelle » (v. 23, 24) (c’est le même mot dans la langue originale), une telle attitude était très préoccupante pour l’apôtre. En effet, dans un passage parallèle à celui de 2 Timothée 2, Paul énonce les qualifications nécessaires pour le leadership spirituel, y compris que le serviteur du Seigneur ne soit pas querelleur (1 Tm 3.3).
Ailleurs, Paul emploie ce même terme grec traduit par « doux » d’une manière surprenante:
Mais nous avons été pleins de bienveillance au milieu de vous. De même qu’une mère prend un tendre soin de ses enfants. (1 Th 2.7)
Pouvez-vous imaginer une image plus tendre que celle-là? Pourtant, alors que la douceur/la bienveillance de Paul dans 1 Thessaloniciens s’inscrit dans le contexte de son amour parental pour les saints de Thessalonique, dans 2 Timothée, les destinataires de cette douceur/affabilité (encore une fois, c’est le même mot en grec) sont encore plus larges: tout le monde (v. 24)! Mais Paul ne s’arrête pas là. Au lieu d’être querelleur, le serviteur du Seigneur doit au contraire « redresser avec douceur les adversaires » (v. 25).
Ce qui est remarquable à propos des adversaires en question, c’est qu’il ne s’agissait pas de frères et sœurs avec lesquels Timothée avait un désaccord sur des questions secondaires. Il s’agissait plutôt de personnes qui étaient dans les « pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté » (v. 26). Et sa motivation était « l’espérance que Dieu leur donnera la repentance… » (v. 25).
Permettez-moi d’ajouter que si Paul demandait à Timothée de former les leaders chrétiens qui feraient preuve de douceur/affabilité/bienveillance envers leurs adversaires, il souhaitait sans aucun doute qu’ils fassent preuve du même caractère dans leurs relations avec les chrétiens avec lesquels ils n’étaient pas d’accord. Après tout, Jésus a enseigné à ses disciples en Jean 13.34-35:
Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres.
Ces paroles, écrites par l’apôtre Paul, nous permettent de tirer de puissantes applications dans notre utilisation des réseaux sociaux à notre époque. Tout d’abord, si dans nos efforts pour repousser la marée montante du sécularisme, de l’humanisme et de tout autre « -isme » nous avons employé des tactiques dures, agressives et caustiques dans nos interactions en ligne, est-ce que le Seigneur pourrait nous appeler à nous humilier et à nous repentir? Et deuxièmement, si l’une des qualifications pour les leaders spirituels est d’être “affable pour tous » (v. 24), cela ne devrait-il pas inclure les autres croyants? Pourtant, si le monde voit plutôt nos querelles en ligne sur des questions secondaires, comment pourra-t-il voir l’amour de Jésus en nous?
Je ne suggère pas que nous restions silencieux pendant que des leaders évangéliques déconstruisent leur foi et rejettent les doctrines primaires, tout en continuant à prétendre prêter allégeance au christianisme. Nous avons la responsabilité d’aborder la fausse doctrine et même d’appeler les faux docteurs par leur nom, comme Paul le fait (1Tm 1.20, 2Tm 1.15; 2.17). Mais lorsque nous le faisons, que notre cœur peine pour leur restauration plutôt que d’aspirer à leur ruine. Que notre Seigneur nous donne la grâce de faire en sorte que nos relations en ligne soient caractérisées par la douceur envers tous.