L'autorité: comment faire face aux situations complexes?

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      De nombreuses situations du quotidien nous confrontent à des dilemmes complexes pour lesquels il n'y a pas de réponse simple. À partir de quel moment la discipline exercée par un parent sur son enfant franchit-elle la ligne rouge et devient-elle un acte de maltraitance? Que faire lorsque deux autorités différentes, mais légitimes, recommandent deux lignes de conduite contradictoires? Concernant nos pasteurs, quels sont les péchés auxquels nous pouvons nous attendre? Lesquels pouvons-nous ignorer? Quels sont ceux qui devraient nous conduire à quitter l’Église? Dans le large éventail entre ce qui est simplement désagréable et ce qui menace ma vie, où se situe la ligne rouge, entre ce que nous pouvons passer sous silence et ce que nous ne devrions pas ignorer?

      Les Églises ont été confrontées à ces situations complexes durant l’épidémie de COVID-19. Certaines autorités civiles ont interdit les rassemblements cultuels pour ralentir la propagation de la maladie. Certaines Églises ont réagi en disant: “Christ est notre Seigneur, pas César.” Après tout, la Bible ordonne aux Églises de se rassembler. D’autres Églises ont répondu: “Oui, mais Christ a donné à César l’autorité de protéger nos vies, ce qui signifie que défier César quand nos vies sont en danger, c’est défier Christ.” Qui a raison?

      La plupart des chrétiens admettent que les autorités civiles ont le droit d’interdire des rassemblements cultuels pour faire face à un danger imminent, comme un assaillant armé forçant l’entrée d’un bâtiment. La plupart d’entre eux affirmeraient également qu’à un moment donné, le droit du gouvernement à prévenir les menaces physiques va trop loin. Il empiète alors sur la juridiction de l’Église.

      Interrogez des chrétiens en Chine ou en Iran qui sont sous le coup d’une interdiction permanente de se rassembler et vous verrez ce qu’ils vous répondent. Nous serions tous d’accord pour dire qu’ils ont le droit de se rebeller. Cependant, comme nous l’avons vu pour la souffrance, il existe une véritable gamme de réponses qui peut aller d’une fermeture temporaire d’une semaine à une fermeture permanente et forcée. Devrions-nous nous rebeller après deux semaines? Après dix? Quand? Et que faire si la maladie en question n’est pas le COVID, mais la peste bubonique et qu’un membre sur trois meurt après chaque rassemblement? Accorderions-nous plus de liberté à notre gouvernement pour interdire nos rassemblements?

      Face à ces questions si complexes concernant les autorités qui nous dirigent, que devrions-nous faire?

      1. Gardez les yeux fixés sur le jour du jugement

      Cette étape est la première et la plus importante de toutes. En effet, c’est par son jugement que Dieu évalue et décide de toute chose. Craindre Dieu, c’est le commencement de la sagesse.

      2. Étudiez les Écritures

      Au dernier jour, Dieu nous jugera selon les principes qu’il a inscrits dans les Écritures. Efforcez-vous de comprendre, à partir de la Bible, quelle est la juridiction que Dieu a assignée à chaque autorité à l’œuvre dans votre vie. L’autorité en question exige-t-elle quelque chose qui relève raisonnablement de son ressort?

      3. Veillez sur votre propre conscience

      Une situation peut ne pas être clarifiée par les Écritures, mais Dieu a donné à chacun de nous une conscience. Cette intuition intérieure nous permet de discerner et de juger de ce que nous croyons être bien ou mal. Lorsque vous êtes confronté à un conflit de valeurs morales ou à une question éthique complexe, demandez-vous ce que dit votre conscience? Agir contre sa conscience, c’est commettre un péché, même si cet acte n’est pas en soi un péché (Rm 14.23).

      4. Aiguisez votre conscience

      Après tout, votre conscience pourrait se tromper. Les protestants répètent souvent la fameuse déclaration de Martin Luther: “Il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience1.” Mais aurions-nous aussi applaudi l’hérétique Arius si, en reniant la divinité du Christ, il avait fait appel à sa conscience, comme l’a fait Luther? Bien sûr que non. Nous faisons l’éloge de Luther, non seulement parce qu’il a fait appel à sa conscience, mais aussi parce qu’il avait raison. En d’autres termes, nos consciences peuvent être perverties, endurcies ou faire simplement fausse route. C’est pourquoi nous devons continuellement former et réformer nos consciences selon la Parole de Dieu.

      5. Demandez conseil à vos pasteurs et aux autres membres de l’Église

      En plus de réformer votre conscience à travers la Parole de Dieu, recherchez le conseil de ceux qui ont la responsabilité de vous l’enseigner: vos pasteurs et vos anciens. Bien sûr, vos pasteurs ne détiennent pas la sagesse absolue. Nous avons besoin de toute l’assemblée, avec toutes ses nombreuses composantes et ses différents dons (1Co 12). D’autres membres, matures et attachés à Dieu, peuvent aussi vous offrir des conseils utiles.

      6. Demandez la sagesse au Seigneur

      Dans la Bible, la sagesse est une qualité divine permettant de comprendre le monde qui nous entoure, un monde certes déchu, mais conçu par Dieu. Cette sagesse nous aide à discerner le vrai du faux, à soupeser les différentes options et à faire les bons choix. C’est l’outil qu’il nous donne pour les situations complexes et les périodes d’incertitude. La bonne nouvelle, c’est que Dieu prend plaisir à donner sa sagesse quand nous la lui demandons (Jc 1.5).

      Reprendre un responsable

      Voici une dernière démarche que vous pourriez être amené à entreprendre: vous pourriez soit confronter la personne qui est directement en autorité au-dessus de vous, soit œuvrer pour qu’elle soit démise de ses fonctions. Cela peut faire peur (et ce n’est pas toujours la bonne solution, notamment quand cela peut causer plus de mal que de bien), mais c’est peut-être la démarche la plus aimante qui soit. En effet, cela rendrait service à la fois au responsable lui-même, mais aussi à tous ceux dont il a la responsabilité.

      Si vous décidez de confronter la personne qui a autorité sur vous, faites-le de manière respectueuse. Traitez cette personne comme vous voudriez être traité. Rappelez-vous que la personne qui est au-dessus de vous n’est qu’une personne et non Dieu. Cela contribuera à atténuer votre crainte et vous permettra de lui parler avec respect au lieu de paniquer. Paradoxalement, la crainte injustifiée de quelqu’un peut entraîner deux comportements antagonistes: d’une part, parler avec trop de douceur, ou au contraire parler de manière trop appuyée, trop colérique ou trop agressive, comme un animal sur la défensive. Et généralement, cela ne fait qu’endurcir le cœur des gens.

      Que faire si vous avez l’impression que votre responsable n’est pas prêt à recevoir vos remises en question avec humilité? Il se peut que vous ayez tort. Une partie du travail de responsable consiste à faire le tri entre les bons et les mauvais conseils. Votre responsable pourrait, à juste titre, ne pas tenir compte des vôtres.

      Ou alors, il se peut que votre conseil soit valable, mais que vous ayez surestimé la qualité de votre relation avec le responsable. Honnêtement, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que le responsable d’une organisation puisse écouter chacun de manière égale, en particulier si l’association grandit. Les responsables sont eux aussi des êtres humains. Ils ont besoin d’une certaine marge de manœuvre pour décider qui écouter et qui ignorer. Je devine que vous non plus, vous n’écoutez pas tout le monde de la même manière dans votre vie quotidienne.

      Enfin, évidemment, il se peut que votre responsable soit orgueilleux, vindicatif et qu’il ne se laisse pas reprendre. Vos années d’expérience et votre statut font de vous la personne idéale pour lui offrir un retour aimable, mais il n’est peut-être pas prêt à entendre la critique. Il se peut aussi tout simplement qu’il manque de maturité ou de sagesse. Si c’est le cas, le confronter pourrait entraîner une réaction négative et potentiellement dangereuse. Tout conflit implique un risque. La sagesse doit guider votre démarche. Parfois, vous prenez ce risque.

      Parfois, vous vous rendez compte que l’orgueil du responsable est démesuré et que votre démarche ne pourrait qu’aggraver la situation. Mieux vaut partir ou faire en sorte que ce responsable soit démis de ses fonctions. Imaginez une femme subissant des violences conjugales et pour qui la fuite est la seule option. Si vous vous trouvez dans une situation où le responsable est inattaquable, il faut peut-être reconsidérer votre avenir au sein de cette structure (voir 1Co 7.21) ou bien œuvrer pour qu’il soit démis de ses fonctions.

      Je ne peux pas vous donner de conseils pour chaque situation en particulier. Mais voici ce qu’il faut retenir: dans la mesure où Dieu le permet, nous devrions tous aspirer à rejoindre des Églises ou à travailler pour des organisations qui possèdent une compréhension saine de l’autorité. Et, en ce qui concerne les femmes, elles devraient toutes aspirer à épouser des hommes qui possèdent une compréhension saine de l’autorité. Je parle ici de personnes et d’organisations qui utilisent leur autorité pour fortifier et faire grandir les autres. C’est dans ces Églises, ces organisations, ces ministères et ces mariages que nous allons grandir et nous épanouir le plus. Si nous en avons la possibilité, c’est là que nous voulons nous trouver.

      Mais que faites-vous si vous êtes véritablement "coincé" aux côtés d’un responsable qui ne pense qu’à lui-même? Vous pouvez demander à Dieu de:

      1. Changer le cœur de ce responsable;
      2. Changer vos circonstances;

      Ou, si vous êtes véritablement coincé dans cette situation, demandez au Seigneur de faire ce qu’il fait généralement au travers de nos épreuves:

      1. Vous rendre toujours plus semblable à Jésus, qui a souffert, puis a été exalté (Ph 2.5-11; 1P 2.18-25).

      Conclusion

      Se soumettre aux personnes que Dieu a placées au-dessus de nous est donc le chemin normal vers la vie, la croissance et l’autorité, mais aussi pour ressembler au Dieu incarné, Jésus-Christ. Cependant, la soumission n’est jamais due aux autres de manière absolue. Elle est uniquement et exclusivement due à Dieu. Nous la leur devons seulement quand Dieu nous le demande. Ainsi, notre soumission ne devrait jamais être absolue. Elle est toujours liée aux missions confiées par Dieu, et les exigences particulières de chacune d’entre elles devront être discutées au cas par cas.

      Se rappeler que notre soumission est absolument et exclusivement due à Dieu devrait nous libérer de ce que nous pourrions craindre par ailleurs (voir 1P 3.6). Cela devrait aussi nous empêcher d’idolâtrer les gens ou de leur accorder trop d’importance. Je loue Dieu de ce que mes quatre filles ont, dès leur plus jeune âge, manifesté un penchant, apparemment inné, à m’honorer (sauf quand elles ne le font pas). Et pourtant, l’une de mes priorités en tant que père, c’est de leur enseigner que Dieu est le seul qui mérite tout leur honneur et toute leur espérance.

      De la même manière, l’Épître aux Hébreux exhorte les chrétiens à imiter leurs responsables et à se soumettre à eux (Hé 13.7, 17). Toutefois, elle nous rappelle simultanément que c’est Jésus qui est le même hier, aujourd’hui et pour l’éternité (v. 8). Nos pasteurs sont susceptibles de changer, de mourir, de trébucher ou de déménager. Jésus, lui, non. Les pasteurs méritent notre soumission uniquement parce que Jésus la mérite, ce qui signifie que notre soumission envers eux est toujours conditionnelle. Mais cette soumission, quand elle est appropriée, est un acte d’adoration envers notre Seigneur.


      Jonathan Leeman

      Jonathan Leeman (Ph. D., université du Pays de Galles) est le directeur éditorial de 9Marks et co-animateur du podcast Pastors Talk. Il est également l’auteur des livres Être membre d’une Église locale, Redécouvrir l'Église locale et La discipline d’Église.

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