M. Castor: La neige commence à fondre

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Dans Le Lion, la Sorcière Bblanche et l'Armoire magique de C.S. Lewis, nous assistons à un dialogue très intéressant dans la maison de M. Castor. Tous les enfants Pevensie sont présents: Peter, Susan, Edmund et Lucy. Ils viennent d'entrer dans le monde de Narnia grâce à la petite Lucy. Ils tombent par hasard sur M. Castor et trouvent bientôt refuge chez lui. Comme tous les Narniens, M. et Mme Castor se montrent très hospitaliers. Ils vont révéler aux Pevensie qu’ils ne sont pas là par hasard: leur arrivée constitue en fait une prophétie annoncée depuis longtemps.

Voir le sommaire et l’introduction de la série: « La Grâce dans Narnia ».

Aslan, l’auteur de la Grâce

La conversation se tourne d’abord vers la figure d’Aslan:

— C’est inutile, fils d’Adam, dit M. Castor, inutile que vous tentiez quoi que ce soit, vous moins que personne. Mais maintenant qu’Aslan est en chemin…

— Oh! Oui! Parlez-nous d’Aslan! crièrent plusieurs voix à la fois; car à nouveau l’étrange sentiment, semblable aux premiers signes du printemps, semblable aux bonnes nouvelles, s’était emparé d’eux.

— Qui est Aslan? demanda Susan.

— Aslan? dit M. Castor. Comment, vous ne le savez pas? C’est le roi. C’est le seigneur de la forêt tout entière, mais il n’est pas souvent là, vous comprenez. Il n’a jamais été là de mon temps, ni de celui de mon père. Mais nous avons été avertis qu’il était revenu. Il est à Narnia, en ce moment. Il va régler l’affaire de la Reine Blanche. C’est lui, non pas vous, qui va sauver monsieur Tumnus.

M. Castor révèle tout de suite aux enfants que le secours ne viendra pas d’eux. Dans leur quête, le secours viendra nécessairement d’une intervention extérieure. C’est le premier caractère indispensable de la Grâce divine. Elle est ici présentée ici comme l’œuvre d’Aslan, qui est le fils de l’empereur d’au-delà-des-mers. L’empereur est le maître, non seulement de Narnia, mais de tous les mondes, y compris la Terre.

Lewis n’a jamais caché que le personnage d’Aslan est une version du Christ qui aurait pu apparaître dans un monde peuplé d’animaux qui parlent. Au cours du dernier chapitre de L’odyssée du Passeur d’Aurore, Lucy et Edmund sont dévastés d’apprendre qu’ils ne reviendront plus à Narnia. Mais, Aslan leur dit:

— J’y suis, répondit Aslan. Mais je porte là-bas un autre nom. II vous faut apprendre à me connaître par ce nom. C’est pour cette même raison que vous avez été transportés à Narnia; pour que, en me connaissant un petit moment ici, vous puissiez maintenant mieux me reconnaître là-bas.

Cette phrase d’Aslan est d’ailleurs restée assez énigmatique pour certains lecteurs. Hila Newman, 11 ans, de New York, écrivit à CS Lewis pour lui demander quel était l’autre nom d’Aslan. L’auteur a répondu:

L’autre nom d’Aslan, je souhaite que vous le deviniez. Personne d’autre dans ce monde n’est arrivé à la même époque que le Père Noël. Il est le fils de l’Empereur au-delà des mers. Il s’est sacrifié pour racheter la faute d’un autre, a été moqué et tué par de mauvaises personnes. Il est revenu à la vie. Il s’exprime parfois comme un agneau. Vraiment, vous ne savez pas son nom dans ce monde? Réfléchissez bien et faites-moi savoir votre réponse.

Lewis ne prend pas beaucoup de risque en choisissant un lion, car la Bible elle-même fait cette comparaison à plusieurs reprises:

Le lion rugit: qui ne serait pas effrayé? Le Seigneur, l’Éternel, parle: qui pourrait ne pas prophétiser?

Notons qu’Aslan apparaît aussi sous la forme d’un agneau à la fin de L’odyssée du Passeur d’Aurore:

C’était tout près, maintenant. Mais entre le pied du ciel et eux, il y avait quelque chose, d’une telle blancheur que même avec leurs yeux d’aigles, ils pouvaient à peine le regarder. Ils s’approchèrent et virent que c’était un agneau. […] Mais, tandis qu’il parlait, le blanc neigeux de sa toison se mettait à rougeoyer en un or fauve, sa taille changeait, et voici qu’il était Aslan lui-même, les surplombant et dispersant l’éclat lumineux de sa crinière.

Lewis voyait Aslan comme le lion et l’agneau, un roi bon et juste (donc en colère contre le péché). Un peu plus loin, M. Castor dit qu’Aslan est bon et terrible à la fois. Il dit aussi que c’est un lion sauvage, dans le sens où il n’est pas indifférent au péché. Il n’est pas apprivoisé, c’est-à-dire qu’il n’est pas modelé par notre égoïsme.

La neige commence à fondre

Ce qui caractérise la relation entre M. Castor et Aslan, c’est avant tout une bonne dose d’espoir. Pourtant, bien qu’Aslan soit connu d’un petit groupe de Narniens, il n’était pas là quand ils subissaient les pires angoisses et le mépris. Le territoire de Narnia demeure dans un hiver perpétuel depuis que Jadis, la Sorcière blanche, a conquis Narnia. Elle change en pierre ceux qui s’opposent à elle. Pourtant, de vieilles prophéties circulent encore à Narnia sur le retour d’Aslan, comme des petites lumières dans les ténèbres:

Aslan remettra tout en ordre, comme il est dit dans ce passage d’un poème très ancien:

Le mal se change en bien Aussitôt qu’Aslan revient, Au bruit de son rugissement Disparaissent tous les tourments Quand il montre ses dents, L’hiver meurt sur-le-champ, Et dès qu’il secoue sa crinière Le printemps renaît sur la terre.

M. Castor présente une foi inébranlable dans ces prophéties, malgré l’absence apparente d’Aslan. Dans la Bible aussi, la Grâce est annoncée dès la Genèse, mais il faut attendre des milliers d’années pour voir son accomplissement. Tout l’Ancien Testament nous parle de cette attente à travers (notamment) de nombreuses prophéties. Pourquoi cette attente? Peut-être simplement parce que les hommes avaient besoin de cette attente pour saisir pleinement la Grâce. Quand l’Évangile s’est manifesté en Christ, c’était exactement le bon moment pour l’homme de comprendre son besoin désespéré de la bonne nouvelle.

C’est pendant cette conversation qu’Edmund fausse compagnie au reste de la famille pour rejoindre la sorcière blanche, devenant ainsi un traître. On lit au chapitre 9:

La mention du nom d’Aslan lui faisait éprouver un sentiment d’horreur mystérieuse, alors qu’elle donnait aux autres un sentiment d’extraordinaire bien-être.

Edmund a eu peur en entendant parler d’Aslan, à cause de son péché (il a déjà goûté aux loukoums de la Sorcière blanche). Il a eu peur, car, en écoutant M. Castor, il a compris au fond de lui qu’Aslan détestait le péché. Cette peur ne l’empêchera d’être au centre de l’action puissante de la grâce (mais c’est le sujet du quatrième article de la série).

Les trois autres se lancent à la recherche d’Aslan, qui sera la clé pour les aider à retrouver leur frère. Ils sont rapidement poursuivis par la Sorcière blanche, qui connaît très bien la prophétie qui dit ceci:

Le jour où la chair d’Adam, où les os d’Adam Siégeront sur le trône de Cair Paravel, Le temps des malheurs cessera complètement.

Alors qu’ils sont en route, l’hiver et le froid commencent à disparaître pour laisser place au printemps. La neige commence à fondre. Ils savent ainsi qu’ils se rapprochent d’Aslan. La Sorcière blanche est même contrainte d’abandonner le traîneau lorsque la neige disparaît totalement:

Désormais, la neige fondait pour de bon et, de tous côtés, apparaissaient peu à peu des plaques d’herbe verte. À moins d’avoir contemplé un monde enneigé aussi longtemps que l’avait fait Edmund, vous ne pouvez pas imaginer l’immense soulagement que lui apporta, après tant de blanc, la vue de ces miraculeuses taches vertes. Le traîneau s’arrêta de nouveau.

— C’est inutile de continuer, Votre Majesté, annonça le nain. Nous ne pouvons plus avancer en traîneau avec ce dégel!

— Alors, nous devons marcher! décida la sorcière.

— Nous ne les rattraperons jamais en marchant, grogna le nain. Pas avec l’avance qu’ils ont prise!

Les castors et les enfants, à leur tour, peuvent aussi observer ce miracle et l’espérance vient fleurir dans leurs cœurs:

Tandis que le nain et la Sorcière Blanche parlaient ainsi, les castors et les enfants, à des kilomètres de là, continuaient à marcher au milieu de ce qui leur paraissait un rêve délicieux. Il y a longtemps qu’ils avaient abandonné leurs manteaux derrière eux. Et, à présent, ils avaient même cessé de se dire les uns aux autres:

— Regardez! Voici un martin-pêcheur!

— Pas possible, des jacinthes!

— Quel est ce parfum exquis?

— Écoutez cette grive!

La Grâce divine est l’espoir d’un nouveau printemps, une attente qui se réalise. Quelqu’un est venu depuis là où on aimerait être, pour nous secourir là où on est. Quand nous réalisons cela, nous passons d’un hiver mélancolique à un printemps mélodieux, d’une partition inachevée à une symphonie merveilleuse. Le parfum de la Grâce est comme un écho d’un monde au-delà du nôtre, une attente que nous pouvons trouver dans tous les cœurs humains.

Avons-nous, comme M. et Mme Castor, discerné cette lumière au milieu de nos ténèbres? Est-ce que nous voyons la neige de l’angoisse et du mépris en train de fondre?

Conseil pour écrire un conte

Nous organisons actuellement un grand concours de contes sur le thème « Grâce infinie » (avec Yannick Imbert, Louisa Treyborac, André Fillion, Claude Royère). Il est ouvert jusqu’au 31 mars 2023, en partenariat avec BLF Éditions, Éditions ThéoTeX, TPSG et La Réb’. Que diriez-vous de participer?

Cet article sur M. Castor peut nous permettre de retirer un conseil d’écriture, en particulier sur la façon d’aborder le thème de la Grâce. Nous proposons une définition dans le règlement:

La Grâce est la faveur, le secours entièrement gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel et devenir enfants de Dieu, fils adoptifs.

Un premier aspect indispensable contenu dans cette définition est que le secours, la solution au problème du conte doit nécessairement venir d’une intervention extérieure.

Mais ce n’est pas tout, il ne faudrait pas limiter la Grâce à cela. Si vous regardez bien la définition, vous pouvez constater que celle-ci contient en elle-même une réalité avant et après ce secours entièrement gratuit. La définition est basée sur ce verset:

Ainsi, déclarés justes par sa grâce, nous sommes devenus ses héritiers conformément à l’espérance de la vie éternelle.

Ce verset, comme M. et Mme Castor, nous apprennent que la Grâce est liée à la notion d’espérance. Le conte pourrait contenir quelque chose qui crée de l’attente (par exemple des prophéties). Cela n’est pas du tout obligatoire, mais cela permettra de rendre la Grâce plus forte. Elle est venue exactement au bon moment. Le printemps est venu, car la neige a commencé à fondre grâce à l’amour de Dieu pour ses créatures. Cette Grâce nous donne maintenant une espérance solide dans un autre monde.

4 questions à se poser:

  1. Est-ce que la Grâce est présente dans mon conte?
  2. Qu’est-ce qui rappelle la gloire à venir?
  3. Est-ce qu’il y a de l’espoir?
  4. La fin est-elle réaliste, belle et donne-t-elle de l’espérance?

À vos plumes!

La semaine prochaine, nous découvrirons d’autres conseils utiles pour écrire un conte, grâce à Lucy Pevensie.

David Mas

David est le fondateur et coordinateur du site Plumes Chrétiennes, un blog collectif dédié à la littérature chrétienne, où de nombreux auteurs viennent proposer des textes poétiques ou de fiction. C’est également un professeur des écoles passionné. Il est marié avec Amandine et ont deux jeunes enfants. Il est membre et responsable de l’Église Protestante Évangélique de Montceau-les-Mines.

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Découvre le replay du webinaire de Raphaël Charrier et Matthieu Giralt (Memento Mori) enregistré le 24 octobre 2018.

Orateurs

M. Giralt et R. Charrier